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Pierre Laurent sur la sellette

La direction du PCF battue : retour aux luttes ou nouvelle stratégie électoraliste ?

A l’issue d’un scrutin historique, c’est le texte emmené par André Chassaigne qui a remporté le vote des adhérents du PCF. Le député du Puy-de-Dôme revendique la rupture avec la stratégie des alliances par en haut et le « retour aux fondamentaux ». Mais, en filigrane, ce sont surtout les contours d’une nouvelle stratégie électoraliste face à la pression exercée par LFI qui semble se dessiner.

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A quelques semaines du congrès exceptionnel convoqué par la direction du parti à l’automne 2018, c’est le « le Manifeste pour un PCF du XXIe siècle » qui a emporté la majorité des scrutins, avec 42,15% des suffrages exprimés des près de 31.000 militants qui ont participé au vote. Il devance, pour la première fois dans l’histoire du parti, le texte présenté par la direction sortante du parti, la « base commune » ayant réuni 37,99% des suffrages. Loin derrière, le texte emmené par le député LFI Stéphane Peu « Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps » réalisé 11,95%. Enfin, le texte « PCF : Reconstruire le parti de classe, priorité au rassemblement dans les luttes » réunit 7,90% des suffrages exprimés. Dans ce contexte, le départ de Pierre Laurent de la tête du parti semble inévitable. Fabien Roussel, membre influent du texte victorieux, est pressenti pour le remplacer. Que peut-on attendre de ce probable changement de direction ?

Une rupture consommée avec Jean-Luc Mélenchon et LFI

La rupture avec Jean-Luc Mélenchon est la principale leçon du scrutin qui a lieu ces derniers jours. En 2008, avec la création du « Front de Gauche », le PCF s’était lancé à corps perdus dans la recherche d’alliances électorales avec d’autres secteurs de la gauche réformiste. Mais depuis, avec la création de la LFI et sa percée électorale, et alors que Mélenchon refuse de faire des concessions à ses alliés potentiels, les militants du Parti Communiste semblent se retourner de façon croissante contre une alliance peu avantageuse. C’est avec cette ligne de rupture contre une direction « se mettant à la remorque des autres » et de résurgence du patriotisme de parti que la liste d’André Chassaigne est parvenue à se hisser à la première place.

Au sein du PCF, la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, qui s’est servi du Front de Gauche comme tremplin pour lancer la LFI, alimente les hostilités. Le projet néo-réformiste de son leader a amené à faire un certain nombre de choix : la remise en cause de l’organisation en parti, la rupture avec le mouvement ouvrier ou encore le renforcement du discours souverainiste. Autant de questions-clés qui sont venus percuter les traditions de militants formés dans le moule de l’organisation communiste. Au point que la commission économique du PCF, estimait, dans un document paru en novembre 2016, que le programme de Mélenchon avait une « logique radicalement opposée à ce pourquoi nous combattons ».

Plus fondamentalement, la percée électorale de LFI est venue faire de l’ombre à un parti qui connaît un phénomène de déclin continu depuis plusieurs décennies. Si les députés PCF ont réussi – de justesse - à maintenir un groupe électoral lors des dernières élections législatives, la menace de voir disparaître ses derniers bastions électoraux, notamment lors des élections municipales de 2020, est forte. Or, il y a fort peu à douter que Jean-Luc Mélenchon ne compte pas faire de compromis avec ses anciens alliés, qu’il qualifiait encore il y a quelques mois de « mort et de néant ». C’est cette question, qui préoccupe énormément les dirigeants et cadres du parti, qui sont pour beaucoup élus locaux, qui avait tranché dans le sens de la convocation du congrès extraordinaire au mois de novembre.

Tirer le bilan des alliances par en haut

Face à ces stratégies d’alliances, les animateurs du texte veulent réaffirmer l’indépendance du parti sur le plan électoral, notamment lors des prochaines présidentielles. Pour Fabien Roussel, cette perspective apparaît comme une nécessité : « Nous devons affirmer la volonté de présenter un candidat en 2022. Il ne faut pas avoir peur de dire les choses. Sinon, on va passer notre temps à tenter de construire des unions et à la fin on va se retrouver tout seul parce que personne ne voudra de nous. »

Pour appuyer cette ligne, ceux-ci peuvent s’appuyer sur les résultats des précédents scrutins. Et notamment sur le succès électoral d’André Chassaigne qui a réussi à être réélu relativement aisément dans sa 5è circonscription du Puy-de-Dôme en affichant son étiquette PCF. Une stratégie opposée à certains élus, qui ont au contraire accepté de ratifier la charte proposée par Mélenchon pour obtenir la candidature LFI. C’est le cas notamment de Stéphane Peu, dont la démarche a été sanctionnée par les militants au vu des résultats que son texte a obtenu.

Ce pari d’une réaffirmation du PCF s’appuie également sur le fait que, face aux difficultés pour se consolider comme une alternative crédible à Macron, la France Insoumise cherche à recentrer son discours ces derniers mois. La multiplication des sorties sur les migrants et les concessions faites sur l’accueil des réfugiés, notamment, ont braqué un certain nombre d’électeurs de gauche. C’est sur cet espace politique que pense aujourd’hui pouvoir capitaliser une partie croissante des cadres et élus de l’organisation.

Un retour dans les luttes ?

Enfin, la dernière critique adressée par les animateurs du texte à la direction sortante se fait sur le terrain de l’invisibilisation du parti dans les luttes. Dans une interview donnée à La Montagne, André Chassaigne déplore ainsi que « l’activité militante [ait] disparu dans les entreprises alors que c’est notre ADN ». Une référence implicite à la disparition des cellules d’entreprise dans le parti, qui avait été le point d’orgue de la transformation du PCF en un parti d’élus. Depuis les années 1990, celui-ci a progressivement déplacé son centre de gravité pour se concentrer quasi-exclusivement sur le terrain électoral.

Cependant, le scénario d’un retour du parti qui organisait des centaines de milliers d’ouvriers est peu crédible. Il s’agit surtout, pour les animateurs du « Manifeste pour un PCF du XXIe siècle », de flatter la nostalgie du PCF d’antan, alimentée par les déboires avec LFI, pour conquérir des positions au sein de l’appareil et conserver leurs positions électives fragiles lors des prochains scrutins électoraux. A ce titre, il ne faut pas oublier le parcours de son principal animateur, André Chassaigne, qui a longtemps fait partie de la majorité qu’il critique aujourd’hui. A ce titre, il a accompagné la stratégie du Front de Gauche et les divers accords électoraux. Aux élections régionales de 2010, il était ainsi candidat du Front de Gauche et avait fusionné sa liste avec celle du PS et d’Europe Ecologie.

D’autre part, son propre projet d’une candidature aux présidentielles joue un rôle moteur dans sa démarche actuelle. Celui-ci avait d’abord échoué de se présenter en 2012 au nom du Front de Gauche face à Jean-Luc Mélenchon. Puis, il s’était vu débouté par la direction du parti pour les présidentielles de 2017, décision qu’il qualifie en coulisses de manque de « respect » ou de « considération ». Et c’est un secret de polichinelle que le nom idéal pour ceux qui rêvent d’une candidature en 2022 dans son camp est le sien. Derrière les affichages, c’est donc en réalité principalement sur le terrain électoral que se situeront les enjeux de ce prochain congrès du PCF.

Crédit photo : Miguel Medina / AFP


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