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Quand Vincennes n’est plus Vincennes

Jean-Marie, gérant de la repro et âme de Paris 8, menacé d’expulsion par la direction de l’université

Voilà près de 25 ans que Jean-Marie Mboyo tient une reprographie au sein de l’université Paris 8 – Saint-Denis. Lieu incontournable pour nombre d’enseignants et d’étudiants de l’université, le « local de photocopie » résonne comme un dernier vestige de l’âme de Vincennes, autrefois lieu d’étude mais aussi de vie avec ses petits commerces, ses visiteurs de passage, ses interconnaissances, son projet d’ouverture de l’université sur le monde social. Aujourd’hui, tout comme cet esprit, c’est le local et l’emploi de Jean-Marie dont la nouvelle direction de Paris 8 souhaite se débarrasser.

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Cela fait près de 25 ans que Jean-Marie Mboyo travaille sur le campus de l’Université de Paris 8- Saint-Denis où il tient un local de reprographie. En réalité, trente ans qu’il arpente les locaux de l’université Vincennes-Saint-Denis, qui a vu le jour à l’automne 1968, dans la suite du joli mois de mai. D’abord comme étudiant – « j’étais responsable de l’Unef à l’époque » - puis comme travailleur « après 1993, lorsqu’on a commencé les activités de photocopies ». « C’était la première convention signée avec la fac dans le cadre du service aux étudiants » raconte-t-il.
Aujourd’hui, à l’heure où l’entrée de l’université est filtrée, où les individus non-inscrits à l’université sont devenus « persona non grata », les petits commerces ne sont plus les bienvenus. « Dans ce bâtiment, avant, il y avait à côté de mon local le taxiphone. Mais il a abandonné et il est parti ». Ce changement, il l’explique par l’arrivée de François Riou, nouveau secrétaire général des services de l’Université, il y a un an. « Quand on a fait le premier contact avec lui, à son arrivée, il nous a convoqué et il nous a dit : ‘’ vous deux vous allez partir d’ici !’’. Pourquoi, on ne sait toujours pas. Il a dit que c’était pour des problèmes d’insécurités ».

Contrairement au taxiphone, Jean-Marie, lui, n’a rien lâché. « On a fait appel à un comité de soutien des étudiants. Ils sont venus me soutenir, et puis il y a eu des mouvements. On est parti prendre rendez-vous avec lui [F. Riou] mais ça n’a pas marché ». Au contraire, plutôt que de reculer, l’administration a décidé de renforcer la pression, avec des méthodes… peu conventionnelles. « Ils ont coupé l’électricité du local. Ils ont aussi mis des chaînes pour que je ne puisse plus y accéder. Pour les preuves, on a pris des photos ». Le comité de soutien composé d’enseignants et d’étudiants défend Jean-Marie, ils coupent les chaines pour qu’il puisse continuer à travailler. « Ils avaient le souci que je ne perde pas mon emploi, et pour eux, les étudiants, que le service se maintienne ». L’administration n’hésite pas à remettre le couvert : « Il y a eu trois tentatives » avec les chaines, chaque fois annulées par le comité de soutien. « La situation était devenue intenable ». À la veille des vacances, Jean-Marie reçoit à son domicile un courrier avec accusé de réception du tribunal l’assignant à quitter les locaux. Il apprend alors qu’un jugement concernant sa situation avec l’université a été tenu sans qu’il en ait été informé.

Il a en effet « reçu, à la dernière minute » un courrier, la veille des vacances de Noël, le 13 décembre à 17h. Pourtant, le recommandé est arrivé début novembre à l’adresse de l’Université où il tient son local. « L’Université ne m’a pas transmis la convocation. J’ai appris le 13 décembre à 17h qu’il y a eu un jugement auquel je n’étais pas présent, faute d’avoir eu l’information. […] la boite aux lettres, c’est l’université qui la détient. C’est à eux de nous transmettre le courrier mais ils ne me l’ont pas transmis. J’ai été condamné par défaut, faute de me rendre au tribunal. »

Jean-Marie décide de répondre au courrier. Sur les conseils de son avocat, il se rend au tribunal de Montreuil qui l’informe que le recommandé qui lui avait été adressé avait été signé. Après ses recherches, Jean-Marie finit par retrouver, au sein de l’université, la personne qui a réceptionné son courrier et a gardé le document. « J’ai des éléments, mais on ne combat pas à armes égales. Moi j’ai passé 30 ans ici, et aujourd’hui, on refuse de me transmettre la convocation pour que j’aille expliquer ma situation. Si j’avais eu la convocation, j’aurais pu répondre au tribunal, j’aurais pu expliquer ce qui s’est passé et les méthodes employées contre moi pour me forcer à fermer mon local ». « J’ai demandé à mon avocat d’introduire une requête, de demander la suspension du jugement, parce que il y a eu vice de forme. Il y a eu vol de correspondance et vol d’information, et ce qu’on appelle usurpation d’identité. Et j’ai porté plainte. »

Mais en attendant, Jean-Marie craint la venue d’un huissier pour « constater, et puis sceller, tout fermer » et c’est pourquoi il a décidé d’occuper les locaux pendant les vacances de Noël. « J’ai une famille, et je passe les nuits ici. J’ai passé presque deux mois et quelques, à dormir ici, pour contester cette injustice et protéger mes machines. Ce que je demande c’est qu’on me respecte, qu’on me traite humainement. Et qu’on puisse trouver une solution à l’amiable avec la fac, au lieu de m’amener jusqu’au tribunal. Parce que ça coûte très cher, et eux ils ont les moyens de l’Etat. »

Jean-Marie Mboyo est pourtant tout à fait dans les clous avec l’administration « J’avais des arriérés, je les ai payés. On avait trouvé l’avenant, c’est lui qui a arrêté, il n’a pas respecté l’accord ». Arrangeant, il a proposé plusieurs fois de changer de local qui, d’après l’administration aurait pu servir à une salle de cours. « Mais la salle de cours ici, c’est impossible techniquement. Maintenant ils changent de version. Ils disent qu’ils veulent la transformer en salle de sport, mais ce sont toujours des prétextes. Salle de sport ou bureaux des sports. Moi je pense que leur objectif c’est de me faire partir, parce qu’on a discuté, je ai envoyé des courriers ; des propositions d’endroits. Y’a plusieurs endroits ici où je pourrais m’installer. Et jusqu’à aujourd’hui c’est lettre morte. »

« Moi je demande de rester là parce qu’ici c’est toute ma vie, 30 ans de maison et François Riou veut me jeter comme un malpropre. Ça me fait mal ça, c’est une question de principe pas de millions. Ici la photocopie c’est 5 centimes, c’est rien. Si je veux devenir bourgeois c’est pas ici. Et comme je suis ancien parmi les anciens ici, je me nourris de l’ambiance, le fait de voir les étudiants tout le temps ça me fait plaisir. »

À la veille des vacances, les soutiens pour garder le local et l’emploi de Jean-Marie Mboyo ne faiblissaient pas. « Les étudiants, ils défilent pour signer. J’ai plein de signatures » assure-t-il. Une solidarité que craint l’administration et qui fait tout pour éviter qu’elle ne prenne davantage forme en évitant de rendre public ses poursuites au tribunal. C’est sur celle-ci qu’il faudra compter pour soutenir Jean-Marie Mboyo et faire revivre l’esprit de Vincennes dont Paris 8 a bien besoin en ces temps de sélection et d’autonomie à l’Université.


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