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Théâtre et féminisme

« Looking for Lulu, la recherche de la vengeance d’une femme »

La compagnie du Véhicule et Natasha Rudolf rejouent leur version de Lulu, œuvre magistrale de Frank Wedekind. Dans Looking for Lulu, iels actualisent la pièce en ajustant les problématiques de la pièce pour les transposer à notre société. À travers la France, la compagnie fait connaître leur création et touche de nouvelles personnes. Elodi Skinefis

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Lulu, Loulou, ou encore Nellie, Eve, Mignon, un prénom qui sonne comme un surnom. Un personnage de fiction qui prend différentes apparences et différents visages. Archétype car elle est la mise en application des stéréotypes de genre et de classe.

Introduite dans la société par son mac et père adoptif, elle est une femme désirée. Plusieurs mariages se solderont tous par la mort violente de ses époux, et elle doit fuir pour éviter la prison. Elle termine sa vie à Londres, redevenant la prostituée qu’elle était enfant. À la merci d’hommes qui se prétendent protecteurs, figures paternelles ou maris, elle, véritable objet de fantasmes, se retrouve finalement aux prises avec des prédateurs sexuels, pédophiles et incestueux.

Recueillie et adoptée par l’homme qui abusera d’elle, celui-ci la vendra plus tard à d’autres qui l’exhiberont. Sa seule issue : la mort. « Achetée, vendue, violée », l’Hymne des Femmes écrite par les féministes du Mouvement de Libération des Femmes, telle est son histoire. L’histoire d’un parcours entre Berlin et Londres.

Cette mise en scène actualise le texte de Frank Wedekind de la fin du XIXe siècle, car nos luttes féministes et de classes sont toujours actuelles mais différentes de cette époque. Incarnée par Sabrina Bus dans la mise en scène de Nastasha Rudolf, Lulu est forte. C’est une figure féministe qui colle une gifle à la domination masculine. Le public voit la violence du patriarcat et ne peut qu’être solidaire de l’héroïne. Son sexe et sa classe l’obligent à tenir le rapport de force. La violence de la domination atteint son paroxysme lorsque le père de Lulu lui impose une passe. À travers cette scène, c’est toute la souffrance de la pièce et la puissance de Lulu qui est mise en scène.

Lulu est la seule femme de ce spectacle (1). Celle qui supporte seule et doit se battre seule sans allié-es, à l’exception du public impuissant.

Dans une profusion de costumes, Lulu enchaîne les habits comme les rôles à endurer pour satisfaire ses maîtres. Elle est objectivée et fantasmée par eux pour correspondre à leur vision de la femme parfaite.
Ces costumes sont aussi une façon pour elle de s’échapper. En choisissant, c’est-à-dire en ayant la capacité de déterminer comment elle pourrait se présenter au monde, Lulu s’arrache au moins symboliquement un peu de liberté.

Le spectacle s’ouvre sur Lulu quasi nue. Son corps est son costume, celui avec lequel le monde la voit. Une façon de dénoncer l’utilisation abusive du corps féminin. Nue, vêtue, élégante, en haillons lorsqu’elle se prostitue, on s’aperçoit que plus la pièce avance et plus ses habits se renforcent en marqueurs sociaux.

Les lumières et les musiques accentuent la crudité et la violence des rapports. Accompagnant le jeu rapide, le rythme suit leur urgence de vivre. Iels courent, sautent, se cachent, iels nous embarquent avec elleux dans leur urgence et dans leur chute.

La mise en scène fait valser les comédien-nes, qui sont balancé-es aux quatre coins de la scène et où chacun-es est le.a punching-ball de l’autre. Jusqu’à la fin, où Lulu devient la punching-ball, le déversoir de la frustration du monde entier.

Une pièce d’une violence extrême, qui révèle les travers et l’hypocrisie d’une société bourgeoise bien-pensante et où la morale archaïque règne.

Lulu, mis en scène par La compagnie du Véhicule & Natasha Rudolf – prochaines dates à venir- actu sur La Compagnie du Véhicule

(1) Dans la pièce de Frank Wedekind, il y a aussi la comtesse de Geschwitz. Un personnage féminin qui agit en oppresseuse sur Lulu en tentant de la posséder comme les hommes de la pièce.


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