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Centenaire de l’indépendance de la Pologne

Le gouvernement et les fascistes marchent l’un derrière l’autre à Varsovie regroupant 200 000 personnes

Si le 11 novembre correspond à l’armistice de la Première Guerre mondiale, cette date correspond aussi à l’indépendance retrouvée de la Pologne. Depuis 2009, c’est un jour de démonstration de groupuscules fascistes. L’année dernière, ils étaient 60 000 à défiler à l’appel de l’extrême droite. Cette année le gouvernement réactionnaire du PiS a défilé aux côtés des fascistes, rassemblant 200 000 personnes à Varsovie. Dans le reste du pays des rassemblements ont eu lieu majoritairement à l’appel des fascistes.

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Crédit photo : Janek Skarzynski / AFP

Il y a 100 ans, la Pologne devient indépendante et écrase les conseils ouvriers

Le 9 novembre 1918, avec la révolte des marins et la mise en place de conseils ouvriers et de soldats, le Kaiser Guillaume II abdique. Le 11 novembre, l’armistice est signé. Le même jour à Varsovie, Piłsudski est nommé commandant en chef des forces polonaises par le conseil de Régence et doit former un gouvernement. Il proclame l’indépendance de la Pologne.

Alors que la révolution prolétarienne se développe dans la toute nouvelle République de Weimar et que les Bolcheviks doivent faire face à l’avancée de Koltchak, qui dirige les armées blanches, vers Moscou et le débarquement des puissances impérialistes comme la France, les Polonais se soulèvent à Poznań. De la fin 1918 à juin 1919, dans toute la Pologne se développent des conseils ouvriers. Dans le bassin minier de la Voïvodie de Silésie, où une grande grève éclate en mars 1919 une Garde rouge est créée. Conseils ouvriers et Garde de rouge sont combattus par le gouvernement polonais. En même temps, dès février 1919, Piłsudski rentre en guerre contre le jeune État soviétique.

Le tout récent État polonais bénéficie de l’aide considérable des puissances impérialistes, en particulier de la France. Le but étant d’une part de détruire le pouvoir soviétique acculé et d’assurer l’existence de la 2ème République polonaise bourgeoise.

La paix de Riga est signée le 18 mars 1921. La Pologne en sort vainqueur et obtient un élargissement de ses frontières à l’Est. L’indépendance polonaise se fait historiquement à la fois contre l’Allemagne et la Russie tsariste mais également par la suite contre les communistes et les ouvriers organisés. La victoire du nationalisme polonais est fatale pour le mouvement ouvrier polonais avec la dictature militaire de Piłsudski, mais également pour le développement de la révolution vers l’Allemagne.

Pour les puissances impérialistes que sont la Grande-Bretagne et la France, la Pologne leur permet de cerner les Empires centraux et d’avoir un État frontalier à la Russie soviétique pour l’attaquer sur un front supplémentaire. L’Histoire montre que les puissances impérialistes n’ont jamais eu de scrupules à utiliser la Pologne ou n’importe quel pays d’Europe centrale pour servir leurs desseins (après 1918 pour encercler l’Allemagne et l’Autriche). Ainsi, en 1938, ils laissent Hitler réaliser l’Anschluss, lui offrent les Sudètes puis en 1939 le laissent envahir la Tchécoslovaquie et la Pologne. Le traité de Yalta verra la frontière polonaise déplacée vers l’Ouest.

Affiche de propagande de la guerre soviéto-polonaise. A gauche une affiche soviétique de 1920 « Voilà comment mettre fin aux idées des maîtres. Longue vie à la Pologne soviétique ! ». A droite affiche polonaise de 1920

200 000 personnes à Varsovie derrière le gouvernement réactionnaire et les fascistes

100 ans après la proclamation d’indépendance, les Polonais sont descendus en masse dans les rues pour fêter cet anniversaire. Depuis 2009, en Pologne, ce sont les groupes d’extrême droite et fascistes qui appellent à défiler. L’an passé, ils étaient 60 000 à répondre présent. Cette année, ils étaient 200 000.

Cela s’explique de notamment par l’appel du gouvernement à manifester. En effet, le rassemblement et la manifestation appelés initialement par l’Obóz Narodowo-Radykalny (ONR) et La jeunesse de la Grande Pologne, deux groupes fascistes, ont été refusés par la mairie de Varsovie. C’est la maire Hanna Gronkiewicz, membre de la Plate-forme civique – parti libéral de centre droit opposé au Parti droit et justice (PiS) au pouvoir –, qui a décidé le 7 octobre dernier d’interdire la marche notamment par manque d’effectif policier pour encadrer la manifestation. En effet, les policiers se sont mis en congés maladie, une protestation pour exiger une augmentation de salaire, mais il ne faut pas exclure le soutien des organes de répression aux idées fascistes.

Devant cette interdiction, le PiS a volé au secours des groupes fascistes. Une manière d’une part de faire une démonstration après les élections locales d’octobre mais surtout de récupérer l’événement.

