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Dans un quartier de Nantes. Violences policières sur fond d’état d’urgence

Interview d’une femme violentée par la police. 12 jours d’ITT et de nombreux hématomes

En périphérie de Nantes, dans le quartier orvaltais, une femme, mère de quatre enfants, a été brutalement réprimée et violentée par la police, lui infligeant des blessures qui lui ont valu 12 jours d’Incapacité Temporaire de Travail (ITT). A la vue de son fils, menotté et le nez en sang, la femme est accourue vers lui, avant d’être sauvagement jetée au sol par un policier. C’est un déchainement de violence qui va s’abattre sur la femme à terre. Plaquée sur le ventre, la police enchaine des rafales de coups de matraque télescopique (dite « tonfa »). Comme si la violente agression de la police ne suffisait pas, elle est placée en garde à vue pour une durée de 45 heures.

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Révolution Permanente a interviewé cette femme qui a subi un déchainement de violence d’une police qui se croit désormais tout permis sous l’état d’urgence, tout juste prolongé de 3 mois. Après Pantin où une femme a été elle aussi violentée par la police, puis Katia Lipovoi, militante de la LPO, âgée de 72 ans, plaquée au sol et placée 17 heures en garde à vue, c’est désormais à Nantes que sévissent les forces de répression. Voici son interview :

C.J

Est-ce que vous pouvez nous raconter ce qu’il s’est passé le dimanche 24 janvier 2016 ?

Ce dimanche 24 janvier 2016, alors que je suis avec ma petite dernière de 6 ans chez ma mère, je décide de rentrer à mon domicile sur les coups de 17h00. En arrivant, je vois des véhicules de police dans mon avenue, des policiers de la BAC et des policiers en tenues, ainsi que quelques jeunes du coin. Je me dirige vers mon hall d’immeuble et mon fils ainé de 19 ans, vient à ma rencontre. Je lui demande ce qu’il se passe et il me dit que son petit frère de 15 ans aurait été vu avec des amis sur un scooter, qui pourrait être volé. Je demande à ma fille de 12 ans, qui est chez moi, de descendre récupérer la petite qui m’accompagne en lui expliquant que son frère aurait fait une connerie, que je vais rester dehors afin de vérifier ce que je viens d’entendre.

A peine est-elle arrivée, que les jeunes se mettent à crier le prénom de mon fils de 15 ans : " Il est là ! ". Voyant les jeunes courir sur le côté du bâtiment, je me mets à courir en les suivant. Je vois, à quelques mètres, mon fils, que je devine menotté, saignant du nez et les larmes aux yeux. Il m’appelle... Je ne sais pourquoi, je jette mon sac à main et cours en sa direction.

Je me fais soudainement éjecter au sol par un policier en tenue, matraquée par un autre et plaquée par terre, sur le ventre. Mon fils de 15 ans se fait également plaquer au sol à quelques centimètres de moi. Il se fait frapper... il hurle de douleur. Je lui parle tout en suppliant les policiers d’arrêter de le tabasser. Ceux-ci m’ordonnent de "fermer ma gueule" et vont me mettre plusieurs coups de tonfa.

Les voisins se mettent aux fenêtres, les jeunes autour crient leur indignation... il parait même que des œufs auraient été jetés par une fenêtre afin de détourner l’attention du policier qui s’acharnait sur moi... mais ça, je ne l’ai pas vu. Mon fils ainé qui assiste à cette scène, tente de détacher le policier qui me matraque, mais il se fait de suite plaquer au mur et frapper à son tour. Il se fait menotter, insulter, on lui rabaisse la capuche de sa veste sur le visage et on le traine sur quelques mètres au sol, comme un chien, jusqu’à une voiture.

J’entends des « boums », les policiers tirent des grenades de désencerclement, gazent les petits jeunes qui assistent impuissants à la scène. Je suis menottée à mon tour, je ne sais plus trop à quel moment, et amenée à une aubette de bus sur l’avenue principale, côté cuisine de mon appartement. Mon fils de 15 ans est amené dans un véhicule que l’on gare juste en face de moi.

