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Congrès du Nouveau parti anticapitaliste

« Le NPA menacé d’implosion ». A propos d’un article paru dans Le Monde

Un article paru il y a quelques jours dans Le Monde et signé Sylvia Zappi évoque une menace « d'implosion » pesant aujourd'hui sur le Nouveau Parti Anticapitaliste. Le récit qui est fait des causes et caractéristiques de la crise est marqué par une vision partiale de la situation, écartant des éléments décisifs sur lesquels nous souhaitons revenir.

Comité de Rédaction

3 août 2020

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Crédit photo : NPA

L’article, écrit à partir de la lecture d’un bulletin de débat auquel son autrice a eu accès, explique que les fortes tensions qui entourent les débats de pré-congrès du NPA seraient principalement le produit d’une « série de déconvenues, électorales et stratégiques » depuis les présidentielles de 2017 et du fait que le parti se serait « isolé politiquement en se construisant en opposition avec tous les courants de gauche ».

Nous ne savons pas si cette interprétation peut refléter chez l’autrice une forme de parti-pris, mais il est certain qu’elle est partagée par une série d’ex-membres de la LCR ou du NPA dont un certain nombre se retrouvent aujourd’hui à LFI, au PCF et même au PS. Ce type de raisonnement procède d’une logique, fondée sur les élections et le rapport à la gauche institutionnelle, qui n’est pas celle de la lutte de classe et de la perspective révolutionnaire, qui anime une grande majorité de militant-e-s du NPA. Le récit d’une opposition accusant la direction historique de « vouloir se rapprocher des amis de Jean-Luc Mélenchon et d’abandonner la ’pureté révolutionnaire’ pour un réformisme jugé coupable » offre en effet une explication sans doute commode, mais fausse et masquant l’essentiel.

Fausse, car ce n’est absolument pas ce qui est en jeu. Contrairement à ce qu’affirme Sylvia Zappi, personne n’accuse cette direction de « vouloir se rapprocher des amis de Jean-Luc Mélenchon ». Les camarades ayant été séduits par cette perspective l’ont déjà fait, dans plusieurs vagues de départ de militants et dirigeants du NPA vers le Front de Gauche, puis LFI.

Masquant l’essentiel, car la réalité est bien plus complexe. Les sources de la crise actuelle du NPA sont plutôt à chercher dans l’incapacité de son courant anciennement majoritaire à peser et se construire dans les mobilisations historiques des dernières années (mouvement contre la loi Travail sous Hollande, mouvements de la SNCF, des Gilets jaunes puis des retraites sous Macron), et plus généralement dans l’échec du projet fondateur du NPA.

Les véritables raisons de la crise actuelle

L’essentiel, dans cette situation, est d’abord que si l’ancienne direction envisage aujourd’hui la possibilité d’une scission, que certains souhaitent “amiable”, c’est parce qu’elle est devenue minoritaire à la base de l’organisation et que son bilan en tant que majorité relative issue du congrès de 2018 ne lui permet pas d’aborder le congrès à venir avec le moindre optimisme.

Ce bilan n’est pas tant celui des échéances électorales, que celui de l’intervention du parti dans les dernières séquences de la lutte des classes et face aux nouveaux phénomènes politiques qui ont pu émerger sur ce terrain. Car au-delà des interventions médiatiques souvent correctes d’Olivier Besancenot, le NPA et sa direction ont été très en difficulté pour comprendre la situation, y intervenir correctement et apparaître comme une alternative crédible aux yeux de milliers d’acteurs et actrices de ces mobilisations.

Ce bilan est moins négatif du côté des autres tendances. Aux côtés de Gaël Quirante, que l’article du Monde mentionne et qui a joué un rôle de premier plan à la tête des mobilisations des postiers et d’autres secteurs dans les Hauts-de-Seine, on y retrouve en effet la plupart des militants qui, pour reprendre l’expression de l’article, ont « de l’influence dans certaines mobilisations de la jeunesse ou dans les franges radicales du mouvement social ».

