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Un an de Blanquer et après ?

L’éducation nationale à l’épreuve du macronisme

La première année du mandat Macron n’a pas été de tout repos. Encore moins du côté de l’Education Nationale, où le « super-ministre » Jean-Michel Blanquer a fait virevolté les réformes et s’est construit une solide image sur les plateaux. Et le plus étonnant dans l’histoire, c’est que l’homme, très à droite, a été relativement épargné par la houle des enseignants, traditionnellement à gauche, du primaire et du secondaire, et est parvenu à contenir la contestation à Parcoursup sur les bancs de l’Université. Mais comment expliquer cette relative atonie du monde enseignant ? Alors que Blanquer, à l’image du gouvernement, entre dans sa « crise d’autorité », les acrobaties médiatiques du ministre suffiront-elles à contenir l’effritement de sa popularité et à maintenir la digue enseignante qui pourrait bien, face au recentrage à droite voire à l’extrême-droite, céder tôt ou tard ?

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Le projet Blanquer : succède au « en même temps » de façade, la « crise d’autorité »

La politique de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale d’Emmanuel Macron a constitué un jalon important de la politique du « en même temps » voulue par le président durant sa première année de quinquennat. Jean-Michel Blanquer, résolument à droite fait partie de ces ministres pêchés parmi les « constructifs » du camp Les Républicains qui ont décidé de rejoindre le gouvernement d’Edouard Philippe. Ex-directeur de l’ESSEC, ancien recteur de l’Académie de Guyane, ex-DEGESCO (bras droit du ministre) de Luc Chatel sous Sarkozy, mais aussi ancien recteur de l’Académie de Créteil, il connaît bien les rouages de l’éducation nationale et sait habilement manipuler les aspirations du corps enseignant. Il est par exemple, l’architecte du projet de « l’internat d’excellence » de Sourdun (Seine-Et-Marne), sorti de terre en 2009, véritable laboratoire éducatif et emblématique avant l’heure du « en même temps » macronien : sous couvert « d’égalité des chances », l’internat d’excellence consiste à retirer une minorité d’élèves, « premiers de cordées » de leurs établissements de relégation scolaire de l’Académie de Créteil, pour les faire évoluer dans un internat, ultra disciplinaire et compétitif, où l’uniforme et l’interdiction des téléphones portables est de rigueur. Derrière le vernis « démocratique » de cette école hors-sol, la mesure, à priori populaire auprès des enseignants « de gauche », sert surtout à justifier l’abandon progressif de la majorité des établissements de zones prioritaires dont les moyens n’ont fait que reculer ces dernières années.

Cet internat, à priori anecdotique, est la déclinaison dans l’Académie de Créteil de ce que contient le projet Blanquer, cette fois au niveau national. A savoir, d’un côté, un savant mélange d’une communication axée sur la « méritocratie » et « l’égalité des chances » saupoudrés de mesurettes, très médiatiques mais très limitées dans les faits : c’était le rôle de la mesure en faveur du dédoublement du CP dans les zones prioritaires, (réalisé à moyens constants, en ponctionnant dans les effectifs de remplaçant) lancée en septembre 2017.

De l’autre, le dur de sa politique :

1) la mise au pas des élèves comme des enseignants. On pourra citer les arrestations des lycéens d’Arago qui expriment la volonté de criminaliser les mobilisations dans la jeunesse, le renforcement de la polyvalence des enseignants dans le cadre de la réforme du lycée, le vote en mai 2018 de l’interdiction des téléphones portables et le projet de remise en place de l’uniforme, ou encore la suppression de postes au concours pour favoriser le recrutement contractuel. Ces mesures, populaires au sein de l’électorat de droite, ont également l’objectif de renforcer l’ancrage social du gouvernement à droite dans cette seconde phase qui s’ouvre au printemps 2018.

2) Le renforcement de l’élitisme scolaire et la logique de ségrégation sociale qui est son pendant. A ce titre, la réforme du lycée, qui comporte l’instauration du bac local et du lycée à deux vitesses, mais aussi la loi ORE qui entérine la sélection à l’université avec Parcoursup sont les deux réformes à la fois les plus structurelles et les plus emblématiques de l’année depuis sa prise de poste.

3) une plus grande adéquation des contenus des enseignements avec les besoins du patronat (réforme du lycée, mais aussi de l’apprentissage dont les contenus vont être pilotés par les régions et le patronat local)

4) un « formatage citoyen » plus marqué avec la mise en place d’un Conseil des Sages de la laïcité et la distribution d’un « vademecum de la laïcité » aux enseignants.

