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Une semaine décisive pour l'avenir du mouvement

Lutte contre la loi travail. C’est maintenant qu’il faut les mettre à genoux

Depuis le 9 mars, date de la première manifestation contre la loi El Khomri, les étudiants, les travailleurs et plus largement « le peuple de gauche », ont mené une lutte opiniâtre qui aurait mérité, depuis un moment déjà, d’être couronnée de succès. D’abord les étudiants initiant des actions d’occupation et de manifestation, puis l’évènement inédit des places occupées et animées par Nuit Debout, et plus récemment le blocage des raffineries et les grèves dans le nucléaire. Claire Manor

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Pourtant, le gouvernement n’a toujours pas cédé et la loi attend, après son passage au sénat, une deuxième lecture au parlement pour sortir « avant l’été », selon le souhait de Valls.

SAUF SI… le regain de puissance et l’extension du mouvement visible ces derniers jours dans les secteurs de l’énergie et des transports avec les grèves reconductibles enfin annoncées pour le mois de juin parvenaient à mettre en échec ce dictateur en herbe trop sûr de lui, flanqué de son président et de ses ministres.

Une histoire mouvante et mouvementée

Le 9 mars, les jeunes sont à la manœuvre

Ce sont d’abord les jeunes, étudiants et lycéens qui sont montés au créneau, contre la loi El Khomri, conscients de l’avenir qu’elle leur réservait. Les précaires et les intermittents ont rapidement, rejoint la mobilisation. Dans les rangs des travailleurs, la RATP et la SNCF sont en grève contre les attaques qu’ils subissent, très directement liées à la loi. Le 9 mars, malgré l’absence d’appel interprofessionnel des confédérations, les étudiants réussissent, aux côtés d’un certain nombre de syndicats, à réunir 450 000 personnes. Forts de ce succès, ils fixent le 17 mars comme jalon pour tenir jusqu’à l’échéance lointaine du 31 mars fixée par 7 syndicats.

Le 31 mars point culminant de la lutte

La mobilisation appelée par un communiqué commun de la CGT, FO, FSU, Union syndicale Solidaires, UNEF, UNL, FIDL est un succès significatif. 1 200 000 manifestants rassemblés dans plusieurs villes de France dont 500 000 à Paris. De quoi pousser plus loin l’offensive contre le gouvernement et venir renforcer le mouvement étudiant par un puissant mouvement de grèves reconductibles et de convergence des secteurs en luttes comme les transports ou la poste. Pourtant, ce n’est pas la décision qui est prise par les directions syndicales.

Le reflux du mois d’avril

Durant le mois d’avril se poursuit la politique des journées d’action et le jeu de saute-mouton, souvent en décalage avec les mobilisations étudiantes ou le samedi de manière à éviter les appels à la grève. Les étudiants ont beaucoup de difficultés à tenir face à un exécutif arrogant et violemment répressif. Les vacances de printemps marquent un temps de reflux, même si les coordinations et les AG se maintiennent. Durant cette période c’est la Nuit Debout qui prend le relais et qui par ses occupations, sa présence, ses débats, fournit aux jeunes, aux travailleurs, aux chômeurs, aux précaires, aux militants un lieu où maintenir le débat et la volonté d’en finir avec la loi El Khomri. Il est clair que tout le monde attend le 2ème round avec le passage du texte au parlement

Le 49.3 met le feu aux poudres

Le 12 mai, c’est le passage en force de la loi au parlement, grâce à l’article 49.3 qui, outre le trouble qu’il sème parmi les députés et le gouvernement, relance la colère des travailleurs et ouvre une période de regain de la mobilisation. Cette fois, c’est la classe ouvrière et ses secteurs clés du privé et du public qui sont aux commandes, routiers, raffineurs, dockers, nucléaire. La longue période des journées d’action et des grèves carrées ou rectangles est terminée… Les manifestations des 19 et 27 mai retrouvent le niveau du 9 mars mais avec un niveau de conscience et de radicalisation beaucoup plus élevé.

Gouvernement et syndicats ajustent leurs tactiques au fil de l’eau

Tout en tentant d’impressionner et de casser les manifestants, en faisant donner de manière de plus en plus violente ses gendarmes, sa police et même son armée, l’exécutif sait que le meilleur lieu pour faire taire les opposants et casser la résistance c’est « la table des négociations ».

