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« Le moment n’est plus à l’opposition politique »

Macron et Philippe en appelle à « l’union sacrée » contre les gilets jaunes

Annulation de la hausse de la taxe du carburant pour 2019, consultation locale dans les prochains mois, les quelques « miettes » lâchées ne suffiront pas à apaiser la mobilisation des gilets jaunes et leur préparation de l’Acte IV. Et le gouvernement le sait. Sa nouvelle carte ? Assurer que « c’est la République qui est attaquée ». Et que les oppositions syndicales et politiques doivent se plier.

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Crédits photos : Photo Geoffroy VAN DER HASSELT. AFP

Le ton était martial et solennel. A deux reprises, mercredi 5 décembre, par la voix du porte-parole de l’Elysée, Benjamin Griveaux, puis du premier ministre, Edouard Philippe, le gouvernement a appelé les corps intermédiaires, - « forces politiques, forces syndicales et patronat » – et les gilets jaunes à prendre leur « responsabilité » : ne pas manifester samedi prochain.

Du carnaval de gilets fluo aux ennemis de la République

« Le moment n’est plus à l’opposition politique » a lancé Benjamin Griveaux en début d’après-midi. « Certains [gilets jaunes] veulent attaquer la République ». De grognons sympathiques dont le gouvernement assurait « comprendre la colère » il y a à peine quelques semaines, les gilets jaunes sont donc devenus, aux yeux du gouvernement, des ennemis de la République.

Avant le 17 novembre, le gouvernement les regardait avec une sorte de mépris inquiet, presque amusé de la tournure « carnavalesque » d’une France teintée de jaune aux entournures de ronds points, dont les revendications – la baisse des taxes – pouvaient encore être se soumettre à une lecture pro-Start-Up Nation. On s’en rappelle : les forces de l’ordre, nous rassurait le gouvernement, étaient alors présentes pour « protéger les manifestants ». Mais le glissement s’est fait très rapidement, au lendemain de l’Acte II de la mobilisation qui prend alors une nouvelle ampleur. La Macronie cherche maintenant à instiguer la division, ce poison déjà déversé durant la loi Travail et le 1er mai 2018 : voici venu le temps de l’opposition entre « mauvais casseurs » et « gentils manifestants »… sans grand succès. Au lendemain du 1er décembre, nouveau changement de braquet. C’est désormais la République qui est attaquée et l’ensemble des gilets jaunes qui sont délégitimés. Le seul bon gilet jaune qui reste est un gilet jaune « raisonnable ». Entendez, un gilet jaune qui se soumet au gouvernement en refusant d’exercer ses droits démocratiques et n’ira pas manifester.

Rejouer l’Union sacrée

Outre la criminalisation des gilets jaunes entonné par Benjamin Griveaux, Edouard Philippe a donné un second coup de tonnerre à destination de l’opposition. « La démocratie représentative est menacée » déclare-t-il en ouverture de son discours devant l’assemblée. Et sa clôture sonne comme une mise en garde : « tous les acteurs publics seront comptables de leur déclarations dans les jours qui viennent », a-t-il menacé.

En appelant les oppositions syndicales et politiques à la « responsabilité », le chef du gouvernement tente de rejouer l’Union Sacrée. Il cherche à ce que l’ensemble des partis fassent front derrière le gouvernement, à mettre de côté leurs oppositions politiques. Cette formule jouée au lendemain des attentats du 7 janvier et du 13 novembre 2015, pour la défense de la « République », ou durant la première guerre mondiale, pour celle de la « nation », donne un signe de l’ampleur du désarroi dans lequel la majorité gouvernementale est plongée. Une majorité qui n’hésite plus à employer un discours propre aux temps de guerre donc, à l’encontre de sa population et des classes laborieuses qui ont fait irruption dans la mobilisation des gilets jaunes : « Aux factieux, aux casseurs, nous leur ferons face et nous serons intraitables »

Une stratégie de la tension vacillante

« Le président a demandé aux forces politiques, aux forces syndicales, au patronat de lancer un appel clair et explicite au calme et au respect du cadre républicain », a rapporté Benjamin Griveaux. Un appel au secours étonnant de la part d’un gouvernement qui balaye et balade depuis 18 mois les corps intermédiaires – à l’exception du patronat dont les revendications ont été rapidement exaucées (loi pacte et plusieurs milliards d’exonérations de cotisations, suppression de l’Impôt sur la Fortune et Flat Tax) : la législation par ordonnance a mis à l’arrêt jusqu’à l’affaire Benalla les oppositions politiques du parlement, tandis que la méthode des « concertations », nouvel avatar du « dialogue social » que les directions syndicales ont cautionné, quand bien même cela ne leur convenait pas, ont permis au rouleau compresseur macronien de dérouler sans grande anicroche ses contre-réformes.

