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L’euro-zone après la crise grecque

Macron appelle à un « gouvernement de la zone euro ». La ligne Merkel aurait-elle gagné ?

Damien Bernard Dans un entretien au quotidien allemand, la Süddeutsche Zeitung, publié lundi dernier, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a détaillé ses propositions pour « un gouvernement de la zone euro », des éléments déjà esquissés début juin dans une tribune publiée dans le Figaro, avec son homologue allemand, Sigmar Gabriel. Après que le « Grexit » ait été évité pour le moment, cela au prix d’un nouveau plan d’austérité sans précédent pour les masses grecques, cette accélération du calendrier des déclarations d’intention pour « une union économique et sociale renforcée » sont-ils un signe de revirement stratégique de Hollande et de son gouvernement vis-à-vis de ses solutions initialement préconisées pour résoudre la crise de la zone euro ?

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Nouvelles institutions et transfert de souveraineté. Un appel à une dose de fédéralisme

Faisant échos à la tribune de Francois Hollande, publiée dans le JDD, Emmanuel Macron appelle à la création d’un « gouvernement de la zone euro » qui serait soucieux du « seul intérêt de l’ensemble de la zone euro » et « conduit par un commissaire aux compétences étendues » placé sous le contrôle d’une chambre du Parlement européen. Ce commissaire ne serait composé que de députés des seuls États membres de la zone euro et sera doté de « son propre budget » qui se doit d’être « significatif ».

Ce gouvernement serait en charge, selon le ministère de l’Economie, « de veiller aux transferts financiers nécessaires lorsqu’un pays est affecté par une crise » mais aussi « de promouvoir les réformes souhaitables pour éviter les divergences entre nos économies », et « d’attribuer des moyens d’investissement ou parler de politique du marché du travail ».

Avec la mise en place d’un budget « significatif », la décision d’un transfert de souveraineté nationale, notamment en ce qui concerne « les politiques dumarché du travail » à un pouvoir dirigeant la zone euro se plaçant au-dessus de l’ensemble des pays membres Macron appuie clairement la mise en place d’une dose de fédéralisme au sein de la zone euro et d’un « gouvernement de la zone euro » qui dépasserait le simple cadre de l’Union Monétaire, une ligne qui jusque-là n’était pas le choix du gouvernement et du patronat français .

La nécessité d’une « organisation renforcée ». Un appel à une « avant-garde »

Dans une lettre rendant « hommage à Jacques Delors », publié dans le Journal du dimanche le 19 juillet, suite à l’accord néocolonial sur la Grèce, François Hollande avait déjà émis l’idée d’un « gouvernement de la zone euro » auquel il s’agirait d’« ajouter un budget spécifique ainsi qu’un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique ».

Il y précise par la suite que le choix de « partager une monnaie » implique bien plus qu’une « convergence » d’autant plus qu’aucun gouvernement, « depuis quinzeans n’a pris la responsabilité d’en sortir ». La France est prête à participer« à une organisation renforcée »de la zone euro et à constituer,« avec les pays qui en décideront, une avant-garde » ajoute-t-il pour conclure.

Une « avant-garde » auquel appelle aussi Manuel Valls, le premier ministre, qui précise les termes et doit selon lui être constituée par les pays fondateurs de l’Union, « la France, l’Allemagne, l’Italie », a-t-il affirmé dimanche à la sortie d’une réunion avec les intermittents du spectacle à Avignon.

Cette « avant-garde », auquel font référence Hollande et Valls, constituerait ainsi le cœur de ce « gouvernement de la zone euro » et comprendrait tous « les pays qui en décideront », qui seront en l’occurrence prêt à suivre les règles édictées par « la France, l’Allemagne, l’Italie ». Ne serait-ce–t’il pas les prémices d’une zone euro à deux niveaux, le cœur dont les économies convergeraient, la périphérie lui étant soumis et partageant une autre zone ?

Vers le projet de Schäuble d’une zone euro à deux vitesses

Sur fond de crise Européenne qui dure depuis 2007, les plans des pays du centre européen bourgeois en discussion par rapport à l’avenir de l’UE partagent les pays de la zone euro en deux lignes.

La première position menée par la France et soutenue par les pays périphériques du Sud prévoyait de réformer et de renforcer les institutions de l’UE et de la zone euro en vue de résoudre la crise de la dette, notamment via l’émission des euro-obligations. Celles-ci visaient à éviter la spéculation sur les dettes des États les plus en difficultéviala mutualisation des dettes (et donc des risques) des pays de la zone euro, faisant ainsi porter le risque sur l’Allemagne et renchérissant de même sa capacité à se financer.

La seconde position, ligne défendue par l’Allemagne, envisage de créer une zone euro à deux vitesses avec un noyau fort et intégré économiquement autour de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche et d’autres pays du Nord et un noyau méditerranéen faible.

La crise grecque et la ligne dure portée par le diktat allemand jusqu’au bout, c’est-à-dire la défaite humiliante de Tsipras, aurait pu déboucher sur un « grexit » forcé ou un « grexit » temporaire (solution proposé par l’Allemagne « timeout »). Elle est, dans ce sens, un pas de plus vers le projet fédéraliste de Schäuble visant à créer une zone euro à deux vitesses et un signe de l’impatience de la bourgeoisie allemande qui a décidé, poussée par une crise Européenne qui ne voit pas de sortie proche, d’imposer ses désirata, profitant par la même d’un rapport de force de plus en plus favorable vis-à-vis de ses concurrents Européens, et au premier titre la France.

Avec l’épisode de la crise grecque et l’approfondissement de la crise en Europe, c’est une nette avancée de la ligne du projet fédéraliste de Schäuble et Merkel qui se dessine contre la ligne défendue par la France. Les déclarations à l’unisson de Francois Hollande et de son gouvernement pour la mise en place d’un « gouvernement de la zone euro » et la constitution d’une « avant-garde » autour de « la France, l’Allemagne, l’Italie » en sont un signe. Des déclarations que la chancelière Angela Merkel n’a en effet pas tardé à approuver, lors d’une conférence de presse à Berlin, en confirmant qu’elle plaidait « depuis des lustres » pour une zone euro approfondie.


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