Depuis le début du mouvement, Valls et ses ministres ont mené une pratique graduelle du dialogue social. Tout d’abord, quelques concessions rapides sur les revendications étudiantes et une main tendue à la CFDT et à la CFE-CGC, pour la faire passer définitivement dans le camp des alliés. Pratique réussie, même si un certain nombre de militants de la CFDT ont montré leur désaccord. Au point que c’est maintenant Berger qui monte au créneau pour dire qu’il est absolument inenvisageable de retirer la loi travail.

Par la suite, le gouvernement n’a cessé, tout en restant ferme sur la loi elle-même, avec quelques modifications à la marge, de lâcher sur des revendications sectorielles. Après les étudiants, la fonction publique, puis les paysans, les routiers, etc.

C’est très récemment, le 26 mai que Mailly tout en exprimant apparemment une opposition irréductible entre Valls et lui, regrette l’impossibilité de dialogue et de compromis. Manuel Valls ayant réitéré sa volonté de ne pas toucher à l’article 2 qui cristallise peu à peu les débats, le dirigeant de FO a déclaré « Ce que propose le Premier ministre n’est pas un compromis ». Après s’être montré intraitable sur le retrait, il laisse désormais entendre que le point critique c’est l’article 2. Sans lui, la négociation serait possible.

C’est enfin au tour de Martinez d’entrer dans le jeu. D’abord, une récente phase de « radicalisation » qui répond à la pression de la base et lui permet de prendre une position « dure » à la tête d’un syndicat qui l’a porté au pouvoir au dernier congrès sur une position « gauche ». Attitude si radicale que Valls déclare que « Ce n’est pas la CGT qui fait la loi dans ce pays ». Puis infléchissement de la ligne, après le coup de fil reçu de Valls et à la veille d’une semaine décisive pour la lutte. A la journaliste de BFM qui lui demande s’il serait prêt à rediscuter la loi travail et si le retrait constitue un préalable, il répond d’un ton quelque peu embarrassé, qu’Il y a des points inacceptables dans cette loi, notamment l’article 2 mais que si Manuel Valls acceptait « d’arrêter le processus », on pourrait tout reprendre au début, car il a « toujours été prêt à négocier ».

Finalement, l’attitude des directions syndicales revient à dire, « arrêtons tout et reprenons la discussion pour établir une « bonne loi travail ».

La machine est lancée. Il est possible de gagner

Quelles que soient les stratégies et les possibles reculs des dirigeants syndicaux, la machine est lancée et le gouvernement n’en a pas fini avec la contestation. Après les carburants, le secteur des transports s’apprête à vivre une semaine de forte mobilisation avec des appels à la grève reconductible lancés pour des motifs qui mêlent revendications internes et opposition à la loi travail. La pénurie de carburant est pour l’instant évitée avec le déblocage de la quasi-totalité des dépôts pétroliers mais plusieurs raffineries sont toujours à l’arrêt. La grève a été reconduite aux terminaux pétroliers de Marseille et du Havre, qui alimentent Orly et Roissy en kérosène.

Quant à L’intersyndicale CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, Fidl, UNL elle a appelé à « amplifier les mobilisations », avant la journée nationale d’action le 14 juin en plein Euro de football. D’ici là, la mobilisation va se concentrer dans les transports.

A la SNCF, trois des quatre syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD Rail,) ont déposé des préavis de grève reconductibles à partir de mardi soir, la CFDT ayant retiré lundi son préavis. Aux motifs internes, la CGT-Cheminots, et SUD Rail ont ajouté l’opposition à la loi travail. A la RATP, c’est un appel de la CGT à la grève « illimitée ». Elle demande la réouverture des négociations salariales annuelles et le retrait du projet de loi El Khomri. SUD-RATP, a déjà appelé à une grève illimitée à compter du lancement de l’Euro« contre la loi travail et la remise en cause du statut RATP ».

Une grève de l’aviation civile est également prévue du 3 au 5 juin et le syndicat des pilotes SNPL) majoritaire à Air France a voté une grève d’au moins 6 jours. Enfin, dans les ports et docks, la CGT appelle à un arrêt de travail de 24 heures jeudi contre la loi El Khomri.

Quelques jours pour changer le rapport des forces

C’est donc une période de tous les dangers qui s’ouvre pour le gouvernement. De la puissance de la mobilisation dans ces secteurs-clés, de la capacité des travailleurs à tenir bon sur les grèves reconductibles et à faire converger leurs luttes dépendra la possibilité de gagner dans les prochains jours contre la loi travail, avec ou sans l’appui des directions syndicales.


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