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L’Italie entame la "relance" post-Covid. Bonne nouvelle pour le patronat, encore des miettes pour les travailleurs

Le Conseil des ministres italien a approuvé ce mercredi le "décret relance", une manœuvre financière qui prévoit des allocations de 55 milliards en réponse aux difficultés économiques liées à la crise sanitaire, qui profitera en premier lieu aux entreprises.

Giacomo Turci

15 mai 2020

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Cet article est une adaptation de l’article original en italien disponible sur le quotidien en ligne La Voce delle Lotte qui fait partie du réseau international RedInternational dont fait partie notre quotidien Révolution Permanente. Cet article est aussi traduit en espagnol.

C’est ce qu’a annoncé mercredi le président du Conseil des ministres, en compagnie d’autres membres de son gouvernement, lors d’une conférence en direct sur Facebook, où il a expliqué le contenu du "décret relance". Un décret-loi qui sera confirmé ultérieurement au Parlement et qui prévoit des fonds d’un montant total de 55 milliards d’euros pour tenter de contrer la paralysie temporaire de l’économie nationale italienne. "Un texte complexe, qui équivaut à deux manœuvres", commence Conte, visiblement satisfait du résultat : le décret se compose en effet de plus de 250 articles et comprend un important paquet économique. Derrière la rhétorique du "père de la patrie" que Conte utilise dans ses discours, il y a des mesures dont le contenu est clairement favorable aux grands hommes d’affaires de la Confindustria [syndicat des patrons italiens].

Les mesures de sécurité au travail sont partiellement mises en œuvre, voire pas du tout, à la volonté des employeurs, et l’État ne prendra aucune initiative majeure pour garantir que les usines et les entrepôts ne deviennent pas - ou ne restent pas - des clusters de contamination. Tout le discours sur les secteurs non essentiels qui devaient être fermés ou reconvertis pour l’effort de guerre au virus a été mis de côté : la priorité est de faire revenir les entreprises aux profits de masse, de faire baisser le moins possible le PIB de 2020 et de faire tout cela le plus possible aux dépens des travailleurs et du contribuable. Alors que les secteurs populaires et les plus touchés par la crise continueront à payer leurs impôts, Giuseppe Conte a annoncé avec enthousiasme que les impôts sur les entreprises, jusqu’à 4 milliards, seront réduits !

En ce qui concerne le tourisme, la restauration et la culture, ces secteurs font pression pour que le gouvernement leur garantisse un "été italien" cette année aussi, au cours duquel les gens bougeront et dépenseront malgré la terrible chute des revenus des classes populaires. Pour cela, le gouvernement inclurait dans le paquet économique une "prime de vacances" de 500 euros par famille.
En attendant, des millions de travailleurs et de chômeurs qui ont vu leurs revenus baisser, ou qui n’en ont plus, doivent continuer comme si de rien n’était, avec quelques modestes mesures d’amortissement, dont ne bénéficient évidemment pas tout le monde : des fonds pour les gardes d’enfants et les colonies de vacances insuffisants, 25,6 milliards d’euros partagés entre la caisse de licenciement et l’aide aux indépendants.

Conte a qualifié ces misérables subventions de "amortisseurs économiques" car elles devraient servir à préserver "l’efficacité productive des entreprises". L’objectif étant d’économiser les bénéfices des entreprises, la mesure d’un revenu d’urgence compris entre 400 et 800 euros par mois pendant deux mois seulement pour les familles ayant un revenu inférieur à 15 000 euros par an, couvert par le contribuable. Cela augmentera la dette de l’État, qui tôt ou tard continuera à retomber sur la population active. Ces revenus d’urgence sont insuffisants, ils devraient être à la hauteur d’un SMIC, et pour tout le monde, ce financé par un impôt sur les grandes fortunes.

En outre, les réductions de loyers et de factures sont une fois de plus...uniquement pour les entreprises. Alors que nombreux sont ceux qui ont perdu leur emploi ou qui ne sont plus en mesure de payer leur loyer, la suspension de loyer n’a même pas été mentionnée.

Conte affirme que 4,6 millions de travailleurs ont bénéficié du fonds de chômage et de l’aide aux indépendants, bien qu’avec beaucoup de retard, ce qu’il a été forcé d’admettre lui-même. Mais les milliers de commentaires - qui ont inondé le mur Facebook du premier ministre pendant la diffusion du direct - ont raconté une autre histoire, celle que connaissent des milliers de travailleurs dans leur quotidien : de nombreux secteurs économiques et différentes régions attendent encore le versement de l’allocation chômage, des centaines de milliers de personnes ayant de sérieuses difficultés à payer leur loyer, leurs factures et d’autres néssités élémentaires pour subvenir aux besoins de leur famille.

Une autre annonce concerne l’éducation : "L’école au centre de l’action gouvernementale", a déclaré Conte : 1,45 milliard d’euros pour l’école pour "un retour sûr, pour la numérisation et pour des examens de fin d’année sûrs, pour stabiliser le personnel enseignant" ; 16.000 nouveaux postes d’enseignants en septembre, entre autres mesures. Toutefois, cela n’annule pas toutes les coupes budgétaires effectuées dans le domaine de l’éducation par les gouvernements successifs, qui ont démantelé l’enseignement public italien.

Comme pour l’éducation, ils proposent pour la santé de distribuer quelques miettes qui ne peuvent même que partiellement compenser des successives coupes budgétaires des vingt dernières années : les 3,5 milliards annoncés par le gouvernement comme un tournant ne représentent même pas un dixième des 37 milliards coupés au cours de la dernière décennie par les gouvernements de droite et de centre-gauche.

Le point culminant du cynisme gouvernemental est venu avec les annonces du ministre Bellanova, qui a annoncé des mesures de régularisation des travailleurs migrants, au bord des larmes, jouant toute une représentation théâtrale. Cependant, cette régularisation, qui vise principalement à favoriser l’embauche de main-d’œuvre peu chère dans le secteur agricole et autre, a été dénoncée par diverses organisations de migrants ; en plus d’être temporaire, elle n’est pas universelle pour tous les migrants qui sont sélectionnés pour obtenir ce droit fondamental.

De plus, on ne touche guère au nœud sensible qui relie le capital agricole, la mafia et le trafic international de migrants, une chaîne de surexploitation et d’abus validée depuis des décennies par les gouvernements de centre-gauche comme par la droite.

Enfin, le gouvernement Conte veut profiter, non sans contradictions, de cette quarantaine pour mesurer jusqu’où les libertés individuelles et collectives peuvent être "temporairement" rognées sans susciter l’indignation des masses.

Dans le contexte d’une telle crise, la classe ouvrière et ses secteurs syndicaux combatifs doivent réclamer et agiter un programme alternatif à celui du gouvernement et du patronat, qui nous fait payer sa crise. Faisons nôtres les besoins de la grande majorité de la population, de plus en plus appauvrie, en même temps qu’elle fait face au rognage de ses propres libertés démocratiques. En ce sens, depuis la FIR [organisation soeur du CCR qui anime le quotidien Révolution Permanente, dans la Fraction Trotskyste pour la Quatrième Internationale] et le journal La Voce delle Lotte en Italie, nous participons aux débats convoqués par les syndicats et la gauche sur la nécessité d’un programme d’urgence. Nous demandons en même temps l’unité d’action la plus large possible et la nécessité d’un front unique de la classe ouvrière pour lutter ensemble contre cette "relance" du gouvernement, un plan qui cherche à relancer les profits des capitalistes aux dépens des vies des travailleurs.


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