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PRESIDENT AFFAIBLI CHERCHE UNE BASE SOCIALE ET UN PARTI

L’« alliance populaire » de Cambadélis. Une opération sauvetage du candidat Hollande ?

Claire Manor, Après plus d’un mois marqué par une série de mobilisations sociales et politiques d’envergure qui n’ont toujours pas baissé la garde, la négociation de la loi El Khomri n’a réussi à intégrer que quelques transfuges. Hollande qui voit se rapprocher l’échéance des présidentielles, et ceux qui dans son camp ne l’ont pas encore lâché, « mettent le paquet » pour reconquérir une base sociale qui s’est détournée de lui, et faire renaître de ses cendres un parti de gouvernement qui s’est disloqué en vol.

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Une base sociale difficile à reconquérir

Depuis le début de son quinquennat, sous l’effet de sa politique d’abord simplement néolibérale puis de plus en plus autoritaire, discriminatoire et répressive, le gouvernement Hollande-Valls a vu se déliter sa base sociale, au point parfois d’en arriver à flirter avec les idées d’extrême droite, pour tenter d’attirer les couches populaires les moins conscientes. Mais à l’exception de la période « d’union nationale » postérieure aux attentats et de l’effet « Charlie » qui a été somme toute assez brève, Hollande s’est coupé de celles et ceux qui l’avaient porté au pouvoir. Il se trouve désormais totalement suspendu dans les airs et sans support pour un renouvellement de candidature à la présidence.

Venant s’ajouter à tous les coups portés aux travailleurs depuis 2012, la loi travail par son ampleur, son universalité et le saut qualitatif qu’elle représente joue un rôle d’unification de la classe ouvrière, au sens large. « Tous ensemble contre la loi El Khomri », c’est le principe qui depuis plus d’un mois fait débrayer dans les usines, met dans la rue et sur les places, les jeunes et les moins jeunes et, pour la première fois, met directement en cause le gouvernement « socialiste ». C’est cette unité qu’Hollande veut détruire pour récupérer ses composantes, morceau par morceau.

Une stratégie en trois temps qui ne se joue qu’avec des « partenaires »

Hollande a donc adopté la seule stratégie éventuellement capable de le sortir de ce mauvais pas, pour peu qu’il trouve des « partenaires sociaux » pour jouer le jeu et négocier avec ses ministres. Une stratégie en trois temps : contourner l’obstacle, disperser l’ennemi et signer des traités amiables. En langage moins guerrier, laisser de côté la Loi El khomri en l’état, négocier séparément des lois ou des dispositions spécifiques, touchant des couches sociales ou des secteurs particuliers, obtenir un « avis favorable », voir un accord des négociateurs et préserver ainsi le « dialogue social ».

C’est dans le droit fil de cette stratégie que l’on a vu dès le jeudi 17 mars, après le succès de la mobilisation du 9 mars, la ministre de la fonction publique annoncer la revalorisation de 1,2 % de l’indice de salaire des fonctionnaires. Le gouvernement s’est ensuite « attaqué » aux revendications étudiantes. Lundi 11 avril, c’était au tour de Valls de recevoir à Matignon les représentants des étudiants et de les entendre sur leurs revendications principales. Le mercredi 13 avril, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale remet le couvert et reçoit au ministère les représentants des syndicats étudiants pour leur faire part de mesures sur l’emploi, la santé et le logement. Mercredi encore, le gouvernement annonce la teneur d’une loi en préparation intitulée « égalité et citoyenneté » en faveur de la « mixité sociale et de l’égalité réelle ». Cette fois ce sont les populations des banlieues et principalement les jeunes qui sont en ligne de mire.

Est-ce suffisant pour que les travailleurs et les jeunes redonnent leur confiance à Hollande ?

