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Crise au Burundi

Le bras-de-fer entre Nkunrunziza et l’opposition continue

Gaëtan Gorritxo Depuis fin avril, la contestation contre un troisième mandat de Pierre Nkurunziza fait rage au Burundi, notamment dans plusieurs quartiers de la capitale Bujumbura, gagnés à l’opposition. La répression a fait plus de quarante morts, des centaines de blessés et a donné lieu à plus de mille arrestations. Les opposants plaçaient beaucoup d'espoir dans le sommet des Etats de l'Afrique de l'Est du 31 mai, organisé sous la houlette de l’ONU. Mais c’est finalement un simple report des élections qui a été préconisé, ce dont se satisfait pleinement le gouvernement en place qui table sur un essoufflement de la contestation.

3 juin 2015

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Dimanche 31 mai avait lieu à Dar-Es-Salaam, en Tanzanie, une rencontre entre les principaux chefs d’Etat d’Afrique de l’Est au sujet de la crise burundaise. Face à l’entêtement de Nkurunziza, qui avait par ailleurs décliné l’invitation, l’opposition burundaise espérait que la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est allait prendre position contre un troisième mandat, anticonstitutionnel. Pourtant, c’est une non-décision qui en ressort, avec un report des élections de six semaines, couplé à une simple recommandation d’organiser un « scrutin libre et démocratique », alors que tous les jours les opposants se font emprisonner, voire assassiner.

Un scrutin libre ?

Pendant plus d’un mois de mobilisation, Nkurunziza a interdit les manifestations puis les a durement réprimé, faisant plus de quarante morts, dont un leader de l’opposition. En parallèle, l’exécutif a fermé les médias privés, ce qui permet au seul Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir depuis 2005, de mener campagne. Alors que près de 200.000 Burundais ont fui le pays, à la suite de la tentative ratée de coup-d’Etat par une fraction de l’armée le 13 mai, le gouvernement a fait monter d’un cran encore la répression, assimilant opposants et putschistes, passant ainsi des armes anti-émeutes aux kalachnikovs.

Mais même si le président arrivait à être réélu, les difficultés n’en resteraient pas moins grandes pour le CNDD-FDD. Avec ce passage en force et les mobilisations, l’assise sociale du régime ne cesse de s’éroder. Dernier exemple en date, la vice-présidente a quitté la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante, censée préparer des élections démocratiques). Les églises protestantes et l’Eglise catholique, puissance importante dans le pays, ont emboîté le pas, ne pouvant continuer à risquer de cautionner ce qui n’est qu’une mascarade démocratique.

En dépit de la répression et malgré les illusions entretenues par les leaders de l’opposition vis-à-vis du dernier Sommet de Dar-Es-Salaam, même si les manifestations ont faibli ces derniers jours et que la base de l’opposition est amère, nombreux sont ceux qui déclarent continuer à être « prêts à mourir pour éviter un troisième mandat ».

De la crise politique à la crise sociale ?

Si l’exécutif est fragilisé, il est aussi lâché par une partie de la communauté internationale, sur fond de dissensions entre impérialistes dans la région, notamment entre Etats-Unis (auxquels Nkurunziza est très lié) d’un côté, et Belgique et France, de l’autre. La Belgique, premier bailleur de fonds du pays (47 millions d’€ en 2013), et l’UE, ont déclaré suspendre leur « aide financière » et la coopération policière, notamment pour la tenue des élections à venir. Ces crédits représentent plus de 50% du budget burundais.

Le 21 mai, Nkurunziza a signé un décret débloquant 25 millions d’euros pour la tenue des élections, augmentant le déficit de presque 15 millions, et puisant dans les budgets de différents ministères pour le reste. Outre le possible départ du FMI et de la Banque Mondiale, cette dynamique pourrait tendre à terme vers une crise plus sociale, poussant la base de l’opposition à dépasser le terrain politique de revendication d’un respect de la Constitution et des accords d’Arusha qui ont mis fin à la guerre civile (1995-2003) dans ce pays qui est parmi les plus pauvres d’Afrique. Un préavis de grève a d’ailleurs déjà été déposé par les enseignants, qui n’ont toujours pas touché leur salaire.

L’espoir des manifestants se tourne aussi vers l’extérieur. En effet, d’autres pays pourraient connaître des contestations similaires contre des autocrates indéboulonnables, comme au Togo, au Bénin, au Mali, voire au Rwanda voisin dans lequel Paul Kagame pourrait briguer lui aussi un troisième mandat et absent, lui aussi, au sommet est-africain. Au Burkina Faso, la contestation populaire a renversé Compaoré et ses vingt-sept années de règne, et les courants d’opposition, réunis au sein du Balais Citoyen, ont d’ailleurs manifesté le 7 mai dernier en solidarité avec le Burundi mobilisé.

01/06/15


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