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Djamila Bouazza décède la veille de la visite du président français en Algérie

Hollande à Alger. Une moudjahida nous quitte

La veille de la visite du président français en Algérie, Djamila Bouazza, moudjahida de la guerre de libération et figure de la résistance algérienne face à l’occupation coloniale, s'est éteinte à la clinique El Azhar d'Alger, à l'âge de 78 ans. Djamila Bouazza a été l’une des deux combattantes algériennes condamnées à mort pendant la guerre. Arrêtée en mai 1957, sa condamnation pour « terrorisme » tombe en juillet 1957, prononcée par un tribunal militaire français. A la suite de l’indépendance, en 1962, Djamila Bouazza sera finalement amnistiée. Elle fut l’une des 1500 condamnés à mort, dont 222 effectivement assassinés par guillotine ou fusillés par l’Etat français, sans compter les 300.000 morts algériens, tués pour avoir résisté à l’occupant. Aujourd’hui, en revanche, François Hollande et Abdelaziz Bouteflika font des affaires.

Damien Bernard

15 juin 2015

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L’une des premières femmes algériennes combattantes

Pour répondre aux multiples tortures, assassinats de combattants algériens et d’enfants, perpétrés par l’occupant et par l’organisation laMain Rouge pilotée par les services secrets français, les militants du Front de Libération Nationale (FLN), dirigés dans la zone autonome d’Alger par Yacef Saâdi, organisent la résistance en vue de préparer la grève générale du 28 janvier 1957.

Voyant la montée du FLN et l’instabilité politique croissante, 8.000 paras de retour de la campagne de Suez entrent le 7 janvier 1957 dans Alger avec pour mission de « pacifier » la ville. Pour répondre à cet envoi de troupes qui marque le début de la Bataille d’Alger, les militants du FLN organisent une campagne d’attentats à la bombe.

La condamnation à mort de Djamila Bouazza, que l’histoire officielle française qualifie de « terroriste », fait suite à la « pose d’un engin explosif », le 26 janvier 1957, à la terrasse du Coq Hardi, une brasserie du centre d’Alger. L’opération sera, des années plus tard, immortalisée dans La Bataille d’Alger, de Gillo Pontecorvo. La campagne a pour but de préparer l’insurrection ouvrière, le 28 janvier, face à l’occupant et au patronat français. Les parachutistes brisent la grève en quelques jours, ouvrant les magasins de force, allant chercher à domicile avec des camions les travailleurs et les fonctionnaires absents de leur travail.

A la suite de ces attentats de résistance, Djamila Bouazza et Djamila Bouhired sont les premières combattantes algériennes condamnées à mort par les tribunaux et l’Etat français durant des simulacres de procès auxquels assistent militaires et colons. 1500 condamnations à mort de militants algériens seront prononcées pendant « les troubles », un certain nombre paraphées par un certain François Mitterrand, alors ministre de la Justice sous Guy Mollet.

Hollande. La stabilité politique dans l’arrière-cour de Paris avant tout

Hollande se rend, ce lundi 15 juin, au chevet d’Abdelaziz Bouteflika, pour une « visite de travail » de huit heures. Bien entendu, il n’aura pas un mot pour rendre hommage à Djamila Bouazza ni même aux 300.000 Algériens tués par la France durant la guerre d’Algérie. Il se contentera d’une gerbe au monument des martyrs de la Guerre d’Algérie.

Sa mission officielle est de « conforter le partenariat entre les deux pays », autrement dit, garantir les intérêts économiques de la France, en maintenant l’« ordre » et la stabilité politique en Algérie, l’une de ses arrières-cours stratégiques dans la région du Maghreb et dans l’Afrique subsaharienne.

La présence de Hollande a un double enjeu. D’une part, assurer aux généraux algériens l’appui de la France à la succession de Bouteflika, pratiquement mourant ; d’autre part les dossiers liés au « terrorisme régional », à savoir la guerre que livre la France au Mali voisin et les inquiétudes liées à la déstabilisation de la Lybie . Selon Hollande, « par rapport à ce que nous vivons, la sécurité dans le Sahel, la Libye, nous avons besoin d’avoir un travail en commun ». Le président a également évoqué le« travail économique »entre l’Algérie et la France.{}« Vous savez combien nos populations sont liées. L’histoire doit nous permettre d’aller beaucoup plus loin dans les relations », a-t-il expliqué, estimant que « nous avons déjà réalisé beaucoup ». Les présidents changent, mais le rapport impérialiste à l’Algérie et au Maghreb perdure.

Bouteflika et le FLN. Du côté de Hollande ou de Bouazza ?

Le président algérien aurait adressé ses condoléances à la famille de la moudjahida décédée. Selon Bouteflika, l’Algérie aurait perdu « un des symboles de la lutte et de la résistance ». Quel cynisme pour un gouvernement qui ne cesse de réprimer les résistances ouvrières, avec notamment, depuis fin janvier 2015, une vague d’arrestations et de condamnations de militants ayant participé à des manifestations visant à soutenir des travailleurs sans emploi.

Le chômage de masse et l’inflation sont en effet la règle en Algérie. Le FLN, dirigé officiellement par un Bouteflika grabataire qui en est à son quatrième mandat présidentiel, est une officine vendue à l’impérialisme. Bouteflika et la bourgeoisie locale ont usé jusque-là de la redistribution partielle et clientéliste de la rente pétrolière pour tenter de maintenir la paix sociale, stratégie qui a en partie réussi malgré la crise économique mondiale et les processus des révolutions arabes de 2011.

Mais la recette ne suffit plus. Les sources de revenus liés aux hydrocarbures, qui représentent l’essentiel du budget algérien, sont plombées par une baisse de la demande et du prix du baril de pétrole. L’Etat algérien cherche d’autres sources de revenus pour les classes dominantes locales, d’où la plus grande ouverture aux capitaux étrangers. C’est ce qu’illustrent la création d’une usine de montage Renault en 2012, l’entrée d’Alstom et le tramway d’Alger, mais encore la façon dont la France lorgne sur Sonatrach, la société pétrolière nationale.

Autant de raisons qui président au voyage de Hollande à Alger. Autant de raisons qui montrent que le combat entamé par Djamila Bouazza, en 1957, est encore à mener jusqu’au bout, jusqu’à la libération nationale et sociale !

15/06/15.


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