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La réforme du ferroviaire et l'extrême droite

Marine Le Pen n’a jamais été et ne sera jamais du côté des cheminots

Invitée du 7-9 de France Inter, Marine Le Pen en a profité pour manifester son opposition à la réforme ferroviaire du gouvernement Macron-Philippe. Malgré la démagogie de la dirigeante frontiste, son instinct de millionnaire a été plus fort et la farce n’a été que de courte durée.

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« Evidemment, la logique de ce que le gouvernement souhaite faire avec la SNCF entraînera la disparition d’une partie importante de petites lignes au détriment de cette ruralité qui a déjà vu fermer des hôpitaux, des maternités, des casernes, des commissariats, La Poste et qui maintenant va voir fermer les gares », lance l’ex candidate présidentielle du FN sur l’antenne de France Inter.

Elle s’enthousiasme et continue en y allant de la ritournelle « contestataire » et « populaire » : « on est aujourd’hui en train de préparer la privatisation de la SNCF, on ne va pas se raconter des histoires. C’est toujours comme ça. Même s’ils s’en défendent la transformation de la SNCF en Société Anonyme et les injonctions de l’Union Européenne, vont pousser à la privatisation ». A ce stade de la révolte, elle en deviendrait presque anticapitaliste. Là-voilà donc qui tonne contre la logique du marché : la privatisation, « vous savez pourquoi ce sera le cas ? Parce que c’est la logique de l’ouverture à la concurrence. Est-ce que vous croyez que les sociétés privées vont aller sur les petites lignes ? Non. Or aujourd’hui la SNCF en réalité contrebalance les déficits qui existent sur les petites lignes, ça s’appelle le service public, avec les lignes qui sont rentables. Quand demain la concurrence va venir sur les grosses lignes rentables, eh bien on n’aura absolument plus aucun moyen de financer les petites lignes. Donc, à terme, c’est la fin de la SNCF telle que nous la connaissons ».

En effet, tout un discours de « populaire », radical, que l’héritière du père Le Pen manie avec une rare familiarité pour quelqu’un qui vient de Saint-Cloud. Mais qu’on ne s’affole pas. Marine Le Pen n’est pas encore prête pour le « cortège de tête », car le naturel est vite revenu au galop.

Ainsi, voulant argumenter en défense du statut des cheminots elle n’a pas pu éviter de tomber dans les préjugés les plus vulgaires de la propagande capitaliste anti-ouvrière : « sur le statut des cheminots, qu’il puisse y avoir des évolutions [comme] la prime charbon… c’est vrai qu’on se dit que c’est obsolète ». Raté ! Cette prime n’existe plus depuis les années 1970. C’est peut-être les anciennes fiches de Jean-Marie qui se sont glissées parmi celles de l’avocate reconvertie.

Un petit détail comme celui-là ne devrait pourtant pas empêcher que la championne « nationale et populaire » n’appelle à descendre dans la rue contre ce gouvernement et sa réforme ? Encore raté ! Le naturel revient au galop mais la rue n’est pas bonne pour ce galop naturel. « Vous appelez à manifester contre cette loi ? » lui demande-ton. Et la frontiste de répondre, clairement embarrassée : « non mais, moi vous savez la manifestation c’est quelque part une culture de gauche…  ». Et logiquement Marine Le Pen dévie la question vers l’un de ses thèmes préférés malgré son soi-disant « tournant populaire » de ces dernières années : l’attaque contre les organisations ouvrières. Ainsi, elle affirme, en essayant de se sortir de l’embarras : « moi ce que j’aimerais bien, encore une fois, c’est que les Français se posent des questions sur les syndicats qui sont censés les représenter. Et sur la complicité de ces syndicats dans la situation dont ils souffrent aujourd’hui ».

Effectivement, comme tout politicien au service de la classe capitaliste, Marine Le Pen, quoi qu’elle en dise et au-delà de sa démagogie habituelle, ne veut surtout pas de mobilisation des travailleurs. On se rappellera le silence assourdissant du FN pendant la lutte contre la Loi Travail en 2016. Son instinct de classe est plus fort et impose quelques limites à sa démagogie et à son hypocrisie.

Car la stratégie politique du FN vise à adopter quelques thématiques populaires, de les brandir un peu, faire semblant de radicalité, pour ensuite capitaliser électoralement. Aujourd’hui, Marine Le Pen veut surfer sur la vague de mécontentement vis-à-vis de Macron et de son gouvernement pour essayer de renverser une tendance à la crise crise que traverse le FN depuis l’échec des présidentielles et les départs qui ont eu lieu, notamment celui de Florent Philippot.

En outre, Marine Le Pen, en dénonçant la politique complice « des syndicats » vis-à-vis du gouvernement Macron, ne cherche pas que les travailleurs reprennent le contrôle de leurs organisations syndicales des mains des bureaucraties conciliatrices pour que ces syndicats soient mis au service de leurs intérêts. Non. Marine Le Pen mélange expressément « directions syndicales bureaucratiques » et « les syndicats » pour délégitimer toute activité organisée des travailleurs mettant dans le même sac les dirigeants syndicaux « partenaires » du patronat et du gouvernement et ceux qui tous les jours travaillent à se battre contre eux.

En réalité ce qui dérange Marine Le Pen ce n’est pas que les directions syndicales collaborent avec le gouvernement et le patronat mais qu’elles ne collaborent pas avec son FN. Elle aimerait que les syndicats lui soient inféodés, à l’image des syndicats de police et des autres forces répressives de l’Etat avec lesquels les lepénistes entretiennent d’étroits rapports.

Là aussi, pour le moment, c’est raté. Mais il ne faudrait pas laisser qu’une partie de notre classe tombe dans le piège nationaliste, raciste et xénophobe du lepénisme. Il ne faudrait pas non plus que les travailleurs tombent dans le piège des « concertations » macroniennes.

Et pour cela la meilleure façon de le faire reste la grève et la mobilisation dans la rue ; l’unité des travailleurs avec la jeunesse précarisée et avec les autres secteurs opprimés de la société. Aujourd’hui, avec l’attaque contre les cheminots, le fantôme de la grève de 1995 plane sur les rédactions des journaux capitalistes. Et ce n’est pas pour rien : le gouvernement attaque tous les secteurs, les uns après les autres, ou au même temps. Une grève dure des cheminots, en alliance avec la jeunesse qui commence à se battre contre la sélection à l’université et avec d’autres qui commencent à relever la tête pourrait être une première réponse et asseoir les bases d’un premier recul pour ce gouvernement arrogant au service des riches et du patronat. Alors, pour faire « d’une pierre, deux coups » en faisant reculer le gouvernement et en envoyant le FN là où il appartient, dans les beaux quartiers de l’Ouest parisien, il faut préparer la mobilisation et la lutte contre les attaques contre les cheminots.

Photo : Flickr | Polina Myakinchenko


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