C’est notamment le cas de notre camarade Anasse Kazib, figure de proue de la lutte des cheminots contre le Pacte ferroviaire en 2018, puis de la grève historique des travailleurs des transports dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites en décembre-janvier derniers. Dans le cadre de ce mouvement, il a été de fait un porte-parole de la Coordination RATP-SNCF, qui a joué un rôle décisif pour maintenir la grève dans les transports et donc le mouvement, au moment où les directions syndicales appelaient à une trêve de fin d’année.

C’est également le cas des militants qui ont été à l’origine du Pôle Saint-Lazare, à travers l’Intergare (collectif de cheminots syndiqués et non-syndiqués issu de la bataille du rail contre le pacte ferroviaire en 2018) et ses liens avec le Comité Adama. Pôle Saint-Lazare qui a regroupé des milliers de militants du mouvement ouvrier et des quartiers populaires pour manifester aux cotés des Gilets jaunes. Une politique offensive, menée alors que les directions syndicales faisaient tout pour éviter la convergence entre le mouvement ouvrier et les Gilets jaunes, allant jusqu’à condamner « la violence » des Gilets jaunes manifestants dans un communiqué du 6 décembre, ce à quoi s’est malheureusement adaptée une partie de la direction du NPA.

Rien d’étonnant à ce que, dans ce contexte, la plupart des camarades ayant rejoint le NPA à la suite des derniers mouvements, dans les entreprises comme dans la jeunesse, l’aient fait à l’invitation de camarades membres de tendances autres que celle de la direction de l’ex-LCR.

Un grand problème de ce dernier courant est qu’il a largement perdu l’habitude de participer aux luttes avec une politique indépendante des bureaucraties syndicales et politiques, de gagner la confiance des acteurs et actrices de ces luttes par des actes militants concrets, ainsi que de proposer à ces militant-e-s de rejoindre et construire un parti défendant une alternative révolutionnaire et une perspective communiste. Ces politiques considérées comme « vieux style » ont été remplacées par l’illusion que des participations électorales avec un bon candidat déclencheraient automatiquement des adhésions (et dans les élections, des voix) au « parti anticapitaliste ».

En lien avec ce qui vient d’être dit, le problème plus général que rencontre le NPA est l’échec de son projet fondateur, basé sur ces illusions mais aussi sur des conceptions développées depuis des années par le regroupement international qui se revendique être « la Quatrième Internationale », et que la plupart des militants continuent de désigner sous son nom initial de « Secrétariat unifié » (SU). Ce projet, né au début des années 1990, consistait à construire des partis « larges », « non délimités stratégiquement », c’est-à-dire ne prenant pas clairement position entre réforme et révolution, entre réformes « progressistes » du capitalisme et renversement révolutionnaire du système dans une perspective socialiste ou communiste.

Cette politique, conduisant à divers types d’alliances avec des courants réformistes dits « de gauche », a par ailleurs conduit pour les organisations du SU à une série de catastrophes ; de la perte, au Brésil, d’une organisation (« Démocratie socialiste ») qui a soutenu et participé en 2003 au gouvernement social-libéral de Lula, jusqu’à la palinodie récente de Podemos dans l’Etat espagnol, en passant, en Italie, par le désastre de « Refondation communiste », aujourd’hui morte et enterrée.
C’est avec cette conception de construction de partis qu’il faut définitivement rompre aujourd’hui si on veut que les 12 ans d’existence du NPA puissent servir à faire avancer le mouvement révolutionnaire et ne finisse pas par un échec complet comme les expériences citées ci-dessus.

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » ?

