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Enseignement supérieur

La grève s’étend dans le monde de la recherche

Un secteur encore relativement invisible dans la mobilisation actuelle est celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. Non pas parce qu’il est absent de la lutte : les enseignants universitaires, les chercheurs au CNRS et le personnel administratif (ingénieurs de recherche, ingénieurs d’études, administratifs, etc.) se sont joints au mouvement contre la réforme des retraites dès le 5 décembre. À chaque grande manifestation nationale un cortège de l’enseignement supérieur et de la recherche réunissait plusieurs centaines de personnes, parfois allant jusqu’à 300 manifestant.e.s.

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Début janvier, la mobilisation a franchi un cap dans le monde de la recherche avec le vote de la grève dans plusieurs laboratoires de recherche et dans divers départements d’université. La grève des activités de recherche et des enseignements intervient après deux éléments. D’une part, la volonté des directions des universités de maintenir dans des mauvaises conditions la tenue des partiels. Dans certaines universités, les directeurs de département ont voté une motion qui demandait l’annulation ou le rapport des parties, et dans le cas de Paris 1, des motions de défiance au président de l’université. D’autre part, la grève dans l’ESR vient après l’annonce de la Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche. Cette loi aurait un effet néfaste sur l’enseignent supérieur et la recherche, qui se trouve déjà dans un état critique (suppression massive de postes de titulaires, recours tout aussi important à des contrats précaires, progressive invasion des institutions par des entreprises du privé, etc.). Comme l’analyse le site de Université ouverte, la LPPR augmenterait le volume d’heures enseignées par les enseignants chercheurs en maintenant le même salaire, allongerait la période précarité après le doctorat avec la mise en place d’un tenure track à l’américaine et institutionnaliserait la précarité avec la mise en place de « CDI projet », etc.

Une coordination nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche a eu lieu samedi 18 janvier à Paris 7, réunissant plus de 200 personnes (étudiants, enseignants, chercheurs, personnel administratif, etc.), représentant une cinquantaine d’établissements. Cette coordination a voté une motion faisant le lien entre la lutte contre la réforme des retraites et la lutte contre la LPPR. Des participants ont rappelé qu’une défaite du mouvement social contre la réforme des retraites rendrait plus difficile une victoire contre la LPPR. Toutefois, cette position ne semble pas être acquise pour tout le monde dans l’ESR. Certaines assemblées de laboratoire ou de département sont convoquées uniquement sur la question de la LPPR, évacuant celle des retraites, pourtant déterminante dans la situation actuelle.

Ces débats ont eu lieu à chaque assemblée générale de laboratoire, où il a souvent été dit que les chercheurs seuls ne pourront pas gagner contre la LPPR. L’expérience de 2009, lors de la grève contre a LRU, a pourtant montré qu’ils ne pourront pas gagner s’ils s’isolent du reste du monde du travail et des secteurs en lutte. De même, un des grands absents de cette mobilisation des laboratoires sont les étudiants. Ces derniers n’ont pas attendu la mobilisation des laboratoires pour rejoindre la lutte, comme le montrent les divers cortèges d’étudiants dans les manifestations, ou leur participation aux piquets de grève de la RATP ou de la SNCF depuis le début du mouvement. En effet, sans s’adresser aux étudiants, les enseignants chercheurs peuvent difficilement créer un rapport de forces qui leur soit favorable.

En réponse à l’annonce de la LPPR, certaines revues scientifiques se sont mis en grève, comme le rapporte France culture, en cessant toute publication et évaluation d’articles scientifiques. Des dizaines de laboratoires ont voté des motions contre la réforme des retraites et contre la LPPR, annonçant en même temps la grève des activités de recherche (journées d’étude, colloques, séminaires, etc.). Si ces mesures sont importantes pour visibiliser la lutte du personnel de l’ESR, elles ont principalement un caractère symbolique. L’Association nationale des candidats aux métiers des sciences politiques, qui regroupe des jeunes précaires dans l’ESR, a de son côté invité les chercheurs titulaires en grève à soutenir davantage leurs collègues précaires, sans lesquels les départements ou laboratoires ne pourraient pas fonctionner, surtout lorsque ces précaires luttent pour le paiement des heures enseignées ou pour de meilleurs contrats.

Une grève des cours et des partiels semble prioritaire actuellement, puisqu’il s’agit de desserrer l’étau sur les étudiants, ce qui leur permettrait de se mobiliser. On peut s’interroger aussi sur ce que signifie une grève de la recherche et des publications scientifiques. Pourquoi ne pas ouvrir les revues scientifiques aux grévistes pour qu’ils parlent de leur lutte, sans aucune forme d’évaluation peer-to-peer (comme c’est le cas d’habitude) ? Par exemple, la revue de sociologie Les mondes du travail a décidé de publier des contributions militantes sur le mouvement actuel et des entretiens avec des grévistes. De plus, alors que les établissements de l’ESR décomptent rarement les jours de grève des enseignants chercheurs, pourquoi ne pas donner un jour de salaire aux caisses de grève des cheminots ou de la RATP pour chaque jour de « grève » ?


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