Le propos n’est pas ici d’analyser dans le détail toutes les mesures que met en avant le gouvernement, même si on peut souligner que dans la plupart des cas, soit leur portée est limitée par le champ d’application ou par l’absence de financement correspondant, soit elles peuvent être carrément discutables dans leur contenu. C’est le cas par exemple de la mise en place d’une « réserve citoyenne » au service de l’intérêt général, susceptible par exemple d’intervenir en cas de catastrophe naturelle, ce qui équivaut à faire remplir par des personnes non rémunérées, des fonctions de service public. C’est le cas également pour la création d’un « congé d’engagement » non rémunéré pour des dirigeants associatifs bénévoles, ce qui outre le fait qu’ils agissent bénévolement leur fait perdre des jours de rémunération.

Mais le principal problème est que toutes ces négociations à la marge n’ont qu’un seul but, casser la résistance et préserver la loi El Khomri, fer de lance du patronat contre les travailleurs. C’est ce que beaucoup, étudiants, travailleurs ou chômeurs comprennent, et Hollande risque fort d’échouer dans sa tentative de récupération de sa base sociale.


Cambadélis et l’opération sauvetage du candidat Hollande

C’est encore le mercredi 13 avril que Cambadélis, premier secrétaire du PS, a lancé le canot sur lequel il compte embarquer Hollande pour le sauver du naufrage. IL s’appelle le BAP, « Belle Alliance Populaire ». Le lancement effectif n’aura lieu qu’en décembre, mais il y a urgence à s’activer dès maintenant alors que la question d’une primaire à gauche est à l’ordre du jour et fait débat. En cas de primaire, les chances pour Hollande de sortir victorieux sont quasi inexistantes avec des sondages qui le donnent, d’ores et déjà, pour largement distancé par Macron et Valls.

« Sauver le président Hollande » et son appareil politique suppose donc de construire un contre-feu. C’est ce que Cambadélis tente de faire en appelant à une alliance qui se mettrait en place autour et en soutien du président sortant, et rassemblerait peu ou prou les diverses composantes susceptibles d’influer sur les résultats de la primaire au cas où elle aurait finalement lieu. Un grand raout de lancement prévu Porte de la Villette le 3 décembre le propulserait dans une désignation ouverte qui devrait se tenir mi-décembre.

« Qui c’est qui veut jouer avec nous » ?

Une telle stratégie ne peut évidemment tenir la route que si on ne cantonne pas ce nouveau rassemblement aux anciens contours du PS. Il doit être le signe de l’émergence du « dépassement » annoncé du parti socialiste. Les signataires de l’appel sont issus du monde politique, associatif, syndical et de la société civile qui plaident pour « un nouveau départ ». « Conscients de la gravité et de l’urgence, écrivent-ils, militants de l’égalité et partisans de la fraternité, nous en appelons à la constitution d’une grande alliance populaire, démocratique, écologique et sociale  ».

Mais qui est prêt à s’embarquer ? Pour l’instant, quelques 150 personnes font partie des premiers signataires. Des responsables politiques, syndicaux, scientifiques ou associatifs, ou ce que le PS appelle des « visages de la gauche au quotidien », président de club de foot, bénévole d’association ou élève infirmière. A noter la présence de Fadela Amara, ex-présidente de l’association Ni putes, ni soumises qui après s’être laissée débaucher par Sarkozy, lors du précédent quinquennat, revient au bercail. Mais au total, le spectre politique est limité et le tout ressemble, pour le moment, plus à un échantillonnage qu’à une réelle force politique. Car la porte est étroite entre un Emmanuel Macron qui construit son « rassemblement ni de gauche ni de droite », une aile gauche du PS et des proches de Martine Aubry partisans de la primaire, et une Cécile Duflot ou un Pierre Laurent qui, éventuellement joueront le jeu de la primaire mais ne monteront vraisemblablement pas à bord du BAP.

Hollande risque finalement de rester bien seul et d’essuyer un grain sévère, dans sa détermination à ne pas lâcher la barre du pouvoir présidentiel à laquelle il semble s’accrocher.


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