La mesure du dédoublement du CP, incarnation d’un « en même temps » qui sera de courte durée, a été très efficace pour Jean- Michel Blanquer : lancée dès la rentrée 2017, elle lui a permis, d’entrée de jeu, de s’attirer les faveurs d’un corps enseignant, généralement hostile à la présence d’un ministre de droite. Aussi, le dédoublement du CP lui a servi d’argument-bouclier durant toute la durée de lancement des réformes de fond (lycée, Parcoursup, apprentissage), qui ont pour principal effet de renforcer ses inégalités scolaires.

Passées ces réformes, et depuis ce printemps, on serait passé à une « seconde phase » où la question du « en même temps », destiné à contenir l’électorat de centre-gauche, n’est plus : d’abord il y a eu la chasse aux « pédago » du Conseil Supérieur des Programmes qui a conduit à des démissions, puis la distribution d’un « ABC de l’enseignement » recommandant la systématisation de la dictée pour mettre fin au « pédagogisme » incarné par l’ex-ministre Najat Vallaud Belkacem, figure honnie par la droite. Avec l’arrestation des lycéens à Arago, le vote de la loi interdisant les téléphones à l’école, le lancement du débat sur l’uniforme, Jean-Michel Blanquer a commencé « sa crise d’autorité », comme le titrait Médiapart. Et y compris sur la forme, le ministre se met résolument en phase avec l’électorat conservateur. Un basculement qu’on peut également observer au sein de l’ensemble du gouvernement dont Jean-Michel Blanquer, en dépit de la nature secondaire de son portefeuille, est un véritable pilier.

Mettre les enseignants en conflit en soulevant la question de la laïcité

Cette « seconde phase » qui s’ouvre devrait également être portée davantage sur la question de la laïcité à l’école, restée en retrait des débats de l’école ces derniers mois. En ré-ouvrant un sujet qui cristallise souvent l’attention médiatique. On peut y voir deux objectifs : le premier étant de diviser le corps enseignant et servir d’écran de fumée aux réformes de fonds comme celle sur les retraites qui s’annonce pour la rentrée ; le second, de renforcer l’appuie à la Macronie au sein d’un électorat de droite et dans les rangs de centre-gauche, à la manière d’un Manuel Valls. La stratégie de Blanquer a des signes annonciateurs : dès la rentrée 2017, un Conseil des Sages de la laïcité a été mis en place pour plancher sur un livret de la laïcité à destination des enseignants qui est d’ors et déjà distribué. Ce dernier vient se superposer à l’Observatoire de la Laïcité, déjà en place, et dirigé par Jean-Louis Bianco, dont les conceptions sur le sujet sont jugées trop « libérales » pour Blanquer et qu’il a voulu court-circuiter. En effet, le Conseil des sages a une vision beaucoup plus stricte que l’Observatoire qui lui, n’est pas opposé au port du voile pour les mères accompagnantes des sorties scolaires, et du port de ce dernier à l’université. Le débat officiellement axé sur la laïcité vise en réalité à distiller un peu plus d’islamophobie dans le corps enseignant. Sans doute faudra-t-il rappeler que ce n’est autre que Blanquer Degesco sous Luc Chatel qui avait signé la circulaire interdisant le port du voile pour les mères accompagnantes en sortie scolaire en 2012.
Il faut s’attendre à ce que n’importe quel épiphénomène scolaire concernant ce sujet soit médiatiquement monté en épingle dans les prochains mois pour que le débat qui peine à s’installer actuellement s’ouvre plus profondément.

Réforme du lycée, Parcoursup : les raisons de l’apathie chez les enseignants du secondaire…

  •  Un accueil relativement bon pour un ministre de droite

    Féru des « sciences cognitives », Blanquer a été dépeint à son entrée au gouvernement comme un ministre de l’Education Nationale résolument novateur, et dont les positions s’inscrivaient au-delà des clivages qui partagent le monde enseignant, entre le courant dit « pédagogique » (classe inversée, pédagogie alternative mettant l’élève et sa curiosité au centre des apprentissages) et « conservateur », partisan d’un retour au cours magistral, d’un renforcement de l’autorité de l’enseignant. Comme décrit ci-dessus, la mesure en faveur du dédoublement du CP, ou encore celle des « devoirs faits », a permis d’ancrer cette image de « nouveauté » auprès des enseignants, du moins dans un premier temps. Ce qui nous permet de dire cela est la grande facilité avec laquelle Jean-Michel Blanquer a pu passer la réforme du lycée auprès des enseignants du secondaire, tout comme Parcoursup qui n’a pas fait véritablement de vague lors de sa mise en place dans les lycées.

