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Sélection

Les doubles licences : symbole des inégalités à l’université

Alors qu’on assiste à une privatisation des universités françaises, matérialisée notamment par la menace de fusion de trois universités parisiennes ou par l’espace grandissant qu’occupe le financement privé dans la recherche au sein des universités, ces dernières tentent d’encourager les filières élitistes dans le but d’avoir un poids maximisé dans la mise en concurrence des facultés.

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Enora Lorita

Les doubles licences : le nouveau joyau des universités françaises

 
Les doubles licences sont devenues les nouvelles voies élitistes sur lesquelles les universités misent pour avoir le classement le plus élevé possible. Les meilleurs élèves y sont sélectionnés sur dossier, pour une quarantaine de places par double licence, soit moins d’1% d’admission pour certaines d’entre elles. Tout comme les grandes écoles (commerce, Sciences po etc.) cette sélection repose avant tout sur des critères sociaux : le lycée d’origine est la donnée de sélection la plus probante. En outre, les élèves ayant développé un capital culturel, social et économique assez élevé pour avoir étudié dans un grand lycée parisien, pratiqué des activités extrascolaires et avoir acquis un niveau en langue élevé par le biais de voyages à l’étranger seront choisis pour intégrer une de ces filières d’élite. Par cette sélection drastique à l’entrée du cursus, la reproduction sociale se voit donc confortée.

Les universités choisissent ainsi les étudiants les plus brillants, les plus aptes à supporter une pression scolaire, et ayant les capacités suffisantes pour intégrer un double master, la voie royale. Une fois choisis, les élèves se verront cajolés par l’université dans des cours en petits effectifs, par l’assurance d’une réputation d’excellence, et par un budget financier gigantesque leur permettant d’organiser des voyages, des conférences, afin d’être certains que ces derniers iront jusqu’au bout de leur scolarité et porteront ainsi le label de l’université tout au long de leur vie professionnelle. L’université Paris 1 a ainsi conclu récemment des partenariats avec Cornell University et Columbia University in the City of New York pour les élèves issus de double licence, explicitant que si les accords sont réservés à ces élèves issus de l’élite, c’est pour la simple et bonne raison qu’ils seraient les plus « méritants » pour ce parcours d’excellence.

Une pression scolaire à la hauteur des ambitions de l’université

 
Cependant, les meilleures études se voient encouragées par des investissements très lourds qui doivent être rentabilisés. Les élèves se verront ainsi rappelés assez régulièrement pour qu’ils ne l’oublient pas qu’ils représentent l’élite, la crème de la crème, et que ce statut implique des responsabilités. Une pression quotidienne destinée à écrémer ceux qui ne sont pas assez féroces pour être mis en concurrence avec les autres élèves, et donc qui ne le seront pas avec leurs futurs concurrents professionnels. Ces étudiants qui sont trop sensibles à la peur de rater et qui ne réussissent pas à surmonter la pression de l’élimination se verront évincés au bout de quelques mois, afin de maintenir le prestige de la filière et d’éliminer les éléments pouvant perturber les ambitions de l’université. 

Un clivage croissant vis-à-vis des étudiants les plus précaires

 
En parallèle, l’écart se creuse avec les autres étudiants, les « lambdas », ceux qui ne sont d’aucun intérêt pour les facultés. Ils étudient pourtant dans la même fac, et se croisent tous les jours mais ne vivent évidemment pas leur scolarité dans les mêmes conditions. Dès les premiers mois de scolarité, des centaines d’étudiants, ceux qui se noient à l’université, qui s’agglutinent dans des amphithéâtres bondés, abandonnent, ne réussissant pas à conjuguer ces conditions désastreuses de scolarité à une précarité subie au quotidien. Des abandons dans les prévisions des universités, qui misent sur cette pression pour écrémer les élèves les moins adaptés au système scolaire, ceux pourtant pour qui les conditions de scolarité devraient être le mieux aménagées. Cette libéralisation et cette mise en concurrence entre les universités est ainsi un carnage pour l’ascenseur social, déjà en panne depuis bien longtemps.
 
Cette politique élitiste n’est en réalité qu’un reflet de ce que subiront ces futurs travailleurs toute leur vie. On opère ainsi un clivage entre les étudiants dès l’université : les élèves des filières sélectives le savent, ils seront toujours ceux qui passeront avant, qui n’auront pas à subir la précarité, tandis qu’on habitue les autres à devoir se battre pour leur place, leur faisant comprendre au quotidien que leur situation est et restera précaire, et qu’ils devront lutter à chaque étape de leur vie étudiante puis professionnelle.


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