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PRIMAIRE A GAUCHE ? UN COUP DE POKER POUR HOLLANDE

Le candidat Hollande avait promis une primaire à gauche pour 2017. Le boomerang peut lui revenir en pleine figure

En 2011, Hollande avait promis, s’il était élu président, une primaire à gauche pour les élections de 2017. Bien qu’il ait encore un an devant lui pour espérer redresser sa catastrophique cote de popularité avant les présidentielles, la question de sa candidature fait dès maintenant débat dans son camp et risque de compromettre, dès l’automne prochain, toute chance pour lui de se représenter. Avancé comme un acte de démocratie, le recours aux primaires est avant tout, pour les partis potentiellement majoritaires, un outil pour régler les comptes au sein de leur mouvance et pour écarter de la campagne les partis de moindre influence électorale. Claire Manor

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Un président sortant soumis à une primaire

Dans une interview accordée au Parisien en octobre 2011, en pleine campagne électorale, Hollande s’était engagé à ce qu’une primaire soit organisée avant d’envisager sa candidature à la réélection en 2017. Il avait fondé son engagement sur le fait que « c’est un principe désormais inscrit dans le temps et l’espace politique ». Et d’ajouter : « Nicolas Sarkozy devrait se l’appliquer, mais il ne serait pas sûr d’être désigné. Je comprends sa prudence… ». Ironie qu’il serait possible de lui retourner aujourd’hui et dont ne se prive pas « la droite ».

« Une primaire à gauche ? » déclare Dominique Bussereau, supporter de Juppé, « ce serait une humiliation pour François Hollande ». Chez Les Républicains, la règle est gravée dans les statuts du parti ; il n’est pas organisé de primaire lorsque le président de la République en est issu et se présente comme candidat à un second mandat. L’animateur du comité d’organisation de la primaire de la droite et du centre est très clair : « Si le président sortant se présente c’est qu’il considère qu’il a fait du bon boulot. Si sa majorité veut lui imposer une primaire, c’est qu’elle n’en est pas convaincue ».

La vanne contre Hollande est lancée et la primaire s’organise à droite. Les candidats sont d’ores et déjà en lice avec un Juppé qui, pour l’instant, caracole en tête avec 45 % devant Sarkozy, 16 %, puis François Fillon et Bruno Lemaire. Les dates des primaires sont, depuis plusieurs mois, fixées au 20 et 27 novembre 2016.

Mais dans le camp de « la gauche » l’heure est encore aux hésitations et Jean-Christophe Cambadélis, porte-parole du PS se refuse, pour l’heure, à valider officiellement et le principe et les dates retenus pour les primaires à gauche. L’organisation pratique de la primaire demandant un délai de près d’un an, il ne reste pas beaucoup de temps pour les tractations dans les couloirs au sein du PS et en dehors, notamment en direction d’Europe Écologie les Verts.

Une pratique pseudo démocratique à l’américaine

Le candidat Hollande justifiait en 2011 sa promesse en disant que les primaires étaient désormais inscrites « dans l’espace et le temps ». Il pensait, bien entendu, principalement aux États-Unis. Les primaires sont, en effet, une spécialité d’outre-Atlantique où elles permettent, comme nous venons de le voir récemment, de sélectionner un candidat à l’élection à la Maison-Blanche au sein de chacun des deux camps, Républicains et Démocrates. Passée en vogue en France, la primaire tend à se substituer au système traditionnel en vigueur dans la plupart des pays européens, qui consiste à faire choisir le porte-drapeau d’un parti (ou d’une coalition de partis) par ses instances régulières.

Cette méthode apparaît formellement plus « démocratique » dans la mesure où elle est censée favoriser l’implication directe de la base. Proche, dans cet esprit, de toutes les formes « citoyennes » et référendaires, elle accompagne parfaitement des institutions où le pouvoir présidentiel et l’alternance au sein d’un bipartisme bien huilé sont dominants, comme c’est le cas aux États-Unis et comme ça l’a été durant les dernières décennies en France.

C’est la principale raison pour laquelle, poussée en outre par des médias toujours friands de décrier la multiplicité des « petits candidats », cette pratique des primaires à gauche et à droite séduit une grande partie de l’opinion publique. Selon un récent sondage pour Le Parisien, sept Français sur dix sont favorables à des primaires.

Mais de fait, la pratique des primaires en France, associée aux nouvelles dispositions en vigueur pour le recueil des signatures et pour les temps de passage dans les médias télévisuels, a pour effet d’écarter, de manière encore plus drastique qu’auparavant, les partis non institutionnels. Ce faisant, elle ferme le débat démocratique pour lequel la campagne des présidentielles représente toujours un temps fort et l’occasion, pour toute une partie de la population, d’accéder à des informations, des idées et des programmes qu’elle n’entend jamais dans les médias.