  •  Une réforme « blitzkrieg » sur le lycée

    La réforme du lycée a été dénoncée par les principales organisations syndicales Snes-FSU, Sud Education, CGT educ’action, mais appuyée par l’Unsa et la CFDT, très minoritaires. Mais, malgré les appels de la principale organisation syndicale, le Snes-Fsu, les taux de mobilisation le 6 février, le 3 avril sur les sujets spécifique de la réforme du lycée sont restés extrêmement faibles. Cela, en dépit du caractère très symbolique des attaques – notamment sur la suppression du baccalauréat en tant que diplôme national et anonyme – et de ses conséquences matérielles – la suppression de 20 000 postes ont estimé les organisations syndicales. Pour expliquer cela, il faut d’abord prendre en compte la logique manœuvrière de Blanquer d’une réforme Blitzkrieg, annoncée puis votée en à peine un mois, et une semaine à peine avant les vacances de février, période peu propice aux mobilisations enseignantes. Il faut aussi prendre en compte le caractère très « théorique » de la présentation de la réforme – 10 spécialités, une plus grande liberté de choix pour les élèves, un accompagnement renforcé, conservation du bac mais sous une forme « local » – qui, dans son application, va générer très probablement toute une série de luttes isolées pour conserver et/ou supprimer des enseignements et des postes au sein des différents établissements.

  •   L’adhésion d’une partie du monde enseignant au principe de la sélection à l’université

    Concernant Parcoursup, très peu d’enseignants du secondaire ont activement contesté la mise en place des Fiches Avenir, des avis rendus pour la plateforme…etc. Et force est de constater que l’opposition à Parcoursup qui était la position officielle de la centrale FSU, s’est décliné au niveau de l’enseignement supérieur par le Snesup-FSU, mais pas au niveau des enseignants du secondaires, au travers du Snes-FSU. La fédération n’a jamais appelé à une date de mobilisation contre Parcoursup. Elle a même préféré appelé, de manière isolée à la mobilisation le 6 février, date évidemment en contradictoire avec celle annoncée par le Snes-sup et les organisations de l’enseignement supérieur, le 1er février. Selon les mots de Valérie Sipahilamini, secrétaire adjointe du Snes-FSU, les enseignants en lycée « étaient pour la sélection ». Un constat pour se dédouaner de faire le minimum de travail sur le terrain syndical et parvenir à contenir la colère contre la sélection de manière très sectorielle.

    Cependant, effectivement, sans travail de sensibilisation réalisé par la principale organisation syndicale, sur le terrain mais aussi au sein des militants du Snes, on a pu constater qu’une partie conséquente des enseignants approuvaient la loi ORE et le principe même de sélection, en s’appuyant sur l’argumentaire gouvernementale du taux d’échec en première année, du niveau qui baisse, de l’inadéquation des élèves aux exigences de l’enseignement supérieur. Cette approbation existante, même si fragilisée au moment du déclenchement de la mobilisation contre Parcoursup dans les universités, est révélatrice d’une perte de conscience sociale de cette partie des classes moyennes intellectuelles et salariés, d’un certain virement à droite également, à l’image de celui qui a gagné une partie du corps des enseignants du supérieur pendant la mobilisation contre Parcoursup : un des éléments clefs pour comprendre cette position, c’est que la sélection à l’université ne touche pas les intérêts matériels des enseignants, à fortiori du secondaire et supérieur, pour qui les enfants font le plus souvent partie de l’élite scolaire, en dépit d’un capital économique modéré. La question de l’augmentation des droits d’inscription à l’université, que le gouvernement s’est gardé pour l’instant d’annoncer, aurait très certainement eu un tout autre effet.

  •   Le vote de « gauche » des enseignants, éclaté dans le nouveau paysage politique

    Aussi faut-il prendre en compte le fait que les enseignants, traditionnellement acquis au Parti Socialiste en décrépitude, ont modifié leurs comportements électoraux ; que leur vote d’adhésion s’est scindé entre d’un côté un virage à gauche en faveur de la France Insoumise, et un recentrage à droite en appuyant Emmanuel Macron ; qu’ils ont majoritairement voter en faveur du second lors du 2ème tour de la présidentielle face à Marine Le Pen, dont les idées qui ne sont pourtant plus aussi hermétiques qu’avant dans le monde enseignant, continuent cependant à être majoritairement rejetées.

