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Interview avec Cédric Brun, secrétaire de la CGT PSA Valenciennes

La CGT révèle la vente par PSA Valenciennes de 50 hectares et s’inquiète de l’avenir du site

C’est un nouveau coup de bambou qui vient de frapper le site PSA de Trith-Saint-Léger, dans la banlieue de Valenciennes, spécialisé dans la production de boites de vitesse. Le 30 novembre, la direction a en effet annoncé au comité d’entreprise la mise en vente de plus de la moitié du terrain de l’usine, soit 50 hectares sur les 90 du site, comprenant plusieurs bâtiments et la moitié de la surface de stationnement des salariés. Une information qui était sensée rester secrète, mais c’était sans compter sur la combativité de la CGT locale. Il faut dire que l’annonce est alarmante. Après une diminution progressive des effectifs depuis plusieurs années, cette mesure ne peut qu’aller de pair avec une diminution d’activité de l’usine et son lot de suppressions d’emploi. Nous avons interviewé Cédric Brun, secrétaire de la CGT PSA Valenciennes.

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Propos recueillis par Flora Carpentier

Vous avez appris la mise en vente de plus de la moitié du terrain, ça a été un coup de bambou ?

Oui parce que depuis un moment, on savait qu’ils avaient l’intention de vendre une partie du terrain, mais ça n’était pas sensé concerner la partie industrielle du site, donc on ne s’affolait pas trop. Mais là on a vu que ça incluait des bâtiments qui fonctionnent encore, donc on a été assez choqués. C’est notamment le bâtiment MC où on produit les boites automatiques. Il a vu le jour en 2010, il y avait eu 300 millions d’euros d’investissements sur ce bâtiment ! C’est tout neuf mais ils l’arrêtent parce que c’est un échec commercial pour eux. Ils avaient prévu de l’arrêter en 2020, mais il reste encore 3 ans et ils vendent le bâtiment. Ils nous ont expliqué que si jamais il y avait un acquéreur, ils feraient la production prévue jusqu’en 2020 en quelques mois seulement pour libérer le bâtiment dans les délais. On a protesté, mais ils nous ont répondu que c’était acté et que ça ne servait à rien de résister.

Ca a été un coup de massue. On s’est demandé comment on allait annoncer ça aux gars. On a choisi d’alerter en premier la presse locale pour que ça ait un impact, ce qui a été efficace, les travailleurs se sont posé des questions. La direction hier en comité d’entreprise extraordinaire sur un autre sujet nous a d’abord accusés de mentir, elle nous a ensuite menacés de nous poursuivre au tribunal et de nous sanctionner parce qu’on avait dévoilé des éléments confidentiels. Nous on l’assume, on a dit qu’on faisait notre boulot. Et 2 heures après, les mensonges sont devenus réalité puisqu’ils ont convoqué les chefs de service et les chefs en leur annonçant la nouvelle. Les gars étaient blêmes. Hier, ils leur disaient « c’est des menteurs, faut pas les écouter », et aujourd’hui en sortant de réunion ils étaient tous blancs. Donc je pense qu’on a bien fait de l’annoncer.

Pour toi, l’impact va être automatique sur les emplois ?

Ça c’est clair et net ! Ils nous disent que ça va être absorbé avec les départs en retraite mais on parle quand même de 400 emplois qui sont concernés par ces bâtiments-là ! D’ailleurs c’est ce qu’on constate avec le fait qu’ils veulent vendre la moitié du parking, alors qu’aujourd’hui il est déjà saturé. En effectif présent, on est 1650 et là ils en vendent la moitié, alors bonjour les dégâts !

Illustration : Reconstitution de la vente de terrain et bâtiments annoncée en CE.

La direction nous a annoncé aussi qu’elle ne voulait se concentrer que sur une seule boite de vitesses, celle qui rapporte le plus, la boite manuelle. Ca veut dire que si le nouveau projet ne marche pas, l’entreprise ferme. Parce que là on va être sur du mono-flux, du mono-projet, c’est super dangereux. Actuellement on fournit 60% du groupe PSA dans le monde entier, mais ils achètent de plus en plus les boites de vitesse à d’autres producteurs, notamment les nouvelles générations de boites automatiques. Donc petit à petit ils vont nous déshabiller et si on ne se mobilise pas, ça va mal finir pour nous.