C’est cette réalité contrastée, où les courants de la gauche du NPA avancent, recueillant les fruits de leur intervention dans la lutte de classes, tandis que le poids relatif de l’ex-majorité de la LCR diminue congrès après congrès, que la direction sortante cherche à masquer. Les manœuvres, comme la tentative d’empêcher les nouveaux militants entrés dans le parti après les derniers grands mouvements de voter pour le prochain Congrès, ou le fait de désigner des boucs émissaires et d’invoquer des prétextes - les « tendances » qui remettraient en cause les décisions prises et ne paieraient pas justement leurs cotisations – s’inscrivent dans une volonté de passer outre un véritable bilan politique du NPA, 11 ans après sa création.

Le véritable fond de cette affaire est que la majorité historique de l’ex-LCR n’est pas prête à accepter de se retrouver en minorité au sein de l’organisation dont elle a été à l’origine. Une majorité des militant-e-s est néanmoins opposée à la scission et entend bel et bien maintenir le NPA et le refonder à partir d’une analyse prenant en compte le changement radical de la situation, le retour en force de la conflictualité entre les classes et de la perspective de grands soulèvements sociaux à potentiel révolutionnaire. Autant d’éléments qui remettent en cause et exigent de préciser les délimitations stratégiques floues du projet de départ.

Ce qui est sûr néanmoins, c’est que dans les circonstances actuelles la disparition du NPA en tant qu’organisation anticapitaliste indépendante bénéficierait aux organisations de la gauche institutionnelle, en particulier LFI qui a d’ores et déjà les yeux rivés sur les présidentielles et aimerait bien pouvoir se passer d’une candidature la doublant sur sa gauche et pouvant avoir une certaine audience.

C’est la raison pour laquelle LFI, en la personne d’Adrien Quatennens, a écrit à la direction du NPA il y a quelques semaines pour lui proposer un rendez-vous afin de discuter de la prochaine élection présidentielle. Élection dans laquelle cette organisation pense pouvoir amener Mélenchon au deuxième tour, en misant sur un « ticket d’accès » au second tour qui serait plus bas qu’en 2017.

Préserver le NPA et le transformer en un outil pour construire un grand parti révolutionnaire

A l’inverse de cette logique de scission et de division, aboutissant à un petit parti quasiment sans implantation dans le mouvement ouvrier, voire à la disparition pure et simple du NPA, la situation politique devrait pousser les anticapitalistes à une toute autre logique. Dans cette nouvelle situation marquée par un regain de la lutte de classes à l’échelle internationale, où va se livrer une bataille acharnée pour savoir qui va payer les frais de la crise sanitaire et économique, où les partis institutionnels trouvent de moins en moins de crédit auprès des masses et où, par différents canaux, émerge l’urgence d’en finir avec cette société capitaliste, raciste, patriarcale et destructrice de l’environnement, l’existence d’organisations anticapitalistes et révolutionnaires indépendantes va être plus que jamais un facteur décisif.

Cela ne veut pas dire que le NPA soit parfait, loin de là, mais il peut devenir un outil pour la recomposition d’une extrême-gauche de combat pour un grand parti révolutionnaire, nourri par militants issus de différentes traditions et par des milliers de travailleurs et de jeunes qui se sont éveillés politiquement dans le cadre des dernières mobilisations. Pour “peser” non du côté de la LFI et de EELV, mais de celui des travailleurs en lutte et de leurs intérêts, pour le renversement du système capitaliste et une société sans exploitation ni oppression.

Loin de proposer la simple poursuite des « débats entre tendances », vus comme responsable de la crise du NPA, nous pensons qu’une période de lutte de classes comme celle qui s’est ouverte depuis 2016 offre une nouvelle perspective pour la construction d’un grand parti révolutionnaire en France. Celle de « prendre à témoin » les différents secteurs et militants qui ont courageusement relevé la tête dans les mobilisations de ces dernières années, en ouvrant les portes du parti (plutôt que de les fermer) pour discuter des bilans stratégiques des luttes récentes et des possibilités de refondation d’une extrême gauche anticapitaliste et révolutionnaire à la hauteur de la situation.

C’est en tout cas le pari politique que les militants du NPA – Révolution Permanente entendent défendre aux côtés de d’autres tendances du parti, lors du prochain congrès et au-delà.


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