  •   Démoralisation suite aux échecs des luttes contre les réformes du primaire et du collège

    Sans doute faudrait-il également rappeler que les enseignants comme d’autres secteurs sont touchés par une vive démoralisation et une perte de confiance dans la mobilisation. Les deux dernières luttes dans l’éducation, en 2013 dans le primaire contre la réforme des rythmes scolaires, en 2015 dans les collèges, avaient été beaucoup plus vives, mais tout aussi sectorisées, se sont terminées par des échecs. Des éléments qui n’auront pas échappé aux enseignants de lycée, généralement plus âgés et mieux établis, moins prompts à se mobiliser.

  •   L’attentisme du Snes-FSU
    Bien évidemment, les organisations syndicales ont largement contribué à l’apathie généralisée des enseignants de lycée, et notamment le Snes-FSU. Malgré des positions publiques hostiles à la réforme du lycée et à Parcoursup – le Snes et le Snes-Sup pour la FSU étaient présents lors des Coordination Nationale de l’Education appelé à partir de décembre-janvier – le Snes n’a absolument rien fait pour mobiliser contre Parcoursup, et fait très peu pour mobiliser contre la réforme du lycée. En témoigne le refus du Snes d’appeler le 1er février 2018 avec les organisations syndicales de l’enseignement supérieur et des étudiants contre la loi ORE, l’absence de matériel, l’absence de mot d’ordre si ce n’est un appel à « émettre uniquement des avis favorable sur les Fiche de Vœux ». Concernant la réforme du lycée, il y a eu la date de mobilisation du 6 février, relatif échec, celle du 14 février devant la Sorbonne rendez vous réunissant uniquement le bureau fédérale en l’absence de toute communication sur cette mobilisation et sans appel à la grève, puis les dates de grève annoncées lors des vacances de printemps en mars et en avril, avec une date par zone, ce qui a eu pour effet de démotiver et de diviser les forces hostiles à la réforme. La volonté de contention, y compris perceptible en amont de la mobilisation contre Parcoursup de la part de la direction du Snes, a été si forte qu’elle a même réussi à faire avorter la mobilisation réelle des enseignants des lycées, pourtant au cœur de la tourmente des réformes.

    La « fabrique de la radicalité » chez les profs ?

    Sans écarter le fait que le projet Blanquer a mis à nu une certaine droitisation du monde enseignant, le tableau, pour être complet, ne doit pas omettre les réactions générées également sur la gauche au sein du corps enseignant. En effet, la « radicalité » du gouvernement et de ses réformes dans l’éducation, génère un phénomène de décantation des opinions au sein de cette partie des classes moyennes intellectuelles, sur la droite, mais aussi sur la gauche. Chez les enseignants du supérieur, cela a été très visible face aux mobilisations étudiantes contre la loi ORE : d’une certaine manière, les enseignants d’université, ont été obligés, par la force des choses, de se positionner face au gouvernement et à cette loi. Parmi ceux ayant choisi de soutenir la réforme, tous ont été contraints d’effectuer un « pas à droite » - hostilité vis-à-vis de l’occupation des universités, revendication des interventions policières contre les étudiants, acceptation de l’autoritarisme des présidents d’universités, mollesse des réactions face aux attaques fascistes -, ceux hostiles à la loi ORE, un pas à gauche dans l’analyse de la situation et mais aussi dans les méthodes d’action : grève des cours et des examens, par exemple, pour une partie d’entre eux face à un gouvernement qui n’a rien voulu entendre.

    Cette expérience de décantation politique, quoique beaucoup moins aboutie parmi les enseignants du secondaire, s’exprime malgré tout sous certains traits. Nous avons pu remarquer plus haut que « l’apathie » enseignante correspond d’une certaine façon aussi à des éléments d’adhésion face au programme de Macron et à celui de Blanquer qui s’est décliné jusque là. Emprise de l’idéologie du « mérite », restauration de l’autorité, ont été des points qui ont pu accrocher une certaine partie des profs, d’autant plus que les réformes en cours – à l’exception de l’augmentation de la CSG – n’ont pas réellement touché aux conditions matérielles des enseignants (ou du moins ne se font pas ressentir pour l’instant). L’objectif de la « rémunération au mérite » qui est inscrit à l’agenda de la réforme de la Fonction Publique pourrait également en satisfaire certains et insérer un peu plus un secteur des enseignants dans la base sociale macroniste. Une chose qui parait cependant plus difficile au vue de cet objectif est la réforme des retraites qui va constituer un recul pour l’ensemble des enseignants. Comme souvent au sujet de la classe moyenne, a fortiori salarié et du secteur public, les opinions et les soutiens à la bourgeoisie peuvent osciller rapidement.

