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Répression néo-coloniale

Le gouvernement envoie des blindés pour briser la grève générale à Mayotte

Yano Lesage Voilà près de deux semaines que les îles de Mayotte connaissent un mouvement de grève générale : artères bloquées, économie paralysée, les syndicalistes de la fonction publique et du privé se battent pour exiger les mêmes acquis sociaux que les travailleurs de métropoles ! En effet, ce territoire devenu récemment département français, jouit d'un statut d'exception avec la non application du code du travail, qui tout en ne le défendant pas en tant que tel, relègue et maintient la population dans un statut de subalterne. Deux semaines de grève générale, mais dans un silence médiatique assourdissant. Il aura fallu la montée du mouvement de grève devenant insurrectionnel pour que les médias s'emparent du sujet. Bien évidemment pour condamner les violences et justifier la répression d'Etat qui a décidé d'y envoyer renforts de gendarmes et véhicules blindés. Vraiment, il est fini le temps des colonies ?

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Rétablissement de l’ordre et négation du mouvement social

« Je comprends que les gens s’impatientent, mais il faut qu’ils se disent que le code du travail ne va pas sortir de terre cette nuit  », a martelé George Pau-Langevin, ministre des Outres mers sur le journal de France Ô mardi soir. « Dans un premier temps il faut qu’il y ait rétablissement de l’ordre. ».
Mais la mobilisation non plus n’a pas surgi du jour au lendemain. Si depuis 15 jours, le pays connaît un mouvement de grève générale sans commune mesure, voilà plusieurs mois que la situation sociale et économique est critique. Déjà, en novembre dernier, un premier mouvement de revendications visant à l’application du code du travail avait surgi, coupé court par les attentats de novembre et l’état d’urgence militaire imposé par le gouvernement. L’état d’urgence économique et social réclamé par la population, à l’appui duquel une pétition signée par près de 10% des mahorais a été adressée à l’Elysée en février dernier, n’a pas été entendue, ni écoutée. Il faut rappeler qu’à la suite du référendum de mars 2009 l’archipel de Mayotte est devenu le 101ème département français. Alors voilà près de 7 ans, que les droits et libertés démocratiques afférentes à ce nouveau statut n’ont pas été accordés. Le gouvernement français, en refusant de donner suite aux revendications, souhaite-t-il maintenir un Code de l’Indigénat digne de la colonie ?

Aux vues des déclarations de la ministre pour le gouvernement l’urgence est ailleurs. « Des renforts sont prévus pour se rendre là-bas. J’ai rendez-vous demain matin à 8h avec le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve pour examiner la situation et définir un plan pour voir comment déployer les forces de l’ordre à Mayotte. » En attendant, la police et la gendarmerie ont engagé des blindés. Des hélicoptères ont été déployés pour patrouiller. Le rectorat a pris des mesures de confinement des élèves dans les écoles encore ouvertes. Mesures sécuritaires à tout va, usage de la répression pour faire taire la contestation, et la communication gouvernementale fait tout pour mettre « les violences » de la population en exergue, prenant soin de taire la violence sociale que subissent les mahorais, et celle commise par les forces de répression.

Face à une situation économique et sociale critique, le gouvernement tape sur l’immigration

Pis, toujours au premier rang pour reprendre la propagande haineuse du Front National, le gouvernement insiste sur le « problème » migratoire, qui selon lui expliquerait les violences en marge des manifestations et les agressions sur les biens et les personnes.

L’archipel compte une population jeune (un habitant sur deux a moins de 17 ans), et cette jeunesse est largement laissée à l’abandon. D’abord, une jeunesse mineure et immigrée, laissée sans ressources et au dépourvu, sans leurs parents renvoyés dans les pays d’émigration. « C’est un problème complexe car un certain nombre de personnes étrangères reconduites à la frontière laissent des enfants à la garde de la famille proche ou éloignée » explique la ministre. De là à remettre en cause la politique anti-migratoire de reconduite à la frontière... la solution gouvernementale penche davantage vers un renforcement du dispositif de contrôle.

De plus, il faut noter un manque cruel d’encadrement de la jeunesse et de structures socio-éducatives : un jeune sur trois n’a jamais été à l’école, et les manques de moyens s’y font cruellement sentir. En somme, l’Etat débourse 4 300 euros par élève en école élémentaire à Mayotte contre 7 400 en métropole, rappelle un syndicaliste Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental SNUipp/FSU, au Parisien.

L’archipel fait également face à un chômage de masse qui mine la jeunesse ; et avec des salaires qui restent en deçà de la métropole, profitant ainsi d’une main d’œuvre qu’elle veut docile, alors même que la population fait face à une situation économique et sociale désastreuse.

« Chaque jour qui passe est un jour où la situation de Mayotte se dégrade tant en matière d’insécurité, d’instruction, d’accès aux soins,… (…) Nous ne pouvons plus accepter, Monsieur le président, de voir ces milliers d’enfants errer dans nos rues, dans nos villages visitant les poubelles afin de pouvoir se nourrir et pour d’autres participer à des actes de délinquances quotidiens très certainement pour les mêmes fins », pouvait-on ainsi lire dans une pétition signée par plus de 12.000 personnes fin février.

Les salariés grévistes ont d’ailleurs apporté une juste réponse à la stigmatisation des violences faites dans la presse. Non seulement ils revendiquent les même acquis sociaux qu’en métropole, à travers l’application du code du travail et des conventions collectives, l’alignement des prestations sociales au même niveau que la métropole, mais également la construction de nouvelles infrastructures scolaires et de santé. De plus, ils joignent leurs revendications à celles qui résonnent sur les pavés en métropole en exigeant la fin du projet de loi El Khomri.

En août 2014, le président Hollande s’était rendu à Mayotte pour « aller au-delà de la départementalisation » et « assurer le développement économique de cette partie de notre territoire », et Manuel Valls d’ajouter en juin dernier « Mayotte c’est pleinement la France ». Chiche, peut-on leur répondre ! Pour l’instant, la méthode de la répression est plus néo-coloniale que jamais !

En attendant, à nous de construire l’unité avec les mahorais, dans la rue, dans les manifestations contre la Loi Travail, en soutenant la lutte du peuple de Mayotte, et leur grève générale, tout en dénonçant l’intervention néocoloniale et la répression du gouvernement. C’est aussi par nos luttes, contre Hollande et sa loi Travail, en construisant la grève générale et en le faisant reculer définitivement, que nous pourrons exprimer aussi notre solidarité au peuple de Mayotte.


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