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La colombe impérialiste au cœur de la tourmente

L’organisation « de la paix » (ONU) et la culture du viol chez les casques bleus

Ce mardi 17 mai, l'ONU a annoncé qu'au moins 44 accusations de viols touchant les Casques Bleus avaient été recensées depuis le début de l'année. Si les Nations Unis semblent faire pression sur les gouvernements nationaux pour qu'ils traitent véritablement ces affaires, elles doivent également faire face à des critiques sur leur manière de gérer les cas d'agressions sexuelles commises par ses soldats.

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Roma Caracol

Cela fait plusieurs années que les Casques Bleus sont mis en cause dans des affaires de viols sur leur terrain d’intervention. Déjà trop nombreuses, ces accusations se rajoutent aux 52 cas recensés en 2015 et au 66 de 2014, impliquant des soldats de 21 pays différents. D’après l’AFP, 29 de ces agressions sexuelles auraient été perpétrées en République Centre Africaine (RCA) par des soldats de la MINUSCA – Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine. Les 44 accusions de viols relayées mardi par l’ONU ne prennent même pas en compte le scandale de la mission Sangaris, mission durant laquelle quatorze soldats français auraient fait subir des sévices sexuels à des enfants dans le camp de réfugiés M’Poko de Bengui, capitale de Centrafrique (RCA).

Les mesures prises par l’ONU jusqu’alors sont de l’ordre du rapatriement du contingent des soldats inculpés, le limogeage de chef de la MINUSCA, Babacar Gaye, et la création d’un fond d’aide aux victimes. Bien que l’institution tente de faire pression pour que les pays d’où proviennent les soldats accusés prennent en charge les enquêtes et la répression pénale, elle ne s’en tient dans le concret qu’à de simples recommandations. Seule l’Afrique du Sud a pour l’instant annoncé qu’elle mettrait en place une cour martiale en République Démocratique du Congo, où sept cas d’agressions ont été recensés. Sur les 69 accusations portant sur l’année 2015, il n’y a eu que 26 enquêtes abouties qui ont mené à des peines de quelques semaines de prison pour trois soldats. En 2016, le nombre s’élève pauvrement à 3 enquêtes et de l’emprisonnement pour deux casques bleus.

De plus, le scandale est double pour l’ONU, au vu des vives critiques quant à sa gestion de cette crise. À la fin du mois d’avril 2015, Anders Kompass, haut dignitaire de l’ONU, avait remis aux autorités françaises un rapport sur le viol d’enfants par les forces françaises envoyées en RCA lors de la missions Sangaris. Il avait été derechef suspendu et son statut de lanceur d’alerte lui avait été refusé. De plus, alors que la hiérarchie de l’ONU était vraisemblablement au courant de ces affaires sordides, le dossier a longuement traîné dans les bureaux des responsables onusiens. C’est pourquoi le 17 novembre 2015, un groupe d’experts indépendants dénonçait un « échec flagrant de l’ONU » ; une centaine de pages de rapport mettent en cause des responsables de l’UNICEF à Bangui et le Haut Commissariat des Droits de l’Homme pour ne pas avoir transmis les accusations ni pris des mesures rapides pour protéger les enfants. L’ONU, en bon épouvantail de l’impérialisme, doit cette tempête de scandales à la volonté d’étouffer des affaires qui remettraient en cause l’intervention des forces étrangères dans les conflits, notamment situés en Afrique. Le blanchiment d’Anders Kompass et la nomination d’une coordinatrice spéciale ne suffiront pourtant pas à enrayer la crise. En effet Jane Holl Lute, après un voyage en RCA et RDC, n’a fait que souligner l’existence d’un « dysfonctionnement hiérarchique » et a appliqué la logique des mots creux tels que « sensibilisation ». Et l’Organisation des Nations Unis la poursuit, en ne faisant que recommander aux pays d’appliquer fermement la loi envers leurs soldats.

Sur les 44 agressions sexuelles recensées cette année, les Nations Unis ne prennent même pas en compte les accusations à l’encontre de quatorze soldats français lors de l’opération Sangaris en RCA. Les « forces de maintien » de la paix, chargées de la sécurité du camp de réfugiés M’Poko près de l’aéroport de Bangui, la capitale, auraient entre autre fait subir à des enfants des actes zoophiles en échange de la nourriture. François Hollande avait alors déclaré qu’il serait implacable. Pourtant, c’est sous son mandat qu’a été votée la Loi de Programmation Militaire de 2013, qui indique que les victimes et associations de défense des droits humains ne peuvent plus déclencher d’enquête par constitution de partie civile en cas de crimes commis pas des militaires français en opération. Véritable main-mise du pouvoir exécutif sur la justice, la conservation d’un monopole des poursuites par le parquet permet à l’armée et à l’exécutif de se donner la possibilité, un jour, d’étouffer une affaire trop sensible. Mais l’hypocrisie ne s’arrête pas là : Michel Sapin déclarait le 30 avril 2015 sur Europe 1 que « si les faits étaient avérés, les sanctions seraient d’une très grande sévérité ». Quand on sait l’intérêt que porte le ministre au consentement d’autrui...

C’est pourtant vers le passé colonial qu’il faut se tourner pour comprendre l’omniprésence des agressions sexuelles par des soldats dans les pays semi-colonisés. La France fut en effet un des pays les plus brutaux quand il s’agissait de mettre au pas les pays aux richesses convoitées. On peut se souvenir notamment de l’affaire des femmes violées au Rwanda en 1994 pendant l’opération Turquoise. À l’époque, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie avait conspué ceux qui doutaient de l’honneur des militaires français. Ministre de la Défense, certes, mais surtout de la défense des intérêts français en Afrique, de son pillage, des soldats imprimant une colonisation peu assumée jusque dans la chair des populations. La présence impérialiste, sous couvert de paix – terme affreux lorsqu’on est au fait d’exactions aussi nauséabondes – porte en son sein une histoire de violence, de mépris et de cupidité.

Le profit que les capitalistes tirent de l’instabilité centrafricaine est bien la source du mal et ce n’est pas à l’aide d’une coordinatrice spéciale ni avec l’impunité qui touche les soldats des intérêts impérialistes que nous enrayerons les violences sexuelles perpétrées. L’horreur coloniale charrie avec elles l’exploitation et le crime, et cela qu’elle se dise officiellement « pour la guerre », ou comme dans ce cas précis « pour la paix ». Pour arrêter ces crimes, nulle confiance en l’institution onusienne qui légitime les guerres impérialistes, mais un seul mot d’ordre : escadrons de l’impérialisme, hors d’Afrique !


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