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Pour une université ouverte à tou-te-s !

Montpellier : rassemblement pour les sans-facs. Quel bilan ?

Dom Thomas Malgré un tractage offensif ces derniers jours, le rassemblement appelé hier mardi 27 septembre à l'université Paul Valéry afin d'exiger l'inscription de tous les étudiants refusés par l'administration en cette rentrée n'a pas mobilisé à la hauteur des espérances : l'heure est donc au bilan. Faut-il en conclure que sur le campus, c'est l'indifférence généralisée face au sort de ces étudiants ? Qu'a-t-il manqué à la mobilisation d'hier matin pour que la mayonnaise prenne ?

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Hier matin, rendez-vous était donné à 9h devant la bibliothèque universitaire, à l’heure où le Conseil d’Administration se tenait dans le bâtiment d’en face. L’objectif : réclamer l’inscription de toutes et tous les étudiants interdits d’inscription cette année à Montpellier 3, qui sont au moins une centaine. Les motifs de refus sont en effet nombreux, dans l’opacité la plus complète pour les personnes concernées : si l’administration argue parfois d’un « niveau insuffisant », c’est en fait qu’elle donne la priorité aux étudiants qui viennent d’avoir leur bac, ou qui étaient déjà dans l’académie l’année dernière. Pour d’autres, c’est l’instauration de la sélection à l’entrée en M2 – légalisée discrètement par le gouvernement en plein mouvement contre la loi travail – qui les laisse sur le carreau, avec un M1 bien inutile sur un marché du travail particulièrement dégradé actuellement.

La situation n’est ni inédite, ni locale : des milliers d’étudiants s’étaient déjà retrouvés « sans-fac » l’an dernier un peu partout en France. Si les principaux médias en avaient un peu parlé à l’époque, le problème se pose de nouveau cette année, dans le black-out médiatique le plus total. L’administration de Paul Valéry applique ainsi plus ou moins docilement, mais en tout cas sans jamais trop déborder des cadres, les consignes et contraintes imposées par le gouvernement, notamment à travers l’utilisation controversée du logiciel Admission Post-Bac.


Un rassemblement qui laisse sur sa faim

A l’heure dite, ce sont entre 30 et 40 personnes qui ont convergé vers le lieu du rassemblement : un nombre relativement faible au vu du rapport de force qu’il aurait fallu réussir à construire pour pouvoir mettre une réelle pression sur le CA en cours, dont les membres avaient d’ailleurs verrouillé les portes de l’intérieur. La motion réclamant l’inscription sans délai de tous les étudiants refusés, présentée lors de la séance grâce au soutien d’une élue étudiante, a fini par être votée, mais a été rejetée en bloc. Si les trois élus étudiants ainsi qu’un élu CGT ont voté pour, le reste de l’assemblée a voté contre : un vote, du camp professoral notamment, mais également des "personnalités extérieures" membres du CA depuis la loi LRU, qui en dit long sur l’élitisme décomplexé qui règne de plus en plus dans les universités françaises.

Lors des deux journées de tractage organisées en amont du rassemblement, on avait pourtant pu remarquer une écoute plutôt attentive des étudiants qui recevaient le tract. Interpelés par la situation – la fac refuse donc des étudiants ? - beaucoup s’arrêtaient pour discuter, étonnés, voire scandalisés. Cette réception plutôt bonne laissait donc espérer une présence plus massive au rassemblement. Comment alors interpréter cet échec sur le plan quantitatif ?

Pour massifier, faire émerger un cadre unitaire de lutte

Il est évident qu’en cette rentrée, le lent déclin du mouvement contre la loi travail, qui a agité le campus au printemps, pèse sur le moral des étudiants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement a campé jusqu’au bout sur ses positions, n’hésitant pas à avoir recours à la force dans la rue, dans les tribunaux et à l’assemblée avec le 49-3 : une victoire aurait été un signe fort aidant la jeunesse mobilisée, qui n’a pas connu de grande victoire depuis qu’elle milite, à reprendre confiance dans sa capacité d’action. D’autres éléments sont cependant à prendre en compte pour expliquer la faiblesse numérique du rassemblement.

