L’équipe de reportage de Révolution Permanente s’est rendue dans ce grand centre hospitalier de la région parisienne (environ 500 lits) où la mobilisation reste forte. Un rendez-vous était donné dans le hall principal pour un départ collectif vers 10h30 du matin. Des murs presque entièrement recouverts de photos du mouvement entouraient la grosse centaine de salariés ayant répondu au rendez-vous et n’étant pas assigné ce jeudi 25. Blouses, masques, perruques et sifflets donnaient le ton du cortège qui a défilé à travers les rues de Clichy avant de rejoindre le métro pour se rendre à la manifestation. Sur le chemin, des habitants, ainsi que le personnel et les enfants d’une école maternelle faisaient des signes d’encouragement.{{}}

Une fois arrivés à la Place des Cinq Martyrs, point de rendez-vous du personnel de l’AP-HP, l’ambiance est montée très vite. « Ni amendable, ni négociable, retrait, retrait du Plan Hirsch » était une fois de plus le slogan préféré des manifestants. Des cortèges fournis de plusieurs hôpitaux scandaient aussi des chants qui témoignaient d’un fort sentiment de solidarité et de l’absence de corporatisme : « A l’hôpital il y a trop de travail, à l’extérieur il y a trop de chômeurs, embauchez les chômeurs ! » ou encore des slogans pour l’embauche du personnel en CDD et intérimaire et pour la régularisation des sans-papiers.{{}}

A seulement quelques mètres de là, une autre manifestation avait lieu. A l’appel de la CGT, environ 1500 personnes protestaient pour la hausse des salaires. Au début, un syndicaliste de la CGT AP-HP avait annoncé au microphone que le personnel hospitalier rejoindrait la manifestation interprofessionnelle après s’être rendu devant le Ministère de la Santé. Cela ne s’est finalement pas fait, sous prétexte qu’une délégation de l’Intersyndicale était reçue par le Ministère. Après un certain temps d’attente devant le bâtiment, les grévistes de l’AP-HP se sont petit à petit dispersés. Une occasion ratée de faire converger dans la rue différents secteurs contre les politiques austéritaires du gouvernement et du patronat.{{}}

Chez le personnel hospitalier la journée d’aujourd’hui laissait tout de même un petit goût amer. Celui de ne pas savoir clairement quelles seront les suites de leur mouvement. Aucune nouvelle date n’est pour l’instant posée dans le panorama, et l’approche de l’été fait craindre une démobilisation. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne pourront pas prendre de vacances en juillet/août à cause des contraintes que leur impose leur métier. Après une aussi forte mobilisation, qui a failli mettre en péril la position de Martin Hirsch à la tête de l’AP-HP et l’a obligé à changer de tactique ces derniers jours, cela serait un certain gâchis.{{}}

Après les bruits relayés par une dépêche AFP sur le fait que la CFDT serait prête à signer le relevé de conclusions proposé par Hirsch à la suite de la négociation secrète du mercredi 17 juin (Cf article du 24 juin), les doutes planent sur l’attitude de la direction des différentes organisations syndicales face au « dialogue social » proposé par le président de l’AP-HP. Le communiqué de Sud datant du 24 juin parle « d’avancées réelles » et d’un « retour au dialogue » quoique fragile. Le communiqué ne précise pas néanmoins si l’organisation syndicale signe ou pas le fameux relevé de conclusions. La position de la CGT est quant à elle plus claire, au moins sur le papier. Un communiqué du 19 juin affirme que le syndicat « n’a donné aucun accord ni signature » sur le texte proposé par Hirsch et dit continuer « d’exiger le retrait de la réforme de réorganisation du travail sous toutes ses formes ». Il n’empêche que les prises de parole à la manifestation allaient plutôt dans le sens de « rester vigilants » pendant l’été et « repartir à la rentrée ».{{}}

Cependant, malgré la probable interruption du mouvement pendant les deux mois de l’été, Martin Hirsch ne pourra pas se priver de devoir faire avaler au personnel hospitalier la pilule d’une réorganisation du temps de travail, quoique un peu aménagée. Et les grévistes qui ont tenu pendant plus d’un mois une mobilisation exemplaire ne semblent toujours pas prêts à lâcher sur leurs acquis ni accepter une quelconque dégradation de leurs conditions de travail déjà très pénibles. Ce que démontre cette journée du 25, c’est que pour gagner, ils devront commencer à préparer dès maintenant les conditions pour une réelle convergence avec d’autres secteurs, ainsi que les moyens pour imposer - comme l’avaient fait les infirmiers grévistes en 1988 - leur volonté si la direction de certains syndicats vacille à un moment où un autre.