Ma fille de 12 ans est à la fenêtre de ma cuisine, elle pleure et m’appelle... Elle me demande pourquoi je me suis fait taper... Je lui crie d’appeler sa grand-mère, qu’elle ne s’inquiète pas. Je demande au policier assis à mes côtés de prendre mon téléphone, qu’il appelle ma mère afin que mes filles ne restent pas seules... j’ai eu droit à "ferme ta gueule, on s’en fout de tes filles" en guise de réponse. Un jeune homme crie de loin de ne pas m’inquiéter pour mes filles, c’est un ami de mon fils ainé. Il me dit de me rassurer et que mes filles ne resteront pas seules, qu’il va s’en occuper. Ce jeune homme, se fera littéralement gazer, je ne sais toujours pas pourquoi.

Je suis ensuite installée dans la voiture où mon fils de 15 ans est assis. Il pleure, il s’excuse, me demande si je n’ai pas mal... je lui parle, le calme et le tempère.
Je détourne la tête et jette un œil sur mon fils ainé qui est dans le véhicule à côté du mien. Alors qu’il est menotté, un policier lui afflige une rafale de coups de poings dans le ventre... je me mets à crier, je panique et j’ai très peur pour lui... Je le vois pâlir, en sueur. Un policier ouvre sa portière, mon fils se penche et vomit... Je leur dit que ce n’est pas bon signe de vomir après des coups, je suis sûre que mon fils a un problème.... le policier qui se trouve dans la voiture où je suis me dit "c’est rien, il fait une crise de stress ton fils" tout en ricanant...

L’ami de mon fils de 15 ans qui avait été aussi vu sur le scooter, arrive, menotté, de je ne sais où, et, est aussi placé dans un véhicule....Départ pour le commissariat Nantais Waldeck Rousseau.

Est-ce que la police en plus de la violence physique, a utilisé la violence verbale, des insultes ? Y compris après votre arrestation ? Que s’est-il passé pendant votre garde à vue ?

Oui, ils sont très vulgaires... on m’a ordonné de "fermer ma gueule" à plusieurs reprises, mes fils se sont fait insultés de merdeux et j’en passe...Arrivés au commissariat, mon fils de 15 ans est mis dans un bureau non loin de moi, mais je ne peux le voir. Mon fils de 19 ans et l’autre petit jeune (de 15 ans aussi il me semble) sont assis, toujours menottés sur un banc non loin du mien.

On entend mon fils de 15 ans pousser des cris de douleurs, je l’entends pleurer... Mon fils de 19 ans et moi-même, les supplions, une fois de plus, de le laisser. La nausée me monte et un des policiers m’accompagnera à la porte des toilettes...A ma sortie des toilettes, je vois, et je l’ai signalé lors de mes futures auditions, deux policiers se jeter littéralement sur le petit jeune (l’ami de mon fils de 15 ans), et le serrer par le cou ... le gamin devient violet ! J’ai très peur, mon fils ainé que j’ai rarement vu paniquer leur crie qu’ils vont l’étouffer !

Nous sommes ensuite placés dans des cellules de garde à vue. Je refuse l’assistance d’un avocat car j’estime n’avoir rien fait, je suis convaincue que je vais être auditionnée et relâchée. Lors de ma première audition, j’ai raconté ma version des faits... j’ai également précisé que je souhaitais porter plainte contre les agents qui nous on violentés. On me refusera d’ailleurs de me communiquer leurs noms ou matricules comme je l’avais demandé. Je demande à voir un médecin. Le lendemain, vers 17h00 il me semble, j’apprends par Madame la Substitut du Tribunal, via une vidéo conférence, que ma garde à vue est prolongée de 24 heures, car en plus de rébellion, je suis maintenant accusée d’outrages... je m’effondre. Je lui explique tant bien que mal ce que j’ai vécu, mais rien n’y fait. Je demande l’assistance d’un avocat quand je comprends que ça va être difficile de me faire entendre. Je demande également à revoir un médecin car ma jambe droite devient vraiment douloureuse.

Une autre audition arrive... Le policier me dit qu’il connait bien les agents qui étaient présents ce dimanche et que ce n’est pas possible qu’ils aient été aussi violents... je maintiens mes dires... Il m’apprendra d’ailleurs ce qu’est un tonfa, en m’expliquant que cela peut casser une jambe... Re-audition le matin très tôt, afin de savoir si je ne veux pas revenir sur mes dires.... mais je ne démords pas... j’ai même eu le droit à un pseudo chantage à la cigarette... Vers midi on me fait signer la fin de GAV de mon fils de 15 ans... Mon ainé et moi-même seront déférés au Tribunal. J’y apprends que 3 policiers ont porté plainte contre moi, pour rébellion et violences... j’en aurais même étranglé un... On me notifie aussi que l’outrage ne sera pas retenu car les policiers m’accusent d’avoir proféré des menaces et insultes en tout genre, alors que j’ai reconnu les avoir insulté de "connards"...

