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Une balle dans le dos : « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner »

Meurtre d’Amine Bentounsi. Le tribunal va-t-il blanchir le flic qui l’a abattu ?

Dans le climat actuel, aidé par le raidissement autoritaire du gouvernement, la lepénisation de son discours et ses allures martiales, on entend tout sur tout. Et surtout n’importe quoi.Amine Bentounsi, abattu d’une balle dans le dos par un policier en avril 2012 alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle est comparé au plus dangereux des braqueurs pour mieux justifier son assassinat. Quant au flic qui l’a abattu et qui comparaît entre le 11 et le 15 janvier aux assises de Bobigny, à lire la presse, c’est quasiment lui la victime. Jean-Patrick Clech

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C’est assez peu courant de voir un policier dans le boxe des accusés passer aux assises. Généralement, les « bavures » sont classées sans suite. C’est dire combien les circonstances du meurtre d’Amine Bentounsi par un policier sont évidentes. Les enquêteurs de l’IGS, la police des polices, puis les juges d’instruction, n’ont pas pu ne pas pointer les arrangements avec la réalité et les nombreuses incohérences des témoignages du gardien de la paix, Damien Saboudjian, couvert par son officier et ses collègues.

Les faits remontent au 21 avril 2012. En 2005, Amine Bentoussi a été condamné à huit années de prison pour braquage à main armée d’un supermarché Auchan. En 2012, à l’époque des faits, il est en cavale à la suite d’une permission de sortie. Dénoncé et repéré devant un bar de Noisy-le-Sec et poursuivi par la police, il tente de fuir mais tombe, quelques minutes plus tard sur l’un des policiers à sa recherche. « Pris de panique » car il aurait été mis en joue par Amine Bentounsi (l’enquête dira que Bentounsi était armé au moment des faits mais les policiers ne le savaient pas et à aucun moment Bentounsi n’a montré son arme), le gardien de la paix tire quatre balles dans sa direction. Amine en reçoit une dans le dos, elle lui sera fatale.

Très tôt, les contradictions dans les récits des policiers présents ce soir-là, notamment dans celui du policier tireur, apparaissent. Surtout, les témoignages de voisins et d’automobilistes ayant assisté à la scène mettent à mal la version des flics. Personne n’a vu Amine Bentounsi braquer le policier ; en revanche, des automobilistes certifient avoir été mis en joue par Damien Saboudjian, particulièrement remonté en cette nuit de folie meurtrière policière. De quoi remettre en cause l’argument de légitime défense.

Bentounsi a été fauché par les balles de la police et sa sœur, Amal, sera la fondatrice, par la suite, du collectif « Urgence Notre Police Assassine ». Le meurtrier, lui, sera quasiment encensé par les politiciens, de gauche comme de droite qui, à l’époque, parlent de « présomption de légitime défense ». C’était la « réforme du Code pénal » avant l’heure. Ce dont Sarkozy rêvait, Hollande, Valls, Cazeneuve et Taubira l’ont fait. Pendant ce temps, la solidarité policière et institutionnelle jouait à plein également. Le fonctionnaire mis en examen a ainsi été choyé : maintien du traitement, choix de la région de mutation, accélération des démarches…

Dernière veulerie de la justice avant le procès, les faits reprochés à Saboudjian ont été requalifiés par le bas. Accusé dans un premier temps « d’homicide volontaire », il n’est finalement jugé que pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Abattre un homme d’une balle dans le dos, quand on est policier, c’est non-intentionnel.

Soutenu par les syndicats de flics, l’avocat de Saboudjian a déjà fait savoir qu’il entend que les assises de Bobigny blanchissent son client. Le meurtrier, lui, compte sur le climat d’état policier pour mieux échapper à une condamnation. Le procès devrait s’achever le 15 janvier, mais il met en lumière, une fois de plus, le long continuum entre les « bavures policières » et le raidissement progressif du cadre des libertés dans le contexte actuel d’extension de l’état d’urgence et de virage ultra-sécuritaire du gouvernement.


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