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Rarement le « secret des affaires » n’aura été mieux protégé

Lanceurs d’alerte, faites gaffe. Le Parlement européen vous veut du mal…

Malgré une pétition signée par plus de 500.000 personnes, la directive présentée par la Commission européenne en faveur de la protection du « secret des affaires » a été votée à une majorité de 77 %. Ironie du calendrier, le vote de ce texte, très décrié par les journalistes, les donneurs d’alerte et les chercheurs survient dix jours seulement après la révélation des « Panama papers ». Les patrons peuvent remercier les eurodéputés de leur avoir rendu la tranquillité. Claire Manor

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Une large unité en soutien des affairistes

Sourds aux arguments et aux craintes des défenseurs de la liberté d’information et d’alerte, Les 74 eurodéputés français ont approuvé le texte de la directive, à 81%. Seuls les 10 représentants d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et du Front de gauche ont voté contre. Les Républicains, l’UDI, le Modem, Génération citoyens, le Front national et le Parti radical de gauche ont voté « pour » comme un seul homme. La délégation du PS, même si elle n’a pas été unanime, a aussi largement contribué à cette forfaiture avec 8 votes favorables sur 11 présents.

Le gouvernement français aurait pourtant été bien inspiré de souffler à ses eurodéputés de prêter l’oreille aux ONG des secteurs de la santé ou de l’environnement, aux défenseurs des consommateurs, des journalistes, des lanceurs d’alerte, des chercheurs et des travailleurs, et de voter contre la directive. Mais Hollande et ses sbires patentés des institutions européennes n’en sont pas à un mensonge ou un renoncement près. Oubliés ou reniés les propos du candidat Hollande déclarant la guerre à la finance ; envolée l’indignation du président qui, il y a tout juste quinze jours, face au scandale des Panama Papers pourfendait les fraudeurs et remerciait la presse et les lanceurs d’alerte pour leur mobilisation ! Désormais les secrets seront encore mieux gardés et les donneurs d’alerte feraient bien de se tenir à carreaux.

Un arsenal de mesures dissuasives contre les informateurs

C’est à juste titre que les journalistes et les lanceurs d’alerte dénoncent les atteintes à la liberté d’expression et d’information que la directive génère en les privant de protection et en les livrant à des risques pénaux importants.

L’application de la directive suppose en effet que lorsqu’ils sont les auteurs d’une « révélation » ils doivent fournir la preuve que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation présumée du secret d’affaires ait été nécessaire à cette révélation et que le défendeur ait agi dans l’intérêt public ». Deux conditions évidemment très difficiles à prouver. C’est donc un risque important surtout si l’on considère la définition excessivement large que donne la directive du « secret des affaires » et qui permet aux entreprises d’estimer que presque tout peut relever de cette qualification.

Si la protection des découvreurs de secrets d’affaire est des plus minces les recours juridiques dont disposent les entreprises ont en revanche des contours très larges. Pour « se défendre » lorsque leurs « secrets » ont été « obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite », elles peuvent puiser dans un arsenal judiciaire incluant des mesures provisoires et conservatoires, des dommages et intérêts et des « droits au secret ».

Menaçante pour la presse et les lanceurs d’alerte, la directive peut l’être également pour les travailleurs. Un salarié travaillant dans un secteur donné, particulièrement jaloux de protéger ses secrets, évitera de rechercher un travail dans un domaine identique à son précédent emploi de peur d’être poursuivi pour utilisation de savoir-faire acquis chez son précédent employeur et de devoir en payer le préjudice. Dans la situation que connaît le marché de l’emploi, notamment en France, ce peut être un véritable frein à la recherche d’emploi.

Secrets d’affaires ou ouverture des livres de l’entreprise

Les secrets des capitalistes, qu’ils soient industriels ou financiers, continueront d’être bien gardés car c’est le masque que la bourgeoisie porte face aux travailleurs. Soit qu’on leur cache directement des menaces contre leur santé ou leur environnement soit qu’on leur dissimule les comptes et les dessous financiers des opérations de « dégraissage » et des fermetures d’entreprises, soit qu’on les tienne comme une main d’œuvre captive, tenue au secret, soit enfin que l’on protège la fraude et les évasions fiscales qui vident les caisses publiques.

Ce sont les travailleurs qui payent le prix de cette conspiration du silence. Ce sont eux qui ont le droit de savoir et d’exiger l’accès aux secrets que les patrons recèlent dans leurs entreprises et dans leurs coffres-forts. Ils ne peuvent le faire actuellement que grâce à des révélations, des fuites ou des miettes d’informations que les dirigeants leur jettent en pâture. Seule une mobilisation pour un gouvernement des travailleurs leur permettra de satisfaire leur légitime revendication d’accès à la vérité des informations dissimulées par leurs exploiteurs.


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