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Extension du délit de solidarité

Macron se dit « prêt à attaquer en diffamation » toute personne dénonçant les violences policières »

Ce mardi, Emmanuel Macron se rendait à Calais afin d'exposer et de défendre sa politique migratoire. Lors de cette visite, ce dernier a maintenu sa ligne dure et autoritaire. Au menu, toujours plus de répression à l'égard des migrants, avec la promesse d'examens accélérés des demandes d'asiles, ainsi que des reconduites à la frontière plus efficaces. Mais ce tournant répressif s'adresse également aux militants, avec une extension du délit de solidarité.

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Face aux nombreux témoignages et dénonciations de migrants à propos des violences policières subies – harcèlement quotidiens, violences physiques, vols, confiscations de sacs de couchages, etc. – appuyés notamment sur le plan juridique par des associations, à l’instar d’Auberge des migrants et du Secours catholique qui ont récemment porté plainte contre X pour « destruction et dégradation des biens des migrants », dénonçant par la une « maltraitance institutionnelle », Emmanuel Macron a aujourd’hui tenu une position ferme, visant à réaffirmer la légitimité et l’autorité des forces de répression.

En effet, après avoir critiqué frontalement les associations qui ont dénoncé les violences policières perpétrées quotidiennement sur les migrants, ce dernier s’est placé comme un fervent défenseur des forces de l’ordre, affirmant, devant policiers, CRS et gendarmes : « Je ne laisserai personne caricaturer votre travail ».

Plus que ça, ce dernier a par la suite mené une offensive à l’égard de toutes celles et ceux qui oseraient dénoncer les violences policières opérées, dans ce cas-ci, contre les migrants. Ce dernier affirme en effet qu’il se sentirait prêt à « attaquer en diffamation ceux qui les accuseraient sans preuve ». Une déclaration qui, aux premiers abords, pourrait passer comme une lettre à la poste. En effet, toute accusation nécessite des preuves de son existence.

Cependant, il faut s’interroger sur cette notion juridique de preuve, sur son utilisation et son implication réelle. En effet, que représente aujourd’hui dans les faits une preuve dans son acception juridique, sinon quelque chose d’arbitraire, qui ne s’applique pas de la même manière selon les situations et les personnes, entérinée dans une forme de droit et de justice qui, comme l’histoire le démontre, se rangent constamment du côté des classes dominantes, de l’État et de son bras armé, la police ?

On ne peut isoler ce concept juridique de preuve du contexte social dans lequel il s’insère, contexte social inégalitaire, raciste, dans lequel toutes les voix ne se valent pas, et dans lequel bon nombre d’entre elles sont étouffées. Dans les cas de violences policières, malgré les dites preuves nécessaires, bien souvent apportées – à travers des témoignages, des vidéos, des analyses médicales, etc. – les non-lieux restent la norme. Malgré les preuves évidentes qui les accablaient, combien de policiers coupables d’agressions, d’harcèlement, de meurtre, ont été condamné ?

C’est cette impunité policière, qui permet aux forces de l’ordre de réprimer les migrants, mais également les personnes issues des quartiers populaires, les militants politiques, que Macron revendique et réaffirme aujourd’hui. Plus encore : à l’heure où le gouvernement choisi l’option du tout répressif en matière d’immigration, avec un renforcement des pouvoirs de la police et de l’administration – avec désormais la présence de la police et de la gendarmerie dans les centres d’hébergement, transformant ces structures d’accueil en structures de contrôle également – ce dernier souhaite mener une offensive contre tous ceux qui oseraient dénoncer cette violence et cette impunité.

À travers cette extension du délit de solidarité – déjà appliqué dernièrement dans les cas de solidarité avec les migrants, comme pour Cédric Herrou ou plus récemment Martine Landry - on a ici à faire à une attaque contre le droit des migrants à se défendre, à montrer la réalité, à dénoncer, ainsi qu’une attaque contre le milieu militant et ses droits. Si on ne sait pas comment ce discours va se matérialiser dans les faits – si le gouvernement va réellement réussir à punir et criminaliser toute contestation et résistance face au racisme d’Etat et ses effets et violences à l’encontre des migrants – ce dernier n’en perd pas pour autant son effet d’annonce.

Ce durcissement de ton et de position, utilisé par Macron afin de museler toute contestation et dénonciation, est également utilisé dans le but de créer un climat de peur, de tension et de dissuasion. Une logique d’ensemble, qui s’est également exprimée ces derniers jours dans le dossier de Notre Dame des Landes, notamment à travers les déclarations d’un dirigeant de la gendarmerie affirmant qu’ « il y aura des blessés des deux côtés, voire des morts », ou celles du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, qui réaffirme la détermination du gouvernement dans l’expulsion de la ZAD, ajoutant par ailleurs que celle-ci « sera évacuée des éléments les plus radicaux ». Ces déclarations et prises de positions démontrent une continuité dans la surenchère autoritaire de Macron. Une position autoritaire et très droitière, marquant un tournant répressif, de plus en plus assumée par Macron.

Un tournant autoritaire, en particulier sur les politiques migratoires, qui place cependant Macron dans la difficulté, approfondissant les contradictions auxquelles doit faire face ce dernier, élu notamment pour faire barrage au FN mais menant une politique migratoire très réactionnaire. Avec cette ligne trop ouvertement dure et répressive, ce dernier récolte en effet maintes oppositions dans le champ politique, du côté de la gauche hypocrite (on ne saurait oublier la politique réactionnaire menée par le parti socialiste lors du dernier quinquennat, qui a appliqué des politiques migratoires meurtrières et entériné l’Etat d’urgence). Gauche qui fustige le « manque d’humanité » (dixit Olivier Faure, Nouvelle Gauche) de la politique du gouvernement. Mais Macron s’oppose y compris à des oppositions au sein de son propre camp politique et à l’intérieur de sa majorité gouvernementale.

Face à ces déclarations et à cette volonté claire d’intimidation, il est primordial de ne pas céder à la pression et de continuer à dénoncer, décrire cette réalité sociale, son lot d’inégalités, d’exploitation et d’oppressions, et ce dans le but de la transformer. Ne pas perdre confiance et continuer à parler, dénoncer, témoigner, à l’instar dutémoignage de deux migrants, Hussein et Barack, paru aujourd’hui sur France Info, qui dénonce le harcèlement policier quotidien, s’inscrivant en faux contre le discours tenu dans la même journée par Macron qui nie et étouffe ces voix et ces vécus, fruits d’une politique dont il est l’un des principaux instigateurs.


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