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Dès la rentrée prochaine, elle sera dessaisie de ses activités de gestion du régime obligatoire des étudiants

Mort de la LMDE. Une bonne nouvelle ?

Guillaume Loïc La nouvelle est tombée le 12 mai dernier, à la suite d'une assemblée générale de La Mutuelle des étudiants (LMDE) : dès la rentrée prochaine, cette dernière sera dessaisie de la gestion du régime de sécurité sociale des étudiants, qui reviendra à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). C'est la fin d'une délégation qui date de 1948, et avait permis à l'époque de faire accéder les étudiants à la sécu.

10 juin 2015

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Aussi brusque que soit le changement qui se prépare, il ne s’agit pas d’une surprise. La LMDE était sous administration provisoire depuis juillet dernier, et ses difficultés financières sont connues. Au total, elle cumule plus de 90 millions d’euros de dettes entre remboursements en souffrance, impayés aux hôpitaux, de loyer, etc. Le véritable enjeu est de savoir ce que ce naufrage fera à l’accès aux soins des étudiantes et étudiants, qui est déjà bien mal en point. Car l’Etat et les grandes sociétés d’assurance à la manœuvre sont engagés depuis des lustres dans le démantèlement progressif de la sécu.

Retards, corruption, bureaucratisme : le cauchemar des étudiantes et étudiants

Les 2,2 millions d’étudiants ont aujourd’hui le choix entre deux grands réseaux de mutuelles, les SMER et la LMDE, et toutes et tous font l’expérience au quotidien de l’inefficacité de ces structures. La seconde détient, pour les dernières années, le triste record des plus longs délais de délivrance de la carte vitale, souvent plus de 3 mois alors que nombre d’usagers du régime étudiant n’y transite qu’un ou deux ans. Les retards de remboursement sont aussi le lot commun, dans un contexte où il était devenu impossible de joindre les services de la LMDE, structurellement débordés. Au total, c’est la santé des étudiantes et étudiants qui en pâtit directement, une part significative d’entre eux renonçant à se faire soigner faute de pouvoir avancer les frais si longtemps, ou de disposer du temps nécessaire à tant de paperasse.

Les mutuelles du réseau SMER ne sont pas en reste, et notamment, à chaque rentrée, pour embobiner exactement comme les commerciaux de la LMDE des étudiants qui se voient imposer l’adhésion à une complémentaire, ou à une caisse sans connaître l’existence de l’autre. La « mutuelle des étudiants » symbolise néanmoins tout particulièrement la dégénérescence qui a touché le mouvement étudiant dans la dernière période. En 1998, on découvrait que son ancêtre la MNEF, elle aussi gérée par la bureaucratie de l’Union nationale des étudiants de France (Unef), avait servi de trésor alimentant les emplois fictifs de cette dernière et du parti socialiste pendant plus de 16 ans. Aujourd’hui encore, une vingtaine de membres de la direction de l’Unef « administrent » ou « conseillent » la LMDE pour des « primes » (les postes étant officiellement bénévoles) de près de 2000 euros par mois !

120 suppressions de poste et un nivellement par le bas de l’accès aux soins

C’est sur cette situation intolérable que l’Etat s’appuie pour justifier le démantèlement de la LMDE, qui présage à terme de celui du régime étudiant de sécurité sociale. Ce dernier était né en 1948 