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Le guide pour une élection anti-démocratique

La présidentielle américaine, comment ça marche ?

146 millions d’électeurs sont appelés aujourd’hui aux urnes pour élire le président des États-Unis. Mais choisiront-ils vraiment le prochain occupant de la Maison-Blanche ? Révolution permanente fait le point sur le déroulement de cette élection antidémocratique. Ivan Matewan

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La légende de la grand-messe populaire de la démocratie américaine


La légende veut que des centaines de millions d’électeurs aillent se déplacer aujourd’hui, dans la cinquantaine d’États composant les États-Unis, pour choisir le nouveau président du pays. Mais la présidentielle américaine est loin d’être la grand-messe populaire à laquelle les médias et les manuels d’histoire tâchent de nous faire croire.

Aujourd’hui, les électeurs états-uniens choisiront plutôt les 538 grands électeurs du collège électoral qui, eux seuls, ont le droit d’élire celui ou celle qui occupera la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années. Ils sont élus État par État, chacun disposant d’autant de grands électeurs qu’il possède de représentants et de sénateurs au Congrès. Ainsi, la Californie, l’État le plus peuplé, en dispose de 55, alors que les États les moins peuplés, comme l’Alaska ou le Vermont, n’en disposent que de 3.

Impliqués pour la plupart d’entre eux dans la vie politique de leurs États, ces grands électeurs sont souvent les patrons des machines politiques des Partis démocrate et républicain. Car ce sont les partis, lors de leurs conventions nationales respectives ou des primaires, qui les nomment. Et rien, dans la Constitution, ne garantit aux électeurs le droit d’élire ces grands électeurs. Elle stipule seulement que « chaque État nommera [les grands électeurs], de la manière prescrite par sa législature ».

Dans 21 États, ils ont les mains complètement libres pour choisir le candidat qu’ils souhaitent. Dans les autres États, des lois les contraignent à voter pour le candidat qui l’a emporté dans leur État, mais en théorie seulement : ces lois n’ont jamais été exécutées. À plusieurs reprises, de grands électeurs se sont trouvés « déloyaux » – votant finalement pour un autre candidat que celui pour lequel ils ont été élus – comme le grand électeur républicain Roger Mac Bride qui a finalement soutenu le candidat libertarien lors de la présidentielle de 1972. En cas de déloyauté, ils risquent davantage une exclusion de la caste politicienne qu’une peine de prison.

Le collège électoral : un rempart contre la volonté populaire

Le collège électoral est-il seulement une anomalie dans l’architecture de « la plus grande démocratie au monde » ? À en croire les « Pères fondateurs » eux-mêmes, non. Comme tant d’autres mécanismes de la démocratie capitaliste, ils ont conçu le collège électoral comme un rempart-clé contre l’expression de la volonté populaire. Une carte maîtresse que les élites pourraient jouer à chaque fois que les électeurs menaceraient, par leurs choix électoraux, la stabilité des institutions.

Dans un entretien accordé à Democracy Now à la veille de la présidentielle de 2000, l’historien de gauche radical Howard Zinn est revenu sur les débats sur cette institution anti-démocratique lors de la Convention constitutionnelle en 1787. « Quand il était question de l’élection du président », nous explique-t-il, « le débat sur les modalités électorales, la durée du mandat et la nécessité d’un vice-président était plutôt vif. À plusieurs reprises, on a proposé que le président soit élu directement par vote populaire. Ces propositions ont été immédiatement rejetées […]. Les Pères fondateurs ont décidé, par peur de ce vote populaire, qu’il ne fallait que des gens intelligents, éduqués – c’est-à-dire des personnes riches, issues de l’élite économique et politique –, que ce seraient eux qui décideraient au final. »

Si tous les États prévoient l’élection des grands électeurs par vote populaire, c’est seulement grâce aux importantes luttes pour le suffrage universel qui ont traversé les XIXe et XXe siècles, et les grands électeurs sont issus dans leur grande majorité des classes dominantes.

Un candidat qui obtiendrait la majorité du vote ce mardi, mais qui déplairait à la caste politicienne, pourrait donc très bien ne pas se voir élu par le collège électoral en décembre prochain. Ce cas de figure s’est produit à plusieurs reprises depuis l’adoption de la Constitution. La dernière fois était en 2000 lorsque le démocrate Al Gore a gagné la majorité du vote populaire. Mais, avec l’aide des amis de son père siégeant à la Cour suprême, Georges W. Bush a finalement été investi par les grands électeurs. La nature anti-démocratique de ce choix a fortement entaché le début du mandat de Bush, délégitimant en partie la fonction présidentielle et brisant un certain nombre d’illusions dans la démocrate bourgeoisie aux yeux de toute une génération de travailleurs, de jeunes et de femmes à travers le pays.


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