Jeudi dernier, c’est le tribunal de Varsovie qui a cassé l’interdiction prononcée par la mairie. Lorsque l’on sait qu’avec les réformes de la justice, les tribunaux sont à la solde du pouvoir, on comprend pourquoi la justice a rapidement donné raison au PiS en autorisant la marche. Problème, le tribunal a de fait autorisé la manifestation fasciste. Alors que ces derniers s’étaient entendus avec le gouvernement pour défiler ensemble avec seulement des drapeaux blancs et rouges, ils ont décidé de marcher séparément.

Relégués 1 kilomètre plus loin, les fascistes ont pu défiler avec leurs drapeaux verts phalangistes, encadrés par l’armée faute de policiers. Comme chaque année, des groupes d’obédience fasciste venus de l’Europe entière se sont joint au cortège. A l’exemple du groupe italien Forza Nuovo ou néerlandais Identitair Verzet, ils sont venus apporter « leur soutien » aux Polonais. Ainsi, on peut lire dans la Tribune de Genève, « Nous sommes une cinquantaine et nous sommes venus parce que nous partageons les mêmes valeurs, la religion catholique et les valeurs nationales », a déclaré Salvatore Ferrara, un responsable de Forza Nuova. Ils sont venus, « soutenir le fier peuple polonais qui défend ses valeurs nationales » explique un Néerlandais.

Cortège de l’ONR crédit photo : PAP / Radek Pietruszka

Le PiS donne de la légitimité aux groupes fascistes

On sait que le PiS est un parti ultra-conservateur, qu’il n’a de cesse d’attaquer les droits des femmes, des ouvriers, qu’il s’attaque à l’indépendance de la justice et à la liberté de la presse, mais avec son pari de récupération politique de la « Marsz Niepodległości », il a donné une légitimité aux rassemblements fascistes. En effet, un kilomètre devant ces groupes, on pouvait voir Andrzej Duda, le président polonais, Mateusz Morawiecki, le Premier ministre, et Jarosław Kaczyński, président du PiS.

Une présence inédite des représentants de l’État. Andrzej Duda a eu beau jeu d’expliquer que « cette marche devrait unir tous les Polonais. », l’opposition n’a pas daigné venir à ce rassemblement nauséabond. Donald Tusk, Président du Conseil européen et membre du parti Plate-Forme civique, et qui vise la présidence pour les prochaines élections, est quant à lui allé déposer une gerbe au pied du monument en l’honneur de Piłsudski, sur la même place où a été inauguré il y a quelques jours la statue en l’honneur de l’ancien président et frère jumeau de Jarosław Kaczyński, Lech Kaczyński, mort en 2010 dans un accident d’avion alors qu’il se rendait aux commémorations du massacre de Katyń orchestré par le NKVD sur ordre de Staline. La statue plus imposante et plus haute que la statue de Piłsudski est dénoncée comme un « culte de la personnalité ».

Jarosław Kaczyński le 11 novembre crédit photo : PAP

Les groupes fascistes ont le vent en poupe en Pologne

Les journaux en France ont souligné le fait qu’il n’y ait pas eu de chants racistes, antisémites et xénophobes comme l’an passé. Pourtant les journaux polonais ont remonté de graves débordements. Comment si cela avait pu ne pas être le cas avec l’ONR, la Jeunesse de la Grande Pologne et les Chevaliers du Christ-Roi. L’ONR et la jeunesse de la Grande Pologne ont été bénis dans des églises polonaises. Les militants qui ont organisé des contre-manifestations ont reçu des projectiles. Il y a eu au moins 3 blessés, des drapeaux européens ont été brûlés. Un journaliste de Wyborcza a été agressé et les fascistes ont tenté d’effacer les images qu’il avait prises.
Parmi le cortège fasciste on a pu une fois encore entendre « Prends la faucille, prends le marteau, cogne sur les rouges gauchos », « Dieu, honneur, patrie ». Dans la Dépêche on peut lire les déclarations d‘un membre de la secte ultra catholique d’extrême droite les Chevaliers du Christ-Roi : « Je suis venu de Gdynia pour dire à tous ces gauchistes de Varsovie que la Pologne, ce n’est pas eux, c’est nous ».
A Wrocław, 10 000 personnes se sont rassemblés autour de l’appel de Piotr Rybak, militant d’extrême droite qui a été condamné pour avoir brûlé un pantin « représentant un juif ». Des banderoles ont été déployées où on pouvait y lire "Mort aux ennemis de la patrie" et "Vie et mort pour la nation" avec le signe de la croix celtique.

Cette année, les contre-manifestations ont été moindres. Le fait que les cortèges fascistes soient gonflés par le soutien direct du PiS est un signe plus qu’inquiétant pour la Pologne. Si les fascistes ne sont pas encore une menace électorale, ils sont par contre en train de prendre une place prépondérante dans la société polonaise, en premier lieu à cause du gouvernement du PiS toujours plus réactionnaire et qui attaque de plus en plus les libertés fondamentales en jouant la carte du nationalisme contre l’UE libérale et la Russie présentée comme l’ennemi historique du peuple polonais. A quelques mois des élections européennes, la récupération du 11 novembre permet au PiS d’affirmer ses positions eurosceptiques, quitte à s’acoquiner ouvertement avec les fascistes.

Des Chevaliers du Christ-Roi crédit photo : PAP / Rafał Guz


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