    Car en effet, sur la gauche, on peut ressentir les effets d’une force centrifuge. D’abord au sein du paysage syndical. La direction du Snes-FSU, tenue par la tendance majoritaire « Unité et Action » a eu des positions extrêmement timorées vis-à-vis de la réforme du lycée, et est restée quasi-muette concernant Parcoursup, ce qui a contribué à la décrédibiliser. En miroir, Sud Education est apparu comme le syndicat ayant les positions les plus cohérentes sur et contre les réformes en cours : d’abord en ayant le discours le plus construit et la communication la plus pertinente concernant les réformes, ensuite de par son caractère moins corporatiste – Sud Education regroupe l’ensemble des enseignants de la maternelle à l’université, ainsi que l’ensemble des travailleurs de l’éducation (agents, administration, etc…) – ce qui, dans le cadre d’une réforme touchant à la fois l’université et l’enseignement secondaire, le faisait apparaitre comme l’organisation la plus favorable et organisatrice de l’unité des luttes. En interne du Snes, mais là aussi dans des secteurs très spécifiques, il y a aussi une dynamique vers la gauche : en se basant sur les résultats des élections internes, lors du Congrès, la majorité « Unité et Action » se voit ainsi disputée par ses tendances minoritaires, en particulier Ecole Emancipée dans l’Académie de Créteil. Une situation qu’il faut mettre en lien avec l’attitude de la fédération durant cette première année de quinquennat Macron.

    A lier également au fait que, c’est en particulier dans les établissements de la Seine-Saint-Denis et dans l’éducation prioritaire que la colère s’est fait sentir : gel du point d’indice, manque de moyens matériel et humain, sureffectifs, locaux insalubres. Côté gouvernemental, il y a la volonté de faire sauter des taquets concernant les moyens, le recours aux heures supplémentaires, les effectifs en classe, la suppression des contrats aidés et donc moins de personnel d’encadrement pour les élèves. D’ores et déjà les problématiques rencontrées dans les secteurs de la santé publique commencent à s’exprimer dans ces établissements difficiles. Dès la première semaine de rentrée, plusieurs lycées et collèges de Seine-Saint-Denis, classés ou récemment sortis des dispositifs de l’éducation prioritaire et qui ont vu leurs moyens diminués, se sont lancés dans des grèves très dures. C’est l’expression d’une certaine polarisation à gauche, dans les établissements les plus défavorisés au sein du corps enseignants du fait de la rudesse des conditions de travail et de l’accueil d’un public touché de plein fouet par les réformes libérales.

    Aussi faut-il rappeler que cette « radicalité » à gauche s’est exprimée durant les grandes manifestations de la Fonction Publique, le 10 octobre 2017, le 22 mars et 22 mai 2018, où les taux de grévistes dans l’Éducation Nationale ont été loin d’être ridicule (par exemple 20% des enseignants du primaire et 16% du secondaire le 10 octobre lors de la première grande manifestation « anti-Macron » après l’élection de Jupiter). La première journée de mobilisation le 10 octobre appelée par l’Intersyndicale a été appelée par tous les syndicats de la Fonction Publique, ce qui ne s’est pas fait depuis longtemps. C’est sans doute l’une des plus fortes mobilisations de la fonction publique depuis 2003.

    Alors que le gouvernement enclenche une phase de conquête de l’électorat conservateur et passe un certain nombre de digue vis-à-vis de l’électorat de gauche – politiques migratoires ultra-répressives, attaques prévues contre la fonction publique, réformes des retraites – il est de plus en plus probable qu’une de ses bases sociales, les enseignants, lui soient de moins en moins favorables. Les désillusions quant à Parcoursup, avec la tombée des premiers résultats, en sont un premier indice. Mais le plus conséquent est surtout l’effritement de la popularité de Jean-Michel Blanquer auprès de ce public, attesté par un récent sondage Ipsos commandé par le Snes-FSU. Bien entendu, il est aussi possible que la polarisation politique perceptible au niveau du monde enseignant s’approfondisse : l’accent porté sur la laïcité ou la rémunération au mérite des fonctionnaires pourraient y contribuer en tirant un peu plus vers la droite une partie de ce corps social. Si des luttes sont très certainement à prévoir dans les prochains mois, le fait qu’elles soient massives ou non dépendra surtout de la nature des attaques matérielles qui lui sont portées. En tant que groupe social faisant partie des classes moyennes, mais salariées et liées au secteur public, les opinions sont oscillantes, les revirements parfois rapides, …et devenir une épine dans le pied du gouvernement.


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