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La com’ de Myriam El Khomri

Madame la Ministre, arrêtez de prendre les jeunes pour des cons

Au lendemain de son coup de mou, on peut dire que la ministre du Travail a repris du poil de la bête. Alors que la mobilisation commence à prendre de l'ampleur et que le 9 mars arrive à grand pas, le gouvernement cherche à revoir sa politique de communication. Face à tous ces travailleurs et tous ces jeunes qui, décidément, ne comprennent rien à son projet « pour l'avenir du pays », El Khomri est donc passée hier sur France 2 dans l'émission des « Quatre vérités » pour y livrer un message aussi papier glacé que condescendant. Décryptage du discours d'un gouvernement en mal de faire passer sa pilule antisociale. Ariane Tristan

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Sur France 2, ce jeudi matin, la ministre explique que «  le droit du travail protège en théorie, mais dans les faits, il y a de vrais difficultés  ».

Pour une fois, admettons-le, nous sommes d’accord avec la Ministre de la Dictature Patronale. Le droit du travail, en effet, loin d’être constitué de principes gravés dans le marbre, représente un état du rapport de force entre les travailleurs et les patrons. En ce sens, si certains droits ont pu être acquis de haute lutte par le mouvement ouvrier, ils sont constamment remis en cause dans la pratique. Le patronat, du privé comme du public, qui possède les moyens de production, les machines et les entreprises, cherche dans chaque situation de travail à faire du chantage au chômage. Un travailleur qui conteste ses conditions de travail, qui remet en cause les choix de l’entreprise, et c’est la porte ou le harcèlement moral quotidien jusqu’à ce qu’il craque.

Sur Révolution Permanente, nous avons déjà montré de nombreux cas scandaleux de travailleurs « licenciés pour trois fois rien ». Ils sont des milliers. Parmi les cas les plus parlant, dernièrement, il y a cet ouvrier de PSA Valencienne, licencié pour avoir « volé » un joint en caoutchouc destiné à la poubelle, cet autre ouvrier de Leroy-Somer licencié pour un message Facebook, ce salarié licencié pour avoir revendiqué un CDI après 20 ans de CDD, cette caissière licenciée pour un pack de bière non-scanné, ou encore ces salariées de Sephora menacées de licenciements pour un jeu ! Si certains de ces licenciements ont pu être annulés, c’est uniquement grâce à la mobilisation et au soutien des collègues. Et lorsque les prud’hommes ont pu prendre en charge le cas, c’est des mois ou bien souvent des années après... lorsque ce n’est pas pour désigner le directeur des ressources humaines qui a demandé le licenciement comme membre du jury ! Mais évidement, le discours de la Ministre, loin d’aller jusqu’au bout de l’analyse, diagnostique de façon bien étrange les « vraies difficultés » rencontrées par les travailleurs. La solution, pour El Khomri, c’est de détricoter les acquis des travailleurs.

« C’est absurde que les jeunes aient peur de cette loi. Ce sont eux les victimes de cette hyperprécarité, de ces CDD, de ces stages aussi. »

Sur la fin de cette citation, nous sommes là encore étonnement bien d’accord avec la Ministre de la Précarisation. D’après les chiffres de l’Observatoire des Inégalités, 34,1% des 15-29 ans en emploi ont un statut précaire. Derrière ce chiffre se cache bien souvent des situations terribles, car la précarité se combine dans ces cas avec une dépendance imposée vis-à-vis de sa famille ou de ses proches, avec toutes les limites en termes de liberté.

Mais ce dont la Ministre ne parle pas, c’est de ce que son projet de loi propose pour les jeunes, et notamment pour ceux qui bossent le plus tôt, à savoir les apprentis. Sa loi prévoit en effet de les faire travailler toujours plus : à partir de 15 ans, il sera possible de travailler 10 heures par jour, et 40 heures par semaine. En ce sens, la Ministre a beau jeu de citer les stages : dans les deux cas, il s’agit d’emplois réels qui devraient être rémunéré comme de vrais emplois et qui devraient prendre en compte la situation spécifique de la jeunesse travailleuse, en lutte pour son indépendance matérielle et morale, et non pour devenir de la chair à patron.

Mais là où la Ministre se trompe ouvertement, c’est sur la première partie de son affirmation. Les jeunes auraient donc peur ? Ce n’est pas ce que l’on peut observer dans l’appel des organisations de jeunesse ! Au contraire, les jeunes sont bien déterminés contre ce projet de loi. C’est plutôt le gouvernement qui, pour l’heure, a la frousse. D’où le report du projet de loi, pour tenter de gagner du temps.

« Il y a eu des questionnements sincères qui sont posés […] et puis il y a eu de la désinformation, de la manipulation également sur ce projet de loi »

Après les grandes envolées, voilà la condescendance. Alors que bientôt un million de signatures se sont accumulées contre son projet de loi, la Ministre nous parle de « questionnements sincères » (comme si de simples « questionnements » lui avaient été adressés, et non de vives critiques) et de « manipulation ». Tout un vocabulaire pour expliquer que les travailleurs et la jeunesse qui se préparent à se mobiliser pour le 9 mars ne sont, au mieux, que des gentils élèves à éduquer, et au pire, des imbéciles qui se feraient instrumentaliser.

Pourtant, en termes de manipulation, la Ministre n’est pas difficile à démasquer. En effet, elle parvient par la suite à expliquer dans la même phrase que les deux semaines de report sont faites pour « concerter les partenaires sociaux et aussi les parlementaires » et « trouver le juste point d’équilibre »… mais que cela se fera « sans dénaturer l’intégralité de cette loi » ! Un piège grossier dans lequel il ne nous faudra pas tomber. La gentille Ministre a beau expliquer qu’elle n’est pas « droit dans ses bottes » comme avait pu l’être Juppé, elle est bien déterminée à accomplir les projets du patronat.

En fin d’interview, le journaliste lui demande : « Face à cette pression énorme depuis quelques jours […], vous ne vous êtes jamais dit : qu’est ce que je suis venue faire dans cette galère ? » « - Non, vous savez, pour moi, ce qui m’affecte, c’est l’inertie dans mon pays. »

En bons travailleurs disciplinés qui attendent la leçon de Madame la Ministre, nous serions bien tristes de « l’affecter », elle qui a déjà fait un malaise en trébuchant sur nos conditions de travail et de vie. Si c’est bien de l’inertie qu’elle a peur, soyons résolus à lui démontrer qu’il n’y a pas « d’inertie » dans le pays, et que nous répondrons pied à pied à ses manœuvres cosmétiques et communicationnelles. Le 9 mars, dans la rue, et dès le lendemain, en AG, pour construire le mouvement et le rapport de force jusqu’au retrait pur et simple de ce projet de loi.

Non, Madame la Ministre, après Devaquet, après Villepin, vous ne prendrez pas impunément les jeunes et les travailleurs pour des cons.


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