Lors de ma garde à vue, une policière et un policier m’ont laissé fumer une cigarette... et me disaient être navrés de ce qu’il m’arrivait...

En sortant de votre garde à vue vous avez fait constater vos blessures, que vous a dit le médecin ? Aujourd’hui comment vous vous sentez ? Dans quel état est votre fils ?

Oui, j’ai contacté SOS médecins à ma sortie du Tribunal. Il est venu à mon domicile vers minuit. Il m’a prévenu que d’autres hématomes allaient sortir… Il a certifié que mes dires correspondaient à ce qu’il constatait... J’ai eu un premier ITT de 6 jours de sa part... qui a été re-prolongé de 6 jours par mon médecin car je nécessitais toujours le port d’un atèle, toujours des douleurs, et j’étais complètement abattue psychologiquement.

Mes fils sont très affectés psychologiquement... Mon fils de 15 ans culpabilise, et d’ailleurs je ne cautionne aucunement ses bêtises. Il me demande souvent si ça va, a pris soin de me masser la jambe pendant mes deux semaines d’atèle... il m’a même fait un câlin alors que le dernier reçu de sa part datait de plusieurs années (rires). Mes enfants savent que j’ai entrepris des démarches pour faire valoir mes droits, mais ont peur des représailles, les policiers patrouillant très souvent dans notre secteur.

Suite à votre agression, la police est-elle venue vous intimider comme ce qu’il se passe actuellement à Pantin ?

Moi directement, non. Mais mon fils ainé, oui. Il s’est fait contrôler son identité peu de temps après. Tout étant en règle, ils ont décidé de vérifier l’IMEI de son IPhone... sans succès non plus car c’est un téléphone non volé... Du coup, ils lui ont demandé si eux aussi pouvaient signer la pétition que j’ai mise en ligne sur internet contre les violences policières...

Vous avez essayé de prendre contact largement autour de vous pour diffuser ce qu’il vous est arrivé, qui vous a répondu ?

J’ai pris contact avec ma Mairie, qui m’a reçue, afin de leur expliquer comment la police intervient... car un article de presse était paru, mais celui-ci était complètement faussé... Je tenais à leur expliquer qu’il n y a pas de "folle" sur leur commune. J’ai été reçue par deux personnes, qui m’ont juste assuré de remonter les infos au Maire. J’ai rencontré les médiateurs du quartier, mais rien n’a bougé concrètement. J’ai été mise en contact avec un collectif nantais qui m’a beaucoup conseillé et me soutien. Mes enfants ont démarché le voisinage, car nous sommes sûrs que des vidéos ont été prises avec des téléphones... mais les gens ont peur, disent ne rien avoir.

Depuis l’instauration de l’état d’urgence, avez-vous senti une recrudescence des violences policières notamment dans les quartiers ?

A mon niveau, je dirais beaucoup de provocations de leur part... Il m’est arrivé de voir la BAC passer en voiture, ralentir devant les jeunes et leur dire "wesh wesh, bien ou bien ?"... ils leur font même des doigts d’honneur ! Via les médias, je suis exaspérée de voir l’augmentation des violences policières, femmes, enfants, et dernièrement, une dame de plus de 70 ans... C’est navrant. On arrive au stade où l’on craint ceux qui sont là pour initialement nous protéger…

Pour vous que représente l’état d’urgence instauré et prolongé par le gouvernement de trois mois ce mardi ?

On dit que Red bull nous donne des ailes.... L’état d’urgence en donne aux agents dépositaires de l’autorité... cela tourne au n’importe quoi... Je suis malheureusement convaincue que tout cela finira mal... Cela se ressent via les réseaux sociaux, les médias. Moi, je ne suis pas pour l’état d’urgence, et ce, même avant ce qui nous est arrivé.

Face à l’impunité de la police, une pétition a été lancée pour soutenir cette femme.


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