C’est la raison pour laquelle ni Lutte ouvrière, ni le NPA, n’ont envisagé de participer à une éventuelle « primaireà gauche » et ont désigné leurs candidats respectifs, Nathalie Artaud et Philippe Poutou.

Les chances des candidats en lice pour la primaire à gauche

« L’appel pour une primaire à gauche », lancé par des intellectuels et des élus, a été publié en janvier par Libération. Cette initiative fait écho aux sondages qui se montrent favorables aux primaires aussi bien à gauche qu’à droite en mettant en avant le fait qu’elles sont utiles à la vie politique française. Cependant, plus d’un Français sur deux (55 %) disent à contrario que les primaires ont tendance à diviser chaque camp en raison de l’affrontement entre les candidats. Dans la période de crise que connaît actuellement le gouvernement, nul doute en effet que la primaire ne divise encore plus les rangs d’un PS déjà traversé de violentes dissensions. D’autant que, d’après les sondages, le président sortant, avec pour le moment un score de 9 %, serait largement distancé par deux challengers au coude à coude, Emmanuel Macron avec 24 %, et Manuel Valls avec 23 %.

Si on projette la situation actuelle à quelques mois, la primaire à gauche risque fort d’être un « Hollandexit ».

Désireux de creuser l’écart en sa faveur et de prendre ses distances par rapport au gouvernement et à son triste bilan, Emmanuel Macron a annoncé, mercredi 6 avril à Amiens, la création d’un nouveau mouvement politique nommé « En marche » qui, « à mi-chemin du laboratoire d’idées et du parti politique », ne sera « ni à droite ni à gauche ». Même s’il se défend d’avoir pour priorité aujourd’hui une candidature aux présidentielles, et qu’il affirme que la double appartenance avec le PS est possible, il est assez clair que ce nouvel espace politique constitue pour lui une rampe de lancement. Participera-t-il aux primaires à gauche ? Son positionnement officiel sur l’échiquier politique « ni de droite ni de gauche » tend plutôt à annoncer que, s’il en a les moyens, il fera cavalier seul. Tout comme Mélenchon qui, « à la gauche de la gauche », a décliné toute perspective de participer à une primaire, se gardant les coudées franches pour un projet à sa façon très « national-républicaine ».

Hormis Pierre Laurent qui s’est dès le début déclaré ouvert et « prêt à tout discuter », il ne reste plus beaucoup de ténors pour répondre à « l’appel pour une primaire à gauche ». Jean-Christophe Cambadélis est missionné pour aller chercher un accord du côté des Verts qui restent susceptibles d’y participer. Le PS et EELV se sont donc livrés séparément, ce week-end, à un remue-méninges sur la primaire des gauches. À l’issue de ces travaux, Cambadélis déclare : « Nous allons dire que nous sommes pour la primaire sans préalable avec des modalités d’organisation et des délais permettant à tous de concourir ». Chez les Verts, très désunis sur la question, le secrétaire national d’EELV explique : « Nous allons voter une motion qui sera le cahier des charges pour la primaire ». Un processus dont les chances d’aboutir sont bien minces.

En dernière instance, le Medef choisira son poulain

Quoiqu’il en soit, primaire ou pas primaire, primaire restreinte ou ouverte, ce qui est sûr c’est que le Medef veille au grain sur le processus électoral. De même qu’il dispute âprement les maigres concessions que le gouvernement tente d’apporter au projet de loi El Khomri et sort l’arme du chantage sur les indemnités de chômage, de même il surveille le déroulement du processus électoral pour s’assurer que le candidat qui sortira des urnes sera bien le mieux à même de mettre en place un gouvernement XXX-Medef. Grâce à l’influence et au contrôle qu’ils exercent sur les médias, les relais d’opinion, les relais du pouvoir économique et financier, le patronat et ses organes de représentation sont toujours ceux qui choisissent le candidat susceptible de représenter directement leurs intérêts de classe. De toute évidence, Hollande est trop affaibli pour tenir ce rôle. Juppé pourrait sans doute représenter la moins mauvaise solution, mais il n’est pas dit qu’un Emmanuel Macron, dont le profil conviendrait assez bien à la bourgeoisie et dont les projets de loi ont d’ores et déjà donné des gages au Medef, puisse recueillir le soutien du patronat pour peu qu’il gagne encore un peu en puissance.

Mais toutes ces hypothèses sont sans compter avec l’essentiel, ce que la rue, les manifs, les grèves, l’irruption d’un mouvement social et politique puissant risquent de venir bousculer dans le train-train électoral.


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