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Pulse

Massacre d’Orlando. Terrorisme, racisme et LGBTQphobie

Dans la nuit du 11 au 12 juin à Orlando en Floride, un homme a ouvert le feu pendant plusieurs minutes sur les clients de la boîte de nuit LGBT Pulse, où se déroulait ce soir-là une soirée « Latino », faisant plus de 50 morts et 53 blessés. Il s’agit d’ores et déjà de la tuerie de masse la plus meurtrière aux Etats-Unis depuis le 11 Septembre 2001. Si le tueur a, selon les sources, prêté allégeance à l’État Islamique quelques minutes avant la tuerie en téléphonant au numéro d'urgence étasunien (le 911), son crime est manifestement dirigé à l'encontre de la communauté LGBTQ. Savvy Catachrone

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L’attentat, revendiqué par Daech, et perpétré par Omar Mateen, de nationalité américaine, ne peut pas pas se poser en dehors du cadre de ce qui créée le terreau au développement des ultraréaction-naire de l’Etat Islamique, à savoir les politiques des pays impérialistes, et au premier titre des Etats-Unis. Mais c’est aussi un aspect particulier du mode de vie occidental qui est visé. En effet, ce n’est pas seulement une boîte de nuit, lieu de fête et de libération sexuelle, que Mateen a prise pour cible, mais plus particulièrement un établissement fréquenté par une clientèle homo-, bi- et transsexuelle.

Une solidarité à œillères

La revendication de l’attentat par l’EI, que le tueur ait été en lien avec celui-ci ou qu’il s’ap-proprie la paternité d’une tragédie d’une ampleur inouïe, occupe la majorité des gros titres. Le terro-risme incarne en effet la menace à laquelle tous les pays, notamment ceux qui par leur guerre impé-rialiste, semble-t-il, sont exposés : un bon moyen pour tous les dirigeants de faire valoir leur quota d’empathie, instrumentalisant ainsi la violence subie par les victimes.

Ainsi, à l’instar de la présence du président gabonais Ali Bongo et autres personnalités peu attachées à la liberté de la presse à la marche républicaine consécutive aux attentats de janvier 2015 à Charlie Hebdo, certaines manifestations de soutien sonnent faux… Poutine, ennemi déclaré des personnes LGBT, se fend ainsi d’une condamnation du « crime barbare » commis à Orlando et va jusqu’à exprimer son soutien aux familles des victimes ! Donald Trump, candidat républicain aux élections présidentielles a essayé également de profiter du drame dans des buts racistes, rappelant dans un tweet ses positions islamophobes.

Mais l’hypocrisie est également de mise en France, où la Manif Pour Tous exprime sa « peine immense », alors qu’un de ses porte-parole qualifiait le « lobby gay » de « Daech de la pensée unique ». De la même manière, Christine Boutin, déjà condamnée en justice pour avoir qualifié l’homosexualité d’ « abomination » en 2014, partage sa prétendue « compassion » avec les victimes.

D’une façon plus globale, la communauté LGBTQ, qui est pourtant la cible évidente de l’attaque – le père du tueur ayant même tenu à mettre en avant l’homophobie de son fils, en écartant d’éventuels motifs religieux –, est ainsi résolument absente des messages de soutien, comme en témoigne ce florilège recueilli par Le Parisien et où l’on constate que, parmi les dirigeants solidaires, seuls le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le secrétaire général de l’OTAN font mention de la communauté victime.

Est-ce que le motif homophobe et transphobe de l’attaque est accessoire ? Est encore plus secondaire, semble-t-il, la fréquentation de la discothèque par une majorité de noir- et latino-américains : la double minorité, ethnique et de genre, touchée par Mateen, semble ainsi totalement occultée, comme le livre France Culture dans une analyse de l’invisibilisation – afin de recréer une unité interclassiste, ou les questions d’oppression de genre et de race sont effacés, face à une « bar-barie » qui est pourtant née dans le chaos généralisé au Moyen Orient et au Proche Orient, dont les gouvernements américains successifs sont les premiers responsables. Cette invisibilisation des op-pression de genre a commencé à être dénoncée dans certains articles : elle a même poussé le journaliste britannique Owen Jones à quitter le plateau de télévision dans lequel il se trouvait face à des interlocuteurs qui refusaient de qualifier de « homophobe » le massacre.

Genre, sexualité et conservatisme américain

De fait, le passif des Etats-Unis en matière d’attentats visant les communautés homo-sexuelles est important. « Avant le Pulse, il y avait eu UpStairs Lounge, le Backstreet café, l’Other-side Lounge ou le Neighbours » sous-titre ainsi Slate dans un article intitulé « La longue et tragique histoire des attentats contre les communautés homosexuelles aux Etats-Unis » : que de tragédies, souvent ponctuées d’une indifférence de la part des dirigeants qui fait écho à l’extrême violence des actes, mais aussi des propos tenus par les agresseurs.

La société américaine, très conservatrice, est en effet le cadre d’oppositions majeures en ma-tière de genre et sexualité, concernant notamment la visibilité des communautés LGBTQ sur le plan légal. L’homosexualité et les identités de genre plurielles sont ainsi vues par certains comme un affront à l’encontre de l’ensemble de la société américaine : ainsi, George W. Bush président avait fait rien de moins qu’agiter la menace de son veto concernant toute pénalisation de crimes de haine perpétrés sur des motifs de genres ou de sexualités ! Ce n’est qu’en 2009 que Barack Obama, tout en maintenant des politiques homophobes notamment sur l’interdiction du don de sang pour les homo-sexuels non abstinent depuis 12 mois, a pu faire passer le Matthew Shepard and James Byrd Jr. Hate Crimes Prevention Act malgré l’opposition quasi-unanime des Républicains…

La pilule a encore du mal à passer, et le chemin n’en finit plus de s’allonger : en témoigne le récent déferlement de haine sur un sujet pourtant en apparence anecdotique, l’usage des toilettes publiques par les personnes trans. Ainsi, on ne peut pas comprendre l’acte de Mateen en dehors du contexte de la montée de la droite réactionnaire LGBT-phobe et raciste qui s’est ralliée derrière Donald Trump et qui, partout dans le pays, a été à l’origine de centaines de lois anti-LGBT.

Quels que soient les motifs et affiliations d’Omar Mateen, il est indéniable que les communautés LGBTQ sont la cible de ce massacre d’une ampleur historique. Nous déplorons l’invisibilisation orchestrée par les médias et l’instrumentalisation de la violence par les diri-geants à des fins racistes, ou dans le but de justifier les guerres impérialistes. Nous tenons à exprimer tout notre soutien envers les minorités raciales, sexuelles et de genre dont la souf-france est systématiquement occultée par l’idéologie dominante. Nous espérons que les nom-breux blessés se rétablissent et puissent continuer à vivre selon leurs choix et leurs identités : la haine ne nous empêchera pas d’être qui nous sommes !


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