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Dégraisser le « pachyderme préhistorique »

Le rentrée selon Blanquer : des profs plus performants

En cette rentrée 2018-2019, Blanquer martèle sa conception néolibérale de l'école sur tout les fronts. Du primaire au lycée, les réformes pleuvent en tout sens depuis l'évaluation à tout va des élèves jusqu'à la mise en place du lycée modulaire et de nouveau bac. Toutes ces modifications font système et convergent vers un même point : casser le service publique pour, sous couvert d'une culture de la « performance », l'adapter aux exigences du patronat.

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Vers la « culture de l’évaluation »

Blanquer est ravi de nous présenter une rentrée « sous le signe du bonheur et des efforts ». Du bonheur, il est peu sûr qu’il en ait beaucoup donné à tous les élèves broyés par Parcoursup ainsi qu’aux enseignants qui voient poindre la mise en concurrence de leurs disciplines dans le nouveau lycée modulaire à venir. Des efforts, il est sûr qu’il va en demander aux personnels éducatifs afin de réussir à garantir un service authentiquement publique alors même que la « culture de l’évaluation » fait son entrée en cette rentrée 2018-2019.

Les évaluations, Blanquer n’a que cela à la bouche. Après le CP et la 6e, c’est au tour du CE1 et de la seconde de voir s’instaurer un système d’évaluation pour tous les élèves soi-disant pour leur « venir en aide » et non les « pénaliser », comme il le souligne dans un entretien accordé au Monde. Mais, dans le même temps, c’est la normalisation de cette culture de l’évaluation permanent que le ministre de l’éducation nationale veut instituer dans l’ADN même d’une école publique qui commence à ressembler de plus en plus à une entreprise privée. Le nouveau bac prévu pour 2021 comportera lui aussi plus d’une vingtain d’épreuve réalisées en contrôle continu. Ainsi, Blanquer soutient qu’à l’avenir « cela deviendra une habitude de recevoir le bilan de son enfant, comme c’en est une de faire la photo de classe ».

Vers une libéralisation de l’Education nationale

De l’évaluation des élèves, il n’y a qu’un pas vers celle des établissements et des personnels. C’est d’ailleurs ce que le Snuipp-FSU, premier syndicat dans le primaire, lui oppose lorsqu’il met en avant son inquiétude face à cette « culture de l’évaluation qui va de pair avec une mise en concurrence des écoles », quoi qu’en dise le ministre. En effet, la rentrée s’effectue sous le signe de la création prochain en janvier 2019 d’une instance d’évaluation des établissements scolaires que Blanquer conçoit comme une alternative aux études PISA dans lesquelles les inégalités structurelles du système éducatif français sont systématiquement pointées du doigt. Cette instance pourrait fixer des « contrats d’objectifs » aux établissements et donner lieu à des gratifications collectives pour les équipes qui font progresser leurs élèves. C’est ni plus ni moins que l’introduction de l’exigence de performance dans l’éducation nationale et une mise en concurrence des établissements et des personnels d’éducation.

Dans le même ordre d’idée, l’ouverture du recrutement pour des postes à profil pour les chefs d’établissements, dans la logique d’autonomie des établissements, mène directement à la casse du statut de fonctionnaire et à la contractualisation générale voulue par le projet de réforme de la fonction publique de CAP22. Cette logique managériale de mise en concurrence des enseignants s’incarne dès cette avec la prime de 1000 euros versés aux personnels travaillant en REP+ mais qui pourrait l’an prochain être conditionné à « la réalisation d’un projet collectif d’établissement » comme l’a souligne Edouard Geffray, le directeur général des ressources humaines au ministère.

L’offensive de Blanquer pour mobiliser les professeurs au projet macroniste
Avec cette culture de l’évaluation et de la concurrence, pendant de l’idéologie méritocratique au cœur du projet du Ministre de l’Education, Blanquer tente aussi de ré-agréger les professeurs à la base sociale de Macron, la plupart n’était pas hostile par principe à l’idée d’une rémunération individualisée . En effet, emprise de l’idéologie du « mérite », restauration de l’autorité, ont été des points qui ont pu accrocher une certaine partie des profs, d’autant plus que les réformes en cours – à l’exception de l’augmentation de la CSG – n’ont pas réellement touché aux conditions matérielles des enseignants (ou du moins ne se font pas ressentir pour l’instant). L’objectif de la « rémunération au mérite » qui est inscrit à l’agenda de la réforme de la Fonction Publique pourrait également en satisfaire certains et insérer un peu plus un secteur des enseignants dans la base sociale macroniste.

Pourtant, cet objectif de ralliement des professeurs au macronisme, mené sous l’offensive du mérite et de l’individualisation des performances et des rémunérations, s’annonce beaucoup plus compliqué avec le chantier de la réforme des retraites. En effet, tandis que la base sociale du gouvernement dévie de plus en plus à droite, faisant tomber un certain nombre de digue vis-à-vis de l’électorat de gauche – politiques migratoires ultra-répressives, attaques prévues contre la fonction publique, réformes des retraites – il est de plus en plus probable qu’une partie de sa base sociale, ici les enseignants, lui soit de moins en moins favorable. A ce titre, et tandis que le gouvernement de Macron est plus affaibli que jamais en cette rentrée, les classes moyennes, salariées et liées au secteur public pourraient bien se retourner contre Macron lui-même.

En définitive, l’école néolibérale de Blanquer est belle et bien en marche sur tous les fronts et le ministre a bien décidé de tracer la ligne la plus droite possible entre « son idéal et le réel » en cette rentrée. Avec son idée de profs performants, le ministre lance une attaque d’ampleur contre le service public et contre la qualité du service dispensé. Quand il exhorte à « sortir d’une logique consistant à indemniser la difficulté, pour aller vers une logique de stimulation de la réussite pour les établissements concernés », on ne peut qu’entendre que la mise en concurrence à tous les niveaux est le projet phare du Ministre de l’éducation de Macron.

Aurelien Morissard/IP3 PRESS/MAXPPP


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