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« Mon père et mon frère sont morts de cancers »

Monsanto : Les agriculteurs, intoxiqués au glyphosate

Alors que la décision de la Commission Européenne sur la prolongation de la vente du glyphosate a été reportée, ce sont des millions d’agriculteurs qui continuent à s’intoxiquer au Roundup, au profit de la multinationale Monsanto. Témoignages.

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Crédits Photos : Thierry Esch / Paris Match

Ce mercredi 25 octobre devait avoir lieu le vote à Bruxelles sur le renouvellement de la licence du glyphosate, expirant fin décembre, en présence des représentants des États membres de l’Union Européenne. Mais ce vote, faisant l’objet d’un bras de fer entre les ONG en faveur de l’interdiction du glyphosate et la Commission Européenne sous l’influence des lobbys de Monsanto a été reporté à une date non définie, sans doute pour contourner la pression qui pèse sur son interdiction.

La Commission Européenne vise maintenant un renouvellement de l’autorisation de la substance pour encore 5 à 7 ans, sans mettre sur la table la question de son interdiction. Jorgo Riss, président pour l’Europe de Greenpeace l’a accusé de "privilégier les intérêts à court terme des entreprises chimiques à la santé des gens et à l’environnement".

En effet, le glyphosate est la substance active du Roundup, herbicide le plus utilisé au monde, commercialisé depuis 1974 par Monsanto, la multinationale Monsanto est déjà reconnue coupable d’atteinte aux droits humains et d’écocide.
L’impact du glyphosate sur la santé est dénoncé par de nombreuses victimes, dont les témoignages sont par exemple recueillis par l’association Génération futures. Ce sont les agriculteurs, en contact avec le désherbant quotidiennement qui sont le plus touchés.

Le cancer, maintenant reconnu comme maladie professionnelle

John Barton, 68 ans : « Toute ma vie, on m’a dit que le principal ingrédient du Roundup, le glyphosate, n’était pas dangereux. Pendant cinquante ans, j’ai versé des milliers de litres de cet herbicide de Monsanto sur mes champs de coton. En 2015, j’ai fait examiner des grosseurs dans mon cou. On a découvert que j’avais un lymphome non hodgkinien de stade 3. Quand vous entendez le mot « cancer », c’est comme si on vous coupait le souffle. Même si vous avez un soutien familial, la souffrance est immense. J’ai commencé à vraiment travailler dans les champs en 1975, plus ou moins quand le Roundup a été commercialisé. Monsanto continue de dire que le Roundup n’est pas dangereux. Je veux que les citoyens puissent connaître les risques qu’il y a à utiliser du glyphosate. Que ce ne soit pas une multinationale, qui fait du profit aux dépens des vies, qui décide à leur place. Mon père et mon frère sont morts de cancers. Mon fils a travaillé sur la ferme, il a maintenant des problèmes osseux. On doit aller à Los Angeles pour trouver des médecins en mesure d’identifier ce qu’il a. »

Armel Richomme, agriculteur, a subi une ablation de la rate en 2013, souffrant lui aussi d’un lymphome. Son cancer a été reconnu comme maladie professionnelle. « Je suis en colère parce qu’on a empoisonné mon mari », réagit Brigitte Richomme, elle aussi agricultrice.

Marc Laloux, 79 ans, a utilisé du glyphosate pendant plus de 30 ans. Il est tombé malade en 2013, et décrit les premiers symptômes de son lymphome. « J’ai eu des points de douleur dans le dos, qui m’empêchaient de dormir. J’ai perdu 17 kilos en quatre semaines. »

Monsanto, habituée aux scandales sanitaires

Le glyphosate n’est pas le premier scandale sanitaire de Monsanto. Depuis 2004, Paul François connaît des troubles neurologiques suite à une intoxication due au produit chimique LASSO, un herbicide produit par la multinationale. Il a par la suite intenté un procès suite auquel la firme a été jugée responsable en appel de l’intoxication en septembre 2015.

En 2011, Jean-Marie Desdions intente lui aussi un procès à la firme. Il a été intoxiqué par le chlorobenzène présent dans un produit de Monsanto, le Lasso, aujourd’hui reconnu comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Son myélome, qui lui a déjà valu huit ans de chimiothérapie et trois greffes de moelle osseuse a été reconnu maladie professionnelle. « A l’époque, sur les bidons de Lasso, il était écrit ce mensonge noir sur blanc : “La très faible toxicité du Lasso n’entraîne pas de précautions particulières pour l’utilisateur dans les conditions normales d’emploi.” « Dans les années 1980-1990, on ne se méfiait pas. Sans protection, j’ai inhalé des poussières dues à cette pellicule de molécules, invisibles et vicieuses, qu’on répand sur le sol pour désherber les champs de maïs : du chlore associé au benzène. J’en ai mis sur mes terres de 1978 à 2007, année où la France a enfin retiré le produit du marché. »

Des milliards en jeu

Aujourd’hui, 90% des surfaces agricoles dans le monde sont traitées au glyphosate. Monsanto vend plus 825 000 tonnes par an de Roundup, ce qui représente 40% de son chiffre d’affaire, soit 4 milliards d’euros par an.

Il est bien évident que Monsanto protège ses ventes, sans aucune considération pour l’impact sur la santé et sur l’environnement. La firme mentait déjà en 1996, notamment dans une publicité mensongère qui lui a valu une amende de 15 000 euros « Roundup, le premier désherbant biodégradable. Ne pollue ni la terre, ni l’os de Rex ».

La firme alloue un budget d’un peu plus d’un million d’euros par an au lobbying. Elle mène notamment la Glysophate Task Force (GTF) qui a présenté des études sur le glyphosate, sur lesquelles s’est appuyée l’EFSA (sécurité des aliments) pour conclure que le glyphosate n’était ‘’probablement pas cancérigène’’.

Les gouvernements au service des multinationales

Ce n’est pas la première fois que l’autorisation du glyphosate est reportée. Celle-ci expirait en juin 2016 et aurait pu ne pas être renouvelée. Mais l’autorisation de mise sur le marché européen est finalement renouvelée pour une période de 18 mois, jusqu’à décembre 2017, malgré des études alarmantes des scientifiques du CIRC (Centre International de Recherches sur le Cancer) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui l’ont déclaré ‘probablement’ cancérogène.

En n’interdisant pas le glyphosate, et en acceptant le lobbying de Monsanto, les représentants des États sont donc non seulement complices mais surtout au service de la multinationale, qui intoxique des milliers d’agriculteurs dans le monde depuis des décennies. Ceci n’est que la conséquence du système capitaliste et des institutions qui le maintiennent et le perpétuent, mettant leurs profits devant les vies des agriculteurs.


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