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La direction l'a annoncé ce vendredi 16 octobre

La Poste, travail du dimanche : opération macronisation ?

Guillaume Loic La presse patronale a vanté la « levée d'un tabou », expression bien pratique qui permet de présenter le droit élémentaire au repos hebdomadaire comme une sorte de privilège. C'est le JDD qui l'a révélé : vendredi dernier, la direction de La Poste a réuni les syndicats du groupe pour annoncer une « expérimentation » qui mobilisera des dizaines de milliers de facteurs pour assurer la distribution des colis le dimanche 20 décembre. Interrogés, des militants de SUD PTT Paris 15 décryptent cette opération de communication qui prépare de nouvelles attaquent contre les facteurs.

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Une opération publicitaire qui ne trompe personne

« On a appris ça par un copain du syndicat qui bosse côté colis », racontent ces syndicalistes combatifs du bureau de poste du quinzième arrondissement. Bien sur, la direction s’est empressée de préciser qu’il ne s’agissait que d’une expérience ponctuelle, liée à l’explosion du trafic à la veille des fêtes (jusqu’à 2 millions de colis par jour, le double du flux moyen), et limitée à sept grandes villes (Bordeaux, Lille, Lyon, Nice, Paris, Reims, Rennes). Une opération qui, soit disant, profitera à ses employés. « En fait, c’est un coup de pub, un bluff qui leur permet de faire la une des journaux ». Dans sa communication en effet, la direction insiste sur les conditions supposément favorables offertes aux facteurs qui travailleront ce jour-là : une participation au volontariat, menée seulement de 9h à 12h et donnant à un repos compensatoire supplémentaire, avec une limitation exceptionnelle à 30 colis par collègue.

Ce discours publicitaire n’est en fait qu’un trompe l’oeil : 30 colis en 3h, ça n’a rien d’une allégement de la charge de travail, qui est équivalente en semaine. Et de plus, les facteurs fonctionnaires ne toucheront pas un centime de plus qu’en temps normal, du fait de leur statut. Si, certainement, des collègues répondront présent le dimanche 20 décembre, ce n’est donc pas parce que l’opération leur est favorable, mais bien parce que La Poste est une des entreprises où les salaires sont les plus faibles du pays. « Mais malgré tout le bruit qu’ils font autour de ça, à Paris selon les informations que l’on a l’expérientation ne concernera qu’un bureau, et donc que quelques centaines de colis. Pas de quoi nous éviter de couler sous le trafic au moment des fêtes. Une goutte d’eau et ils veulent en faire un océan...médiatique ».

Attention ceci n’est qu’un ballon d’essai

Les déclarations officielles ne trompent personne. Philippe Wahl, l’actuel PDG de La Poste, y est d’ailleurs allé de sa petite phrase sur la possibilité d’une généralisation de l’expérience si celle-ci s’avérait réussie. « Au delà de la promotion de leur image d’entreprise "compétitive", autrement dit capable de nous forcer à bosser le dimanche, le but de l’opération est aussi de créer un précédent. La prochaine fois ils nous expliqueront qu’ils l’ont déjà fait et que ça s’est très bien passé. Et petit à petit ils vont installer cette idée ».

D’ailleurs, cela fait quelques temps que le deuxième employeur de France après l’Etat prépare le terrain. A l’été, il avait annoncé que les employés de sa filiale britannique Geopost allaient se mettre dès le mois d’aout au travail dominical, afin de profiter d’une réglementation favorable en Grande Bretagne et pour faire face à la concurrence. Géopost compte tout de même 7000 salariés, répartis sur 50 sites et dotés de 3000 véhicules, si bien que ce premier test était d’ores et déjà d’ampleur. En matière de réglementation française, il faut aussi savoir que le prédécesseur de Ph. Wahl à la tête de La Poste, Jean-Paul Bailly, est lui-même l’auteur de deux rapports sur le travail du dimanche, l’un sous Sarkozy et le deuxième sous Hollande, en décembre 2013. Ce deuxième texte est la source d’inspiration directe...de la loi Macron. Un bon exemple de la détermination patronale, et de sa fusion avec la haute administration de l’Etat ainsi que des relais qu’elle trouve au gouvernement.

Colis et gros sous

On entend régulièrement les communiquants de la Poste, qui sont passés maîtres dans l’art de présenter la situation de l’entreprise comme dramatique pour mette la pression sur les salariés, expliquer que le trafic baisse. Les réductions d’effectifs seraient liées à ça. En fait, sur le terrain, les centres de distribution croulent sous les flux et les heures supplémentaires sont devenues la norme. Pourquoi ? D’abord, évidemment, parce que le nombre d’emploi supprimés est loin au delà de ce que représente le remplacement d’un certain nombre de courriers papiers par les emails. Mais il n’y a pas que cela : ce que La Poste oublie de dire, c’est qu’elle connait une ascension vertigineuse du trafic colis, qui explose du fait de la généralisation du commerce en ligne. On aprend ainsi, au détour de l’annonce de cette opération de mise au travail le 20 décembre, que le premier client du groupe est désormais Amazon, la fameuse multinationale connue pour les conditions de travail délétères qu’elle impose à ses salariés. « Quand ils ont séparé l’activité colis de celle courrier il y a quelques années, ça leur a permis de multiplier les recours à la sous-traitance pour faire baisser leurs coûts côté colis. Maintenant que c’est fait ils veulent refusionner le courrier avec la partie colis qu’ils ont gardé (la plus rentable), et tout faire porter au facteur. C’est ce qu’ils appellent la "polyvalence" ». Avec les centaines de millions d’euros de bénéfices réalisés par la banque postale, on comprend là d’où sortent les résultats tout à fait favorables (pour les actionnaires, au premier rang desquels l’Etat lui même) que fait la Poste ces dernières années.

« En fait ce qu’ils cherchent à faire, c’est à ne plus aviser, c’est à dire ne plus avoir à stocker les colis sur les guichets quand le facteur ne trouve pas le destinataire chez lui. Car mettre comme ça des colis en instance leur coûte de l’argent. Au bout de la chaîne, leur but c’est de supprimer des postes et de pouvoir fermer des bureaux, en supprimant ce service. Et pour cela, ils veulent faire travailler les facteurs les soirs et les weekend, quand les gens sont chez eux. C’est déjà le cas dans le 14e à Paris, le bureau ouvre à 4 ou 5h et ferme à 22h, et fonctionne sur trois équipes, une du matin, une en journée, une du soir ».

Résister à la macronisation de La Poste

Si, à la tête de La Poste, on avance pas à pas, ce n’est que parce que l’on craint la réaction des facteurs, dans une entreprise où plus de 80 000 emplois ont été supprimés en quinze ans, et où les rythmes de travail sont souvent devenus intenables, soumis aux réorganisations permanentes et à la fermeture des bureaux. Depuis plusieurs années, les grèves et les mouvements de résistance sont permanents sur le groupe, mais restent relativement isolés faute d’objectif unifiant, et parce que la direction a développé toute une stratégie de division en attaquant étape par étape, bureau par bureau. Le tout complété d’une bonne dose de répression, jusqu’à la révocation, pour la première fois depuis 1951, d’un facteur fonctionnaire, Yann Le Merer. C’est avec la même stratégie qu’elle cherche désormais à installer, progressivement, le travail dominical. Mais le tour est gros et rien ne dit qu’il passera facilement.


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