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Les facs de sciences aussi rentrent dans la danse

Jussieu en lutte contre la loi travail

Maria Chevtsova Depuis 4 semaines, Jussieu est mobilisée contre la loi travail. Dans cette immense fac de sciences parisienne, les étudiant.e.s et les personnels s'organisent contre la loi travail. En général, les facs de sciences ne sont pas réputées comme les plus engagées, mais pourtant, une dynamique est en marche à Jussieu qui est vite entrée dans la danse ! Retour sur 3 semaines de mobilisation.

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L’Université Pierre et Marie Curie (aussi appelée « Jussieu » ou Paris 6), c’est la plus grosse Université scientifique en France avec 30 000 étudiants et plus de 10 000 personnels. Créée en 1970, cette université a été pensée pour accueillir la quantité de nouveaux étudiants issus du baby-boom des années cinquante, autant dire que le campus est immense. Mais vous avez forcément entendu parler de Jussieu, rappelez-vous, c’est la fac qui était tellement bourrée d’amiante dans les années 1990 qu’il a fallu plus de dix ans pour tout remettre aux normes !!

Quand Jussieu s’est opposée au CPE

En 2006, Jussieu n’a pas échappé à la grande mobilisation des étudiant.e.s contre le CPE (Contrat Première Embauche), avec des assemblées générales régulières, regroupant parfois jusqu’à 1000 personnes et des blocages de la fac pendant plusieurs semaines. Mais il faut quand même préciser qu’il y a dix ans, Jussieu était regroupée avec Paris Diderot (Paris 7), qui est une fac de sciences, de lettres et de sciences humaines. Ce sont d’ailleurs les départements de Lettres Art et Cinéma et de Géographie, histoire et sciences sociales, de Paris 7, qui ont été les premiers à débrayer et étaient les plus mobilisés. Si ce ne sont pas les étudiant.e.s en sciences de Paris 6 qui ont lancé le mouvement anti-CPE à Jussieu en 2006, ils et elles ont tout de même su saisir la balle au bond et se mobiliser !

Et aujourd’hui, Jussieu se mobilise contre la loi travail ?

Et bien oui ! Cette fois les étudiant.e.s en sciences n’ont pas traîné et s’organisent depuis 3 semaines déjà ! Il y a eu 3 assemblées générales avec 150 personnes, puis 120 et 80 la semaine dernière. Les chiffres sont en baisse, mais selon Tamara Bardon-Brun, étudiante en M1 de physique, non-encartée, « le mouvement ne s’effrite pas encore, car malgré le fait qu’il y avait moins de monde, il y avait beaucoup de nouvelles personnes ».

Environ 25% des personnes qui assistent aux assemblées générales sont des personnels de la fac qui se sentent concernés par la loi travail : ce pourcentage est assez fort par rapport aux autres universités. En complément de ces assemblées générales, la CGT organise également des assemblées générales dédiées aux personnels de la fac, dans lesquelles des questions spécifiques sont discutées. Selon M. qui travaille à Jussieu en tant qu’ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche), syndiqué à la CGT et militant au NPA (Tendance Claire), « lors des réunions syndicales organisées par la CGT, les personnels s’expriment sur la loi travail, sur les primes, sur le salaire qui n’augmente pas et qui fait qu’ils et elles perdent toujours plus de pouvoir d’achat. Le dégel du point d’indice annoncé par Valls est vraiment vécu comme une aumône pour faire taire la contestation des salarié.e.s du publique. Il y a un ras le bol général qui s’exprime aussi dans cette mobilisation contre la loi travail ». Syndiqué depuis 4 ans à Jussieu, c’est la première fois que M. voit « autant de salarié.e.s en assemblée générale syndicale. Il y a un climat. Mais c’est loin d’être gagné, il faut mettre la convergence des luttes au centre, car le gouvernement arrive en général à canaliser les contestations sectorielles, mais dès lors que les étudiant.e.s et les salarié.e.s sont ensemble, ça devient explosif, et c’est ce dont le gouvernement a peur ». Pour gagner et imposer le retrait de la loi travail, il va falloir que les personnels de la fac ne se limitent pas à soutenir la mobilisation des étudiant.e.s, mais s’impliquent également sur leurs bases propres.

Comment s’organise concrètement la mobilisation ?

Les étudiant.e.s et personnels organisé.e.s en comité de mobilisation écrivent des tracts, qu’ils distribuent à l’entrée de la fac le matin, puis se retrouvent à l’Atrium le midi, lieu de passage, pour discuter avec les étudiant.e.s qui viennent manger à la cafet’. Pour Tamara, « les tables fonctionnent bien, les étudiants viennent discuter et posent des questions », c’est un bon moyen de sensibiliser sur le contenu de la loi travail. Mais ce n’est pas tout, les étudiant.e.s passent aussi faire des interventions de quelques minutes dans les amphis et dans les cours pour expliquer la loi travail et inviter les étudiant.e.s à venir aux assemblées générales. Il y a aussi des « tours des services » qui se font régulièrement, pour parler avec les personnels (secrétariats, laboratoires, cantine, service d’entretien…).

