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Sexisme dans les entreprises de plomberie

Jugée "distrayante" pour ses collègues hommes, Beth Pike n’a pas été embauchée

« trop grande distraction pour ses collègues masculins. » Voilà, mot pour mot, la raison donnée par une entreprise de plomberie pour refuser un contrat d’apprentissage à Beth Pike, plombière néo-zélandaise. Jeune maman de 28 ans, elle avait déjà dû patienter quelques temps après la naissance de son enfant pour pouvoir commencer ses études, dont le suivi est loin d’être facilité pour les mères. Mais elle a également dû attendre de trouver l’entreprise qui ferait exception en lui permettant d’achever sa formation parmi les multitudes d’expressions sexistes dans un domaine largement réservé aux hommes. Mar Martin

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Si cette réponse est éloquente, c’est qu’elle est révélatrice des mécanismes multiples et quotidiens, presque invisibles, qui permettent le maintien du statu quo. 

La preuve du « naturel » grâce à une minorité construite…

D’abord, les obstacles semés sur le chemin de celles qui tenteront d’entrer dans des sphères qui ne leur sont pas attribuées. Dans la plomberie, à l’instar de l’ensemble des métiers manuels et physiques, ce sont encore à l’heure actuelle les hommes qui sont largement préférés et à qui les postes sont attribués. Cette proportion nettement majoritaire d’hommes dans les domaines demandant l’utilisation de la force physique est souvent expliquée par le goût et les capacités soi-disant « naturelles » des hommes, plus présentes que chez les femmes. Mais Beth Pike vient justement lever le masque : la raison n’a rien de naturel. Voyons plutôt toutes ces petites embûches qui empêchent globalement les femmes d’accéder à ces métiers. Seules quelques-unes auront la chance d’y accéder, « exceptions qui confirment la règle », et le tour est joué : maintien d’une minorité construite utilisée comme preuve d’une différence « naturelle ». En résumé : la plomberie et autres métiers du même genre, sont vantés comme masculins, encourageant les hommes à y entrer et décourageant par avance les femmes de le faire. Des barrières sont imposées à celles qui s’y risqueraient tout de même. Les femmes restent donc ultra-minoritaires dans ces domaines, parce qu’elles y sont minoritaires ; c’est un métier masculin, ce qui prouve bien que les hommes sont « naturellement » plus attirés et aptes aux métiers physiques que les femmes. La boucle est bouclée.

Rendue responsable de sa propre oppression…

Réponse éloquente, en outre, par la façon de faire payer son oppression à celle-là même qui la subit. Non seulement il est accepté sans aucune gêne, et comme un fait incontournable, que Beth Pike, ou ses autres collègues femmes, doivent subir les regards concupiscents de leurs collègues masculins, mais en plus que, si ces derniers en deviennent moins rentables pour leurs patrons, ce sont les premières qui en paieront le prix fort. Le choix est cornélien : travailler en étant considérée comme l’objet sexuel de la boîte, ou ne pas travailler. Pour l’employeur, le choix semble avoir été rapide : loin de lui l’idée que le problème serait peut-être la vision qu’il plaque lui-même sur cette potentielle travailleuse - notons ici que c’est lui qui prend la décision et non-pas ces fameux « collègues masculins » jugés inévitablement en rut - Il préfèrera privilégier l’embauche de travailleurs hommes, même moins diplômés, plutôt que celle d’une Beth Pike, seule femme à avoir été récompensée pour son travail en plomberie. 

Perpétuation de la division de genre du travail

Si le cas de Beth Pike a pu être rendu public par une déclaration encore un peu plus choquante qu’à l’accoutumée, il s’agit bien là de la révélation des mécanismes d’ensemble qui perpétuent la division de genre du travail. Les statistiques sont éloquentes sur la répartition genrée dans les différents domaines professionnels. Au hasard : 97,7% des « aides à domiciles et aides ménagères, assistantes maternelles » sont des femmes, contre seulement 2,1% de femmes parmi les « ouvriers qualifiés du second oeuvre du bâtiment » selon les chiffres du gouvernement. Mais elles ne font que donner une photographie de la situation à un instant T, ensuite soumise à l’interprétation de ceux qui sont en capacité de diffuser le plus largement leurs idées. Ainsi les chiffres deviennent les preuves d’un phénomène qualifié de « naturel », la propension bien plus grande des femmes à « prendre soin » et celle des hommes à utiliser leur force. Mais Beth Pike dévoile le négatif de la photographie, renvoie les chiffres à leur statut de conséquence des mécanismes qui en sont à l’origine, tous ces petits riens qui finalement créent les majorités masculines ou féminines dans des domaines déterminés.


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