Pour commencer, l’absence quasi-totale, quelques élus CGT mis à part, de soutien de la part des personnels administratifs et enseignants, pose évidemment une limite dommageable à la mise en mouvement unitaire sur la fac. Si à Toulouse, les enseignants et personnels du département de psychologie sont , avec le soutien de leurs étudiants et de l’UFR de philosophie, en grève depuis 10 jours pour défendre leurs conditions de travail et les conditions d’étude de leurs étudiants, les personnels de l’université Paul Valéry restent en effet pour leur part bien silencieux face aux refus d’inscription locaux. C’est pourtant la même baisse des budgets qui provoque tant la dégradation de leurs conditions de travail que la dégradation des conditions d’étude et les refus d’inscription : s’allier pour refuser cette baisse de moyens, c’est se donner enfin la possibilité d’en finir avec cette politique de destruction du service public d’éducation, et d’aller vers une véritable université ouverte à toutes et tous.

La préparation du rassemblement a en outre mis en évidence la grande difficulté à construire un cadre de lutte unitaire dans lequel les différentes forces du mouvement étudiant en présence, syndicats étudiants, étudiants sans fac et comité de mobilisation issu du printemps dernier, pourraient taper ensemble sur le même clou pour obtenir victoire.

Si le SCUM (Syndicat de Combat Universitaire Montpelliérain) est apparu comme le syndicat le plus à même d’organiser les sans-facs qui se sont adressés à lui et de faire naître une dynamique collective, ses principales figures prônent dans le feu de l’action, une stratégie qui, en dehors de tout rapport de force, revient à admettre dès le départ qu’on a perdu. Leur principal argument, c’est d’ailleurs de dire que « si on ne fait pas ça, on ne fait jamais rien » ; un argument qui justifie alors n’importe quelle décision « pourvu qu’on fasse quelque chose », quitte à menacer personnellement les membres du conseil des études et de la vie universitaire ou à inciter une petite vingtaine d’étudiants à bloquer les portes de sortie du conseil d’administration pour empêcher ses membres de sortir. Comment le blocage aurait-il pu, avec si peu de monde, tenir toute la journée et faire face aux inévitables coups de pression de l’administration ?

L’UNEF, de son côté et si l’on en croit les dires de son dirigeant local, a été efficace pour repérer les étudiants sans fac sur les chaînes d’inscription : près d’une soixantaine de cas aurait été recensés, et des dossiers de recours ont été montés. Une efficacité qui aurait pu être redoublée si les contacts en question avaient pu être mutualisés, comme évoqué en assemblée générale, à travers le cadre d’auto-organisation naissant que constitue la « commission sans-fac ». Malheureusement, les tentatives en ce sens sont restées vaines. La moitié des cas recensés n’a donc pas été prévenue du rassemblement faute de disponibilité du syndicat pour les contacter : le contrôle et la propriété des « contacts » priment-ils donc sur la réussite du rassemblement et de la mobilisation collective ?

Pour sa part Solidaires Étudiant-e-s, très mobilisé au printemps, semble avoir fait le choix de ne pas s’investir outre mesure dans la lutte pour les sans-facs. Si leur soutien logistique a permis la réussite d’une des journées de tractage, leur présence au rassemblement est restée discrète.

Enfin, le comité de mobilisation est resté, pour sa part, très tiraillé entre résignation et volonté de poursuivre le mouvement contre la loi travail. Echaudé par les expériences faites au printemps avec l’UNEF d’une part, le SCUM d’autre part, l’enthousiasme semblait manquer pour se lancer dans une lutte commune. En cette période de rentrée et à l’heure où les directions syndicales semblent malheureusement avoir enterré toute possibilité de poursuite offensive du mouvement, la question des sans-fac peut pourtant, en plus de porter directement ses fruits pour les étudiants concernés, apparaître comme une brèche de politisation sur le campus – à condition qu’on s’en saisisse à bras le corps.

Après le mouvement de l’an dernier, nous sommes un certain nombre à ne pas vouloir « rentrer chez nous », nous éparpiller et reprendre nos vies d’avant, nos études, notre boulot alimentaire et notre train-train quotidien. Si on veut travailler à la politisation du campus, en prenant appui sur l’avant-garde étudiante qui s’est levée au printemps, et en tenant compte de la situation à la fois dramatique et prometteuse qui caractérise cette rentrée, il faut qu’on sache construire un front unique efficace pour frapper ensemble lorsque l’occasion de lutter se présente. Et la question de l’accès et du droit aux études pour tous, au-delà de nos divergences, vaudrait pour le moins qu’on s’y attelle !


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