Les suppressions d’emploi à l’échelle globale de PSA, ça a donné quoi chez vous ?

Depuis 2012, on était 2200, sans compter les précaires. On a perdu un peu plus de 400 emplois déjà, malgré des productions qui sont stables voire en augmentation. Donc la charge de travail a explosé, les conditions de travail sont devenues déplorables. Quand on est 5 sur une ligne, dès qu’il y a un absent, un collègue qui prend un congé ou autre, on est vite dans la merde. C’est une intensification des conditions de travail, une accélération des rythmes, très clairement.

Comment vous compter réagir à cette mise en vente ?

Là on est en train de construire notre plan de bataille, on est en train de voir comment on va faire pour empêcher ça. On a rendez-vous cette après-midi à 16 heures avec le comité d’agglo de la porte du Hainaut pour voir quels éléments ils ont sur le sujet. La semaine prochaine on va diffuser un tract où on va dévoiler tout ce qu’on a, et on va proposer de signer une motion pour demander un droit d’alerte économique au CE, pour avoir les plans de l’entreprise à court et moyen terme.

C’est important parce que si on ne construit pas le rapport de force, on est contraint à subir et ils sont les maîtres du monde. A côté de ça, les pouvoirs publics allongent le pognon. Peugeot a touché 200 millions de CICE, comme ça tranquille… derrière on voit qu’à Rennes, ils menacent la région en leur disant « faut nous acheter les terrains, sinon on va continuer à massacrer l’emploi », et avec l’argent public, ils ont acheté les terrains. Si on ne fait rien, ça va continuer comme ça.

Donc là on va faire le boulot pour sensibiliser les salariés, leur expliquer le danger et voir ce qu’ils sont prêts à faire. Sinon ça va être la dégringolade et dans 4 ou 5 ans on sera quasiment au bout du tunnel. Parce que dans le Valenciennois et le Nord-Pas-de-Calais, le chômage est déjà énorme. Les entreprises automobiles sont l’héritage de la sidérurgie qui a fermé. Quand les grands sites d’Usinor de Trith et Denain ont fermé [respectivement en 1986 et 1988], les pouvoirs publics, sous pression des travailleurs, de la CGT et du Parti Communiste de l’époque, ont été obligés de réindustrialiser. C’est pour ça qu’ils ont créé le site de PSA Valenciennes et plein d’autres boites. Aujourd’hui on est en train de perdre un héritage industriel. Donc rien que pour l’histoire, on ne peut pas laisser faire ! Sinon, qu’est ce que vont faire nos gosses ?

Autant dire que la CGT, vous devez être une belle épine dans le pied de la direction ! D’ailleurs, en octobre la direction de PSA Valenciennes avait essayé de faire licencier 2 délégués CGT, tu peux nous en parler ?

Oui ils ont voulu licencier nos 2 camarades Lionel et Jonathan sur un prétexte bidon, mais ça n’a pas été voté au CE. Le vendredi 14 octobre, les copains étaient allés voir le chef de nuit parce qu’un salarié avait touché 200 euros de moins sur sa paie. Et quand ils sont allés le voir, le ton est un peu monté comme ça arrive souvent. Et là le chef a simulé un malaise, il a fait croire qu’il avait été séquestré et violenté par les copains. Le lundi, la direction a mis les camarades en mise à pied conservatoire pour séquestration et menaces, sous prétexte qu’il y avait un témoin, qu’un autre chef avait vu la scène… c’était absolument incroyable.

Quand ils font ce genre de choses, on sait que ça annonce des mauvais coups. Parce que quand ils s’apprêtent à annoncer des saloperies, ils essayent de nous mettre la tête sous l’eau pour faire en sorte qu’on se taise. Mais malheureusement pour eux, ça ne marche pas. Le CE avait refusé le licenciement, mais ils ont quand même pris 5 jours de mise à pied. Du coup on a réagi en organisant une collecte et il y a eu une vraie solidarité qui leur a permis de récupérer leurs pertes de salaires. Maintenant on va assigner PSA au tribunal pour faux témoignages, parce que les chefs ont raconté qu’il y avait eu violences, agressions alors qu’il n’y a rien eu de tout ça. On ne va pas les laisser faire.


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