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Fausse parité

Les femmes au gouvernement...mais pas les droits des femmes

Emmanuel Macron avait promis la parité pour son gouvernement. Avec neuf ministres femmes sur dix-huit, le compte est bon. Ce qu'il n'avait pas annoncé néanmoins, ce que cela se ferait au prix d'une politique des droits des femmes au rabais, et un gouvernement où les ténors restent encore et toujours...des hommes.

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Une parité en trompe-l’œil

Sylvie Goulard, aux Armées, Agnès Buzyn à la Santé, Murielle Pénicaud au Travail, Marielle de Sarnez aux Affaires européennes... La liste du nouveau gouvernement apparaît pourtant bel et bien paritaire. Plus encore, pour une fois, les femmes ne semblent pas relégués à des postes secondaires, comme c’est souvent le cas depuis la mise en place de la loi sur la Parité en 2000, qui a surtout « promu » les femmes à des sous-postes, en suppléante ou dans des circonscriptions impossibles à prendre, ou bien à des postes dits « féminins » (santé, affaires sociales...). Mais à y regarder de plus près, le nouveau gouvernement d’Edouard Philippe ne déroge pas à la règle d’une parité au rabais. En effet, aucune femme n’est ministre d’Etat, deux ne sont que « ministres déléguées » (Élisabeth Borne au Transports, et Marielle de Sarnez aux Affaires Européennes), et elles remplissent deux postes sur trois des secrétaires d’Etat (Marlène Schiappa à l’Egalité femme-homme, et Sophie Cluzel aux Personnes handicapées). Et évidemment, même si l’une d’elle occupe le poste des Armées, c’est bien pourtant à elles que sont dévolues les tâches « féminines » ou « maternelles » : Solidarités et Santé, Personnes handicapées... La « charge mentale », c’est aussi au gouvernement ?

Mais plus encore, ce qui « étonne » dans cette liste, c’est que les ministres femmes – mises à part Marielle de Sarnez qui vient faire la « caution Modem » du gouvernement – sont toutes... des inconnues ! Ouvrir à la « société civile », pour reprendre les termes marcronien, c’est là aussi la tâche que vont accomplir les femmes du gouvernement. Caution, vous dites ? A croire que, dans le monde de la « Révolution » de En Marche, il n’y aurait pas de femmes politiques assez « ténors » pour entrer au gouvernement. Malgré la parité, ce sont les hommes qui sont les ténors, entre Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire, ou François Bayrou. Et c’est bien à eux que les femmes, et notamment les ministres déléguées et les secrétaires d’Etat (y compris à « l’Egalité femme-homme »), devront rendre des comptes...

Où sont passés les droits des femmes ?

Plus inquiétant encore, le gouvernement d’Edouard Philippe fait disparaître le Ministère des droits des femmes, dans la droite continuité des gouvernements Hollande. Alors certes, Emmanuel Macron n’est pas allé jusqu’à reprendre le nom honteux de « Ministre des Droits des Femmes, de la Famille et de l’Enfance » que Hollande lui avait donné. Il préfère, plus subtilement, renommer cette tâche « Egalité homme-femme », et la reléguer – et ce malgré le fait qu’il l’ait déclaré « cause nationale de son quinquennat » - à un simple secrétariat d’Etat.

Là encore, c’est une « membre de la société civile » qui prend le flambeau, Marlène Schiappa, qui a aussi l’intérêt de servir de « caution socialiste », car elle était conseillère municipale au Mans auprès de Jean-Claude Boulard (PS) depuis 2014, et membre du cabinet de Laurence Rossignol pendant un temps. Malgré un ouvrage plus que douteux critiqué pour sa grossophobie, Marlène Schiappa est auteure d’ouvrages à succès suite au lancement de son blog « Maman Travaille ». Elle est par ailleurs l’incarnation de ce glissement de la lutte « pour les droits des femmes » à celle « pour l’égalité femme-homme ». Si cette seconde expression reste progressiste, son utilisation pour remplacer la précédente l’est beaucoup moins, et n’a en effet rien d’un hasard. Elle convient en effet avec l’idée que désormais la lutte pour les droits des femmes serait dépassée, les femmes ayant « tout gagné » dans les décennies précédentes.

Le blog de la nouvelle secrétaire d’Etat est instructif en ce sens : son collectif « Maman Travaille » n’a pas pour objectif d’exiger de nouveaux droits pour les femmes (PMA, allongement du nombre de semaine pour un IVG, crèches dans les entreprises, ou autres), ni de préserver les droits existants (nombre de crèches, de centres IVG, etc), mais d’aider les femmes à réussir à concilier le fait d’être mère et d’avoir une carrière. Si cette question est importante, et l’expression vulgarisée par Marlène Schiappa de « plafond de mère » intéressante pour analyser la situation, la réponse apportée se focalise sur des aspects très partiels de la situation des femmes et mères. Par exemple, le collectif revendique la transparence des critères d’attribution des crèches, et la nouvelle secrétaire d’Etat a été à l’origine d’un « pacte » (Pacte Transparence Crèches, en 2015) avec un certain nombre de maires sur cette question. Une revendication de transparence qui est juste, mais qui fait totalement abstraction d’un problème central auquel font face les parents : le nombre extrêmement réduit de place en crèche, dû à l’austérité budgétaire ! Il manque en effet, d’après les chiffres, 400 000 berceaux, mais cela n’empêche pas la pétition lancée par Maman Travaille sur ce sujet d’expliquer sans broncher que « Dans un contexte de restriction budgétaire, cet engagement ne coûte pas un seul centime et renforce le lien de confiance entre les élus et les administrés ». Ou comment camoufler le problème en s’attaquant uniquement à l’arbre qui cache la forêt ! C’est d’ailleurs un élément de cette analyse en terme de « plafond de mère » que nous reprochions déjà il y a quelques temps à la campagne de la CGT (« #Viedemère ») lancée sur le sujet : s’il y a bien un « plafond de mère », il y a aussi un « plancher qui colle » pour bien des femmes, et le premier, concernant principalement les cadres, ne doit pas être utilisé pour nier la précarité et l’absence de service public adapté pour la grande majorité des femmes travailleuses.

Caution « de gauche », « jeune », « femme » et « société civile », la nouvelle secrétaire d’Etat n’en est pas moins un parfait symbole de la manière dont la « Révolution » macronienne souhaite bien lutter contre les oppressions : en niant leur caractère structurel pour mieux dessiner une belle image sur papier glacée. En quelque sorte, « de la poudre de perlimpinpin »...


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