Cette semaine, le comité de mobilisation organise une réunion publique mardi soir avec un intervenant spécialiste du droit du travail, Laurent Dégoussée de Sud Commerce, et un gréviste de la Poste du 92, Gaël Quirante. Mercredi soir, il y aura la projection du film Merci Patron, de François Ruffin. Il en faut pour tous les goûts et toutes les occasions sont bonnes pour discuter, échanger et motiver les nouveaux et les nouvelles à rejoindre le comité de mobilisation, et s’impliquer dans le mouvement, à hauteur de son temps, de son énergie et de ses envies ! Le Facebook Jussieu en lutte contre la loi travail est animé par le comité de mobilisation et recense l’ensemble des informations.

Le 31 mars, un tournant dans le mouvement ?

Pour Tamara, il faut qu’il y ait beaucoup de monde pour la journée de grève et de manifestation le 31 mars car « ce sera vraiment l’élément déclencheur pour que les choses puissent changer ». M. rejoint entièrement Tamara ; pour lui, « le 31 est une date cruciale. Il faut y mettre toutes nos forces, c’est un appui pour la suite. Le combat ne s’arrêtera pas là, il faudra aller plus loin et plus fort, mais si cette date est réussie, que les étudiant.e.s, lycéen.ne.s, chômeur.se.s et salarié.e.s sont toutes et tous unis en masse, alors ça donnera de la force aux militant.e.s locaux sur Jussieu pour continuer d’informer, de discuter et de convaincre ». La CGT est active à Jussieu, mais les rythmes du comité de mobilisation de Jussieu et de la CGT sont parfois en décalage. En tout état de cause, pour la semaine qui vient, tout le monde a le même objectif, convaincre le maximum de personnels et d’étudiant.e.s à descendre ensemble dans la rue, jeudi 31 mars, pour imposer au gouvernement le retrait total de la loi travail, sans négociation. Et la mobilisation ne s’arrêtera pas là car la coordination nationale étudiante a déjà appelé à une journée de mobilisation nationale le mardi 5 avril.

Massification, massification... pourquoi et comment ?

Les syndiqués et les personnes qui s’impliquent dans le mouvement parlent toutes et tous de l’importance de « massifier le mouvement ». Pour M., « il est certain qu’il faut massifier le mouvement. En effet, et on le voit par cette réforme, c’est l’économie qui dirige nos vies. Le travail c’est travailler plus pour gagner moins. C’est pour permettre aux entreprises de ne pas avoir un taux de profit plus faible que celui de leurs concurrentes qu’il faut que les travailleurs et travailleuses travaillent plus... en gagnant moins. La compétitivité c’est le moyen de survie des entreprises. Sauf que c’est sur notre dos, sur nos vies que cela se fait, et le seul moyen d’avoir satisfaction de nos revendications, c’est de bloquer l’économie. Cela passe inévitablement par la grève générale, qui paralyse le pays. Les gouvernements et les patrons deviennent tout de suite à l’écoute dans ces moments là ! Il faut donc construire cette grève, et c’est un travail de longue haleine mais que nous allons réussir ! ». Pour résumer, c’est ensemble qu’il faut lutter, et donc ensemble qu’on va gagner !

Quels sont les difficultés à Jussieu ?

Comme dans de nombreuses facs, la mobilisation est difficile à mettre en place. Surtout avec des président.e.s d’université et un gouvernement prêts à utiliser tous les moyens pour casser le mouvement, quitte à envoyer les CRS dans les facs comme ça a été le cas à Paris 1 le 17 mars. Mais la mobilisation à Jussieu recouvre une difficulté supplémentaire du fait que ce soit une fac de sciences, où les étudiants ont plus d’heures de cours et surtout des heures de TP (Travaux Pratiques) qui sont obligatoires. A cela s’ajoute le faible niveau de conscience politique des étudiant.e.s issus de cursus scientifiques. Pour M, cela s’explique de façon objective. Dans ses cours sur l’optimisation, il reconnaît avoir « moins d’occasion de parler politique que dans un cours sur Marx dans une fac de sociologie ! ».

Mais qu’importe ! Les étudiant.e.s et personnels qui se mobilisent ne perdent pas espoir et continueront jour après jour à sensibiliser. Avec 40 000 personnes à la fac, il reste du pain sur la planche ! Pour les personnels et les syndiqué.e.s, c’est toujours enthousiasmant de voir les jeunes qui s’y mettent, avec plein de nouvelles idées d’actions qui émergent, moins routinières et plus dynamiques ! C’est que depuis le CPE, il n’y a jamais eu autant d’agitation à la fac ! Et ce n’est qu’un début...!

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