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Loi « pouvoir d’achat » : travailler plus pour gagner moins

Le vote des deux premières lois pour le « pouvoir d'achat » a entériné un ensemble de mesures libérales, qui oscillent entre les miettes et les dispositions servant à attaquer. Pour les adopter, LREM a pu compter sur ses alliés de LR et du RN. Pour arracher des revendications à la hauteur, il faut d'urgence un plan de bataille pour la rentrée !

Joël Malo

28 juillet 2022

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Crédits : AFP

Avec le vote du Projet de loi de finances rectificatives à l’Assemblée Nationale qui faisait suite à celui de la loi sur le pouvoir d’achat, se clôt la première séquence parlementaire du quinquennat, marquée par la perte de majorité absolue pour l’exécutif et la recherche d’alliés pour légiférer. L’adoption de ces textes a été essentiellement permise par des accords entre LREM et LR avec le soutien du RN, formant un arc de force pro-patronal. Et derrière les aides anecdotiques, les textes adoptés fourmillent d’attaques contre le droit du travail.

Des primes, des heures supp’ et quelques centimes à la pompe : la recette pour ne pas toucher aux profits

Déjà, la loi adoptée la semaine dernière s’inscrivait dans la tactique patronale du moment face aux grèves pour les salaires : concéder des primes, jamais des augmentations de salaire. Ainsi, le montant maximum de la prime Macron a été rehaussé à 6000€ alors même qu’en moyenne les salariés n’ont reçu que 500€ grâce à cette prime. Dans la même veine, ce sont surtout des coups de pouce pour le patronat qui ont été adoptés comme la hausse du plafond pour défiscaliser les heures supp’ (une revendication permanente de la droite) ou la possibilité de se faire payer ses RTT. En clair, une attaque contre les 35 heures, contre les congés payés et une indication que pour Macron et ses alliés de LR et du RN, face à l’inflation, il faudra travailler encore et toujours plus, tout en gagnant moins.

Le reste de la loi se compose d’aides partielles qui ne changeront en rien le quotidien des travailleuses et des travailleurs face à la hausse des prix. Après les 100 balles de la prime inflation en fin d’année 2021 et les 18 centimes de remise à la pompe (ce qui n’a pas empêché le carburant de passer à 2,10 par litre), la loi prévoit désormais une remise de 30 centimes par litre. De son côté Bruno Le Maire, en refusant toute taxation supplémentaire des profits (mesure minimale mise en application par d’autres gouvernements qu’on ne peut pas soupçonner d’anticapitalisme en Europe) a affirmé avoir « mis la pression à Total » qui va concéder une goutte dans son océan de profits pour baisser légèrement les prix.

Le premier volet de la loi concédait une légère revalorisation de 4 % (en réalité une baisse car en deçà de l’inflation qui atteint 5,8 % en juillet) des minimas sociaux, des bourses étudiantes et permettait enfin la déconjugalisation de l’AAH. En quelque sorte des mesures cache-sexe pour masquer le coeur de la loi qui est une offensive générale contre le monde du travail et les classes populaires. Ce genre de mesures ont été déballés à nouveau ces derniers jours, générant la première friction au sein du camp présidentiel quand les députés Horizons (parti d’Edouard Philippe) ont voté contre l’avis gouvernemental avec les oppositions pour augmenter les fonds pour les collectivités territoriales afin de faire face aux hausses du RSA et du point d’indice des fonctionnaires. Autre léger revers : l’aide pour les foyers se chauffant au fioul sera de 230 millions au lieu des 50 voulus par le gouvernement.

Mais cela s’arrête là. Au passage, malgré les naïvetés répétées de la FI sur la « reparlementarisation de la vie politique », Bruno Le Maire a rappelé mardi à deux heures du matin que dans une monarchie présidentielle, le gouvernement a tous les droits. Ainsi alors qu’un amendement (minimal) rallongeant le budget des retraites de 500 millions d’euros de manière à ce que les pensions collent à l’inflation avait été adopté, Le Maire a fait revoter les députés pour le faire annuler. Un geste qui a outré les députés de la NUPES, qui semblent croire en la « nouvelle méthode » du gouvernement qui ne vient pas, et les députés RN, qui ont carrément quitté l’hémicycle. De la politique spectacle de la part des lepénistes qui ont par ailleurs voté la loi sur le pouvoir d’achat et permis l’adoption de nombreux amendements sur cette dernière loi.

Une épreuve du feu houleuse pour le gouvernement, sauvé par un arc de forces pro-patronal

Le vote de ces deux premiers textes était une épreuve importante pour le nouveau gouvernement. « Nous avons élargi la majorité actuelle avec 54 députés Républicains » s’est finalement vanté Bruno Le Maire sur France Inter mercredi après l’adoption de la loi de finances rectificative. Une référence au soutien de facto apporté par les Républicains aux textes du gouvernement. Si ces derniers oscillent entre une posture d’opposition et la participation à l’adoption des lois du gouvernement, ils sont de fait apparus comme des alliés centraux du gouvernement. Macron faisant toujours plus du Sarkozy, avec un visage aussi libéral que policier en la présence de Le Maire et Darmanin, piliers du gouvernement, difficile pour les Républicains de ne pas participer à la fête.

Est-ce à dire que tous les problèmes de Macron sont finis et qu’une majorité est constituée ? Certainement pas, en dépit de l’effort de Macron pour faire du Sarkozy, avec Le Maire et Darmanin à la manoeuvre. Face aux enjeux de succession à venir, LR pourrait être amené à changer d’attitude de façon opportuniste pour essayer de se démarquer de Macron, en simulant l’opposition. Son soutien reste donc conditionné aux intérêts de son appareil. En outre, les premières tensions au sein même de la majorité, du côté d’Horizons, démontre que ces tensions traversent la macronie même.

Du côté du RN, malgré quelques gesticulations, l’extrême droite a montré sa profonde compatibilité avec le macronisme en votant un nombre important des attaques anti-sociales du gouvernement. Darmanin disait avoir à l’Assemblée une majorité sur les questions d’immigration, l’arc LREM-LR-RN semble aussi être prêt à l’emploi pour un certain nombre d’attaques, notamment contre le monde du travail. Reste à voir ce qu’il en sera pour les dossiers les plus brûlants et les plus impopulaires, alors que le RN a par exemple fait sa campagne présidentielle et législative contre l’allongement de l’âge de départ à la retraite.

En tout cas le gouvernement tire un bilan de cette première séquence : il faut établir des grands accords avec les autres forces politiques pour éviter que chaque amendement se transforme en bataille contre le gouvernement de la part des oppositions. En ligne de mire, Macron lorgne sur le PS pour essayer de faire passer certains textes futurs. Alors que les députés ne reprendront leurs travaux qu’en octobre, malgré la tradition de ces vingt dernières années, le gouvernement devrait en profiter pour sonder ses alliés potentiels de droite et de gauche. Olivier Dussopt, ministre du travail, a prévenu, les vacances parlementaires vont servir à aiguiser les armes contre les travailleurs et à sortir dès la rentrée un projet de loi de guerre aux chômeurs. Serons-nous condamnés à attendre patiemment la rentrée et la pluie d’attaques que le gouvernement prévoit pour réagir ?

L’impasse parlementaire et la nécessité d’un plan de bataille

L’examen de ce deuxième paquet législatif a également été un test pour la nouvelle opposition de gauche de la NUPES. De ce point de vue, le bilan démontre clairement l’impuissance de la gauche et de sa stratégie de guérilla parlementaire, qui n’aura quasiment rien réussi à arracher pour les travailleurs en dépit de ses multiples coups d’éclat. Pas de nouvelle méthode, la Vème République reste la Vème République et même sans majorité absolue, le parti présidentiel est (presque) tout puissant. Une dure leçon ceux qui ont pu croire la promesse de Mélenchon n’a qu’il était possible de reparlementariser le régime et de changer la vie au Parlement.

Cette illusion continue cependant d’être perpétuée par les parlementaires, quitte à repeindre la droite en alliés potentiels, à l’image de David Guiraud s’indignant que « LR a[it] trahi ». Pour la NUPES, en dépit de l’urgence sociale et de la colère contre le gouvernement, la guérilla parlementaire reste ainsi la stratégie à l’ordre du jour pour la rentrée. En ce sens, La « grande marche contre la vie chère » annoncée par Mélenchon pour la rentrée a d’abord vocation à appuyer la NUPES, sans sortir du cadre institutionnel dans laquelle elle entend enfermer l’opposition au gouvernement.

A l’inverse, il paraît plus évident que jamais que la solution pour renverser la tendance, et balayer l’alliance patronale LR(E)N, se trouve dans la lutte en dehors du Parlement, dans la rue et dans les entreprises, par une grève de masse, dès la rentrée. Pas des journées de démonstration routinières, qu’elles soient syndicales comme la manif de rentrée de l’intersyndicale ou la marche de LFI, mais un véritable mouvement dans les entreprises. Des milliers d’amendements peuvent être déposés, les capitalistes et Macron ne comprendront la leçon que lorsque des centaines de milliers de travailleurs cesseront le travail, paralyseront l’économie tant que le SMIC n’est pas augmenté à 1800 euros, l’ensemble des salaires augmentés de 300€ et tous les salaires indexés sur l’inflation !

Une telle contre-offensive serait également le meilleur moyen de faire ravaler à Macron sa réforme de l’assurance-chômage XXL et à Darmanin ses lois racistes. Ceux qui préfèrent le jeu des institutions nous répéteront toujours qu’il n’y a pas de bouton magique pour la grève générale : en effet, la question est de savoir où les efforts sont mis et quelles perspectives sont données. C’est cela qui devrait être réglé urgemment pour que nous attaquions la rentrée en ordre de bataille.


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