Si les principales organisations syndicales (CGT, FO, Sud, CFDT, Unsa) doivent se retrouver ce jeudi au local de la CFDT pour discuter avec l’objectif de faire front pour imposer le « dialogue social », à savoir la possibilité de récupérer les « miettes » que Macron n’a pas voulu donner depuis le début du quinquennat, la pression à la base, du moins chez à la CGT, à rejoindre la mobilisation des Gilets Jaunes commence à se faire sentir. Plusieurs syndicats (CGT Lafarge, Sud Rail) ont déjà décidé de rejoindre l’appel de samedi 8 décembre des Gilets Jaunes. Pour beaucoup de militants syndicaux, s’ils sont mobilisés, c’est déjà avec leurs gilets jaunes.

Convaincre les bases syndicales d’écouter leurs directions dans un appel au calme sera d’autant plus compliqué, qu’à trois semaines du début du conflit, Macron se refuse toujours à concéder quoi que ce soit. L’annulation de la hausse des taxes du carburant en 2019 n’arrive pas seulement trop tard du point de vue du développement de la mobilisation : selon le sondage Elabe pour BFM, effectué avant l’annonce de l’annulation de la taxe, 78% des sondés estiment que les mesures annoncées par Edouard Philippe ne répondent pas aux attentes des gilets jaunes. Pas plus que la promesse d’une mise en place de consultations régionales, dont on sait à quel point elles permettent à la Macronie d’écouter « la colère » sans jamais l’entendre.

Du côté de l’opposition politique, principalement du Rassemblement National et de la France Insoumise, la manœuvre est aussi complexe. Marine Le Pen qui n’appelle pas à manifester exige que le gouvernement cède. Tout comme Jean-Luc Mélenchon : « cédez ou partez » a-t-il répondu au premier ministre à l’Assemblée. Si une partie de leur base se mobilisent, le RN comme la FI, attendent surtout une capitalisation dans les urnes et n’ont pas grande prise sur le mouvement. Un appel au calme serait, de leur point de vue, contre-productifs.

La dernière cartouche et l’entrée en scène des militants syndicaux

Le gouvernement joue donc la stratégie de la tension. Et risquerait d’y laisser des plumes. En refusant de céder aux revendications, la seule cartouche qu’il lui reste, c’est bien…. la cartouche et la répression. Avec la mobilisation des gilets jaunes, ce sont les violences policières qui ont été données à voir à tout un nouveau secteur de la population. De plus en plus contestées, elles délégitiment également le pouvoir en place. Si une femme de 80 ans est morte à Marseille, le 1er décembre, sous le coup d’une grenade lacrymogène, il est possible que le gouvernement fasse un saut dans la répression. La violence sociale et politique se transforme de plus en plus dans une forme toujours plus autoritaire contre la majorité de population.

Dans ce contexte social bouillonnant, les bases syndicales et les militants politiques de la gauche doivent frapper le fer tant qu’il est chaud. Notamment au sein de la CGT, dans laquelle la direction continue de temporiser et se refuse à tout appel à la grève générale. Face à cette politique délétère et néfaste pour le mouvement social, les militants syndicaux doivent se lancer dans la bataille, quitte à désobéir à la direction de la centrale, à l’image de la CGT Lafarge. Bloquer la production pour revendiquer des hausses de salaires, l’abrogation des lois travail, l’augmentation des pensions et le sauvetage de la sécurité sociale par la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales, c’est maintenant ou jamais ne qu’il faut le faire. C’est aussi la dernière cartouche des gilets jaunes et de la classe ouvrière pour faire céder Macron et son monde.


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