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Tout est sous contrôle... ou presque

Jouer les médias contre les journalistes : Macron fait sa pub

Comme le Monde diplomatique le soulignait dès mai 2017, Macron doit beaucoup aux médias qui l'ont porté jusqu'à son élection. Mais cette histoire est longue, et va bien au-delà de la dette morale.

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La construction d’un personnage et d’un carnet d’adresses

Dès 2007 il rencontre Jacques Attali et participe, en tant que rapporteur, avec dix-sept patrons et anciens patrons à la « commission pour la libération de la croissance », autrement appelée « commission Attali » texte qui sert de boussole idéologique depuis la présidence de Sarkozy. Ce sera l’occasion de nouer des relations d’affaires avec la plupart des grands propriétaires de médias et du monde de la culture entre 2007 et 2010 : Pascal Houzelot, fondateur de Pink TV et acquéreur de Numéro 23, Xavier Niel, fondateur de Free, et le coactionnaire du Monde, Pierre Bergé, ainsi que le banquier d’affaires Matthieu Pigasse. Propulsé ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en août 2014, il arrive donc au gouvernement avec un carnet d’adresses et des promesses faites aux plus riches, qui cherchent à « fluidifier » l’économie – ou à la « flexisécuriser » comme le disait déjà si élégamment le rapport Attali paru en janvier 2008.

Les grands médias ne se sont pas trompés : en fabriquant un Macron sur mesure pour les intérêts des grands groupes, ils se sont associés à son mandat et comptent bien jouer le jeu. En témoignent les différents articles de Paris Match (propriété d’une filiale de Lagardère) où il apparaît dès les premiers mois de sa candidature, et qui l’ont même obligé à un tour de passe-passe rhétorique lorsqu’on l’a soupçonné de se mettre en scène : « je ne suis pas propriétaire de Paris Match » (avril 2017). Non, en effet, mais dans ce milieu fait d’allégeance et de loyauté, Macron sait qu’il peut compter sur les grands groupes médiatiques comme eux savent pouvoir compter sur lui.

Les journalistes contre les médias.

Son voyage au Taj Mahal, plus récemment, a suscité la question d’une journaliste sur la différence qu’il fait encore entre privé et public – question à laquelle il n’a pas souhaité répondre, en attaquant au contraire la journaliste elle-même. Si les médias sont nombreux à se tenir à ses bottes, il reste çà et là des journalistes qui ont une autre conception de leur fonction que celle de la promotion permanente du produit Macron sur toutes les chaînes.

Car c’est cela qui est en train de se passer : la plupart des médias sont devenus un simple rouage de diffusion de la publicité présidentielle. Et lorsque le pouvoir et les relais médiatiques ne servent plus que la même rengaine, et que toute parole contradictoire est invisibilisée ou censurée, on a affaire à la construction orwellienne d’un monde unanime, les yeux rivés sur le spectacle et la célébration de la vie présidentielle (la vidéo sur la poule que Macron accueille à l’Elysée, sur Médiapart, suffirait à convaincre de la stupidité inhérente au système si nous prenait l’envie d’en douter). Au sens de Barthes, Macron sait mobiliser pour son profit et celui des siens les « mythologies » de notre société de l’image : l’incroyable Macron va au restaurant, le jupitérien Macron fait un selfie, l’étonnant Macron accueille une poule, le dynamique Macron dit bonjour à une petite fille.

Un contrôle permanent pour faire taire la société

A la limite, on a envie de rire devant de ridicule, mais le problème c’est que pour désarmer ses adversaires, Macron a les mêmes ressources : diffusion à l’envie, et par tous les analystes de télé, de la thématique des « privilèges » des cheminots au moment d’une réforme par ordonnances de la SNCF, occultation d’informations sur les mouvements étudiants partout en France contre ParcourSup (pour la fac de Toulouse, occupée depuis près de trois mois, seule France3 Occitanie diffuse un reportage). La parole contestataire ne peut plus apparaître qu’à l’improviste, dans les quelques failles que laisse entrevoir le système médiatique. En réalité, si Macron ne nous laisse que la rue comme moyen d’expression, on ne va pas rechigner.

Alors lorsque Macron lance l’idée d’une loi sur les fake news (prononcer « fèque niouzes » en macronie) on ne peut que soupçonner une nouvelle modalité de contrôle sur ce qui a le droit de se dire et ce qui doit rester caché : Macron est l’homme du contrôle, au sens où Deleuze parlait de « société de contrôle » avec le marché comme unique horizon, prison à ciel ouvert couvé d’une main invisible et au service d’intérêts qui ont appris à s’invisibiliser – et il n’y a plus qu’à lui démontrer que, pour ce qui nous concerne, nous sommes hors de contrôle.

Crédits : Photo AFP


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