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Éleves et profs au garde-à-vous !

Les programmes du nouveau lycée Blanquer : 100 % réactionnaires

Blanquer est sans doute le ministre qui illustre mieux le « moment macronien » que nous sommes en train de vivre : profondément réactionnaire sur le fond comme sur la forme avec sa dernière idée délirante en date de mobiliser l'armée et la police dans les établissements scolaires, expert pré-moulé à la verticalité du pouvoir comme en témoigne la manière dont il a introduit à marche forcée Parcoursup et la réforme du lycée, il associe à lui seul les aspects contradictoires portés par Macron à travers son célèbre « en même temps », à savoir un autoritarisme franc et l'invention d'individus nouveaux voués à la Start Up nation. « Former les esprits » pour le nouveau monde est donc un enjeu d'importance. A voir les nouveaux programmes, on ne voit pas très bien ce qu'il va rester en matière d'esprit mais en revanche, on voit très bien le nouveau monde.

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image : Les délégués des Colonies et Monsieur Jules Ferry - novembre 1892. Peintre : Frédéric Regamey. Musée du quai Branly

Blanquer fait disparaître le chômage (des SES) en un tournemain

Et ce monde là n’est pas beau à voir, premier constat. Les projets de programme, qui ont fuité depuis quelques semaines et sont relayés par les syndicats enseignants, ont de quoi inquiéter les profs ainsi que les élèves. Le Canard enchaîné le révélait la semaine dernière, dans les futurs programmes de seconde et de première de Sciences Economiques et Sociales les concepteurs n’ont pas trouvé nécessaire de traiter d’un phénomène social et économique qui connote notre époque depuis une trentaine d’année : le chômage. En revanche, le programme fera la part belle au marché, quitte à oublier complètement l’Etat et ses fonctions de contrepoids aux pouvoirs du capital. Ce n’est plus un nouveau monde, c’est une bulle, et il est probable que le ministre compte pour rien dans le monde qu’analysent les SES ceux qui « ne sont rien » comme le disait si élégamment Emmanuel Macron.

Ainsi, « former les esprits », dans les programmes qui sortiront dans quelques jours, s’apparente plutôt à les plier d’avance à des réalités économiques et sociales présentées comme indiscutables – le marché en premier lieu. Et à ne pas du tout les préparer aux dégâts sociaux induits par ces réalités indiscutables : le chômage, déjà, mais également tous les désastres écologiques qui suivent de la course au profit effrénée puisque le développement durable sera, lui aussi évacué. On est également curieux de la place qui sera faite aux conflits sociaux dans un programme qui fait disparaître le concept de « catégorie socio-professionnelle » et de classes sociales : pas d’intérêts adverses dans le nouveau monde ? Ou plutôt, un intérêt monolithe, indiscutable, qui est celui de la bourgeoisie ?

En Histoire-Géo : immigration et histoire des femmes aux oubliettes

A la mi-octobre, les projets de programme en Histoire-Géographie ont créé une polémique : Laurence de Cock s’alarmait que l’histoire de l’immigration ait disparu des programmes diffusés par le SNES. Réponse du ministre et du Conseil supérieur des programmes : la question sera « abordée » dans les programmes. Entendre donc qu’elle ne constitue pas un objet à soi seule, mais sera traitée comme un des aspects de l’histoire sociale. Une question largement minorée donc, dans les nouveaux programmes, alors qu’elle est une réalité contemporaine de première importance et que la connaissance de son histoire relève de la nécessité.

En effet, comment parvenir à comprendre les phénomènes migratoires contemporains si l’on ignore que les migrations constituent une histoire continue de l’Europe et du monde ? Comment construire des arguments antiracistes si l’on ne souligne pas que toutes les vagues migratoires ont fait l’objet de ressentiment et de rejet : au début du XXème siècle, en France, vis-à-vis des Italiens ou des Espagnols, par exemple ? Quel monde vont pouvoir connaître et penser les élèves si les programmes coupent les racines de phénomènes qui nous concernent tous ?

Et à qui va parler cette histoire ? On se souvient de Sarkozy et de « nos ancêtres les Gaulois », violence symbolique faite à toutes les générations issues de l’immigration ou à celles qui ont subi la violence de l’impérialisme français. Si les programmes mettent de côté ou ne traitent qu’en sourdine l’histoire de l’immigration, cela suppose d’empêcher de comprendre toute l’histoire coloniale et post-coloniale de la France et, partant, de gommer le rôle crucial qu’ont pu jouer les immigrés dans le développement de l’économie au XXème siècle. Cette disparition ressemblerait à une véritable censure mémorielle.

De même l’histoire des femmes, en tant qu’histoire sociale, a été rayée des premières boutures des programmes. Plus d’étude de phénomènes sociaux, dans leur globalité et de la capacité d’un groupe social à changer l’histoire au programme : les nouveaux programmes veulent se concentrer sur quelques figures féminines, qui renoue avec le mythe d’une histoire faite par quelques hommes (et femmes) aux qualités exceptionnelles. Or quid de la loi sur l’avortement portée par Simone Veil sans la mobilisation massive des femmes au cours des années 1960 et 1970 ?

Des programmes prescriptifs

En plus des contenus qui posent déjà problème à de nombreux enseignants inquiets de ce qu’ils vont devoir enseigner à leurs élèves, les programmes présentent aussi une dimension contraignante et prescriptive qui contredit la liberté pédagogique des professeurs. Les questions à soumettre en évaluation, pour certaines matières, la méthode préconisée pour les textes à étudier : tous les aspects du travail des enseignants sont encadrés par les programmes, ne laissant à la liberté pédagogique que le choix des couleurs.

Quand on sait que Blanquer, d’accord avec Castaner, compte résoudre les difficultés des profs en mobilisant des moyens de police, avec les programmes, on a le sentiment que l’Education Nationale doit apprendre à se mettre au garde-à-vous derrière le gouvernement, jusque dans les salles de classe. Quoi de mieux, pour faire des individus prêts à se soumettre au marché et à obéir sans critique, que de limiter le pouvoir de la connaissance et de l’esprit critique qui peut encore exister à l’Education nationale ?

Avec Blanquer dans le rôle de prophète du nouveau monde, on sait déjà ce que ça va être : un très vieux monde bien réactionnaire.


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