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Quand la mairie de Paris dévoile son vrai visage au tribunal administratif

Parodie de justice pour expulser les réfugiés du lycée Quarré

À Paris, cachées sous les beaux discours, les expulsions de campements de migrant-e-s et la traque aux sans-papiers continuent. L'un des lieux occupés par les migrant-e-s, le lycée Jean Quarré dans le 19e arrondissement (appelé « Maison des Réfugié-e-s »), vient d'être convoqué au Tribunal Administratif, la mairie ayant demandé à la justice une « expulsion sans délai des occupants sans droit ni titre » du bâtiment. Tout ça bien sûr, pour le respect de la « dignité » des migrant-e-s...

Marah Macna

25 septembre 2015

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Langue de bois, mensonge et brutalité, à la mode de Paris

Le lycée Jean-Quarré, désaffecté depuis des années, est occupé par quelques centaines de migrant-e-s depuis la fin du mois de juillet. À l’époque, grand seigneur, le premier adjoint de la Mairie de Paris, Bruno Julliard, avait déclaré« Ces migrants ont, au péril de leur vie, traversé le Sahara, la Méditerranée, ils ont fui la guerre en Afghanistan, au Soudan ou, pour les Érythréens, une dictature sanglante : la France, mais surtout Paris, leur doivent l’hospitalité et l’accueil ».La maire de Paris elle-même, Anne Hidalgo, affirmait alors dans une tribuneavec d’autres maires européens la « nécessité de maintenir nos sociétés généreuses ouvertes sur le monde ».Mais les belles paroles ont une fin, et cette semaine la Mairie de Paris a décidé de demander l’expulsion des habitant-e-s.

Pour ne pas trop donner l’impression de se renier, il faut quand même sortir les beaux atours. C’est donc dans son beau complet noir que le représentant de la mairie explique à la juge et aux soutiens présent-e-s en nombre dans la salle du Tribunal Administratif que c’est bien par humanisme et grandeur d’âme que la mairie demande l’expulsion du lycée. Il explique alors, « témoignages » à l’appui, que le lycée n’est pas aux normes de sécurité, que des épidémies se sont déclarées parmi les migrant-e-s, que des « rixes » ont été constaté, et que les riverains se sont plaints de la situation. Plus encore, le représentant explique à la barre que, justement, le plan de la mairie pour ce bâtiment était de le transformer en centre d’hébergement d’urgence depuis longtemps car « la ville a la plus grande considération pour ces personnes qu’on dit migrants ». Et c’est pour cela, d’après lui, qu’il y a « urgence » à expulser le lycée, « urgence » à ce que la justice se prononce, même si cela nécessite de ne notifier la séance du tribunal que deux heures avant sa tenue...

Mensonge, mensonge, mensonge. L’avocat de la défense, membre des soutiens du lieu, reprend point par point. Les « témoignages » ? Un article de Libération inclus dans le dossier de recours de la mairie qui ne cite que des anonymes et des « on-dit ». Ou encore, une liste d’appel des « riverains », mais aucune plainte enregistrée par la police. Et puis les véritables « riverains », comme le soulève l’avocat, « est-ce que ce ne sont pas ceux qui se mobilisent pour venir en aide ? ». La volonté de la mairie de transformer le lycée désaffecté en centre d’hébergement ? Il n’en ait aucune trace : ni note, ni compte-rendu, ni mémo...« ni même un post-it », comme le soulignera ironiquement l’avocat. L’urgence invoquée par la mairie ? Cela fait deux mois que les migrant-e-s ont trouvé refuge dans ce lycée désaffecté, qui évidemment n’est pas le lieu idéal, mais qui est celui qu’ils ont réussi à obtenir. De nombreux représentants de la mairie sont d’ailleurs passés depuis le début au lycée. Ont-ils « découvert » l’urgence, d’un jour à l’autre ? Ou bien derrière tout cela, n’y a t-il qu’une simple vitrine politicienne destinée à préserver autant que possible l’image mensongère d’une ville « humaine » ?

Mensonge aussi, dans lequel le représentant s’embourbe dans sa langue de bois, lorsqu’il prétend que c’est pour « préserver la dignité des migrant-e-s » que la mairie demande l’expulsion. A la rue, sans abri, est-ce ainsi que les problèmes réels vécus par les migrant-e-s vont être réglés ? Les épidémies, les tensions et les bagarres s’arrêtent-elles donc lorsqu’on dort sur le beau trottoir parisien ? Le représentant de la préfecture de police, présent au tribunal, profite d’une intervention pour se plaindre que les occupant-e-s du lycée ne laissent pas la police entrer à l’intérieur... Parce que les matraques et les gaz des CRS, devant la halle Pajol, ça aussi, c’était pour la dignité des migrant-e-s ?

Et puis parfois, les mensonges doivent cesser, car même cette justice de classe doit parfois se vêtir d’un peu d’impartialité. Ainsi, lorsque la juge lui demande si des logements sont prévus pour accueillir les habitant-e-s expulsé-e-s, le représentant de la mairie est bien embêté. Il finit pourtant par avouer crûment : « nous voulons une expulsion sans délai, mais ce qui se passe après, je ne peux pas vous dire ». Bien sûr, « autant que possible », la mairie cherche des relogements.Mais là...

Les relogements que proposent « habituellement » la mairie de Paris sont en effet très critiqués par les migrant-e-s et leur soutien. Des habitant-e-s du lycée en reviennent d’ailleurs, refusant d’être éparpillé-e-s au quatre coin de la région parisienne, isolé-e-s dans des centres, sans ticket de métro pour revenir sur Paris, parfois entassés dans des chambres et sans aide juridique. Isolés et divisés pour mieux cacher la misère, voilà donc la devise de Paris version PS. Mais ce vendredi, dans le tribunal, la mairie dévoile enfin son vrai visage : elle n’a pas de solution, et ne cherche même pas à faire semblant d’en avoir.

Pourtant des logements vides, des lycées désaffectés et des casernes abandonnés qui pourraient être réhabilités et reconverties pour ceux et celles qui en ont le plus besoin, il y en a. La solution, ce n’est pas l’expulsion du lycée Quarré, mais des logements pour toutes et tous, dans des conditions décentes, avec l’accès à la santé, l’éducation... Mais cela, cette mairie qui relaie les politiques du gouvernement ne peut pas l’offrir, car il faudrait s’attaquer à ceux qui les possèdent et qui spéculent, tout en abandonnant l’image de carte postale qu’ils sont en train d’essayer d’imposer à Paris. Mais dans cette salle de tribunal, ce sont leurs règles qui dirigent, et qui permettent notamment à la juge de refuser le renvoi du procès demandé par l’avocat.

Et leurs règles viennent de décider que le lycée sera évacué de ses « occupants sans titre », comme il est écrit sur le rendu du tribunal : « Le juge des référés a enjoint aux personnes occupant le site de l’ancien lycée Jean Quarré (Paris 19e) de libérer les locaux sans délai. Au terme d’un mois, la ville de Paris pourra procéder à leur expulsion avec le concours de la force publique. ». Deux phrases lapidaires pour expliquer qu’on envoie des gens dormir à la rue, c’est ainsi. A nous de réagir, car décidément dans ce monde-là, même pour être simplement solidaires avec les plus démuni-e-s, on ne peut compter que sur ses propres forces.


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