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Décryptage du rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire

L’école, c’est zéro pointé en terme d’égalité

Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) a rendu public, mardi 27 septembre un rapport édifiant sur les inégalités du système scolaire en France. 22 chercheurs sociologues, économistes ou encore psychologues ont travaillé pendant 2 ans pour comprendre les causes des inégalités en France. Il fait suite à une étude PISA publiée en 2013 par l'OCDE qui révélait que le système français est le plus inégalitaire parmi les pays de l'OCDE.

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La faute à l’éducation prioritaire ?

La synthèse du Cnesco détaille une «  longue chaîne de processus inégalitaires  » qui se cumulent à chaque étape de la scolarité : inégalités de résultats, inégalités d’orientation, inégalités d’accès au diplôme et même inégalités d’insertion professionnelle.

Le rapport révèle d’abord que dans cette école ségrégative, les inégalités progressent : alors que les élèves issus des milieux défavorisés voient leurs résultats scolaires baisser, les élèves des quartiers favorisés voient leurs résultats augmenter. Par ailleurs, outre les résultats scolaires, les élèves des quartiers « populaires » ne se retrouvent pas face au même choix d’orientation à la sortie de leurs études. Alors que les voies générales, universités ou grandes écoles s’offrent à certains, d’autres se retrouvent face à des choix d’orientation les conduisant à des diplômes de moindre valeur sur le marché du travail.

L’étude met en cause la politique d’éducation prioritaire fondée en 1981. Cette politique avait pour but d’allouer plus d’argent dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire, ainsi que de diminuer le nombre d’élèves par classe. Mais en réalité, voilà le résultats après toutes ces années : contrairement à l’objectif initial de « donner plus à ceux qui en ont le moins », les établissement classés zone d’éducation prioritaire se retrouvent avec moins d’argent que les établissements non classés. Concernant le nombre d’élèves par classe, on note une différence nationale de 2 élèves en moyenne, « ce qui n’a pas d’impact significatif dans les enseignements », résume Nathalie Mons, présidente du Snesco. Enfin, le temps d’apprentissage est moindre en éducation prioritaire. L’étude met en cause la difficulté dans la gestion de classe où l’enseignement revient aux néo-titulaires ou aux contractuels. Et on peut ajouter à cela, les difficultés de remplacement des enseignants en arrêt de longue durée. Pour finir, les chercheurs s’accordent sur « une stabilité de la ségrégation scolaire et sociale au cours des dix dernières années. »

Selon les rapports issus de l’étude, la principale explication de l’état des inégalités à l’école tient aux politiques publiques et tout particulièrement à la politique d’éducation prioritaire. « Loin de faire de la discrimination positive, elle produit en réalité de la discrimination négative, à cause des effets pervers », avance Georges Felouzis. Il va plus loin : « Mener une politique d’éducation prioritaire, c’est aussi accepter la ségrégation sociale et scolaire. C’est la rendre moralement acceptable, en disant : on vous donne plus, tout en ne faisant rien pour lutter contre ». Le Snesco préconise de commencer « d’abord par déségréguer les 100 collèges les plus ghéttoïsés »,propose Nathalie Mons.

Derrière les annonces, la réalité d’une école à deux vitesses

Le problème est qu’au fil des années, les budgets dans l’éducation prioritaire se sont réduits et se sont dilués. Ainsi, pour le gouvernement, l’heure était venue de mettre fin au dispositif des ZEP et remplacer celui-ci par une nouvelle appellation « le REP ». La ministre de l’éducation nationale a fait toute une série de déclarations en grande pompe pour vendre sa réforme aux enseignants. Le gouvernement promettait « de mettre le paquet dans l’éducation prioritaire en attribuant 350 millions d’euros supplémentaires », et « de prendre en compte les difficultés sociales et donner à ceux qui les cumulent ». La réforme de l’éducation prioritaire s’est faite à moyens constants. On déshabille Paul pour habiller Jacques. Et on s’arrache les maigres vêtements entre « pauvres ». Ainsi, pour soi-disant financer sa réforme, de nombreux établissements sont sortis du réseau de l’éducation prioritaire de manière totalement arbitraire. Or, pour ces établissements, les difficultés sont toujours présentes et cela représente en réalité une attaque très forte contre les classes populaires.

Mais plus que la faute de l’éducation prioritaire, il faut pointer et mettre en cause les réponses des gouvernements successifs pour « mettre fin à l’école de l’inégalité ». Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont mis en œuvre une politique de détérioration des conditions de travail et d’études pour les élèves et les enseignants. Les effectifs n’ont cessé d’être sabré malgré les belles annonces de recrutements d’instituteurs ou d’enseignants. De même, l’ensemble des dernières réformes, dans le cadre de la « refondation de l’école » démantèlent à petit feu le cadre national de l’éducation publique déjà bien mis à mal. Les politiques éducatives sont de plus en plus ramenées à l’échelle locale.

Dans le primaire, avec la réforme des rythmes scolaires en 2013, ce sont les instances locales qui organisent le temps péri-scolaire, ouvrant la porte à une aggravation des inégalités entre écoles et entre communes. Les activités péri-scolaires étant financées par les communes et sachant que les budgets alloués aux communes pour l’école varient entre 1 à 10, elles n’ont pas ou ne donneront pas toutes les mêmes moyens pour les mettre en place. Cette réforme a donc accru, alors même qu’elles étaient déjà colossales, les inégalités entre les écoliers des communes riches et pauvres.

Dans le secondaire, la même logique prévaut. Présentée comme une avancée visant à réduire les inégalités et à offrir toutes les chances de réussite à l’ensemble des élèves, la réforme du collège instaure en réalité ce même principe de casse de l’éducation nationale renforçant les inégalités entre les établissements et le renforcement des décisions locales au sein de chaque établissement. Une réforme qui présente de nombreux aspects mais dont les principaux peuvent se résumer à la réduction des heures d’enseignement, à une attaque massive contre les disciplines, à la mise en place de la logique de compétences, à l’autonomie des établissements.

La loi de refondation de l’école (juillet 2013), qui avait inscrit noir sur blanc la réduction des inégalités comme une priorité, n’est guère visible dans les écoles après quatre rentrées du PS. Ce qui est visible au contraire, c’est la ségrégation, l’austérité, et le renforcement des écoles à deux vitesses : celle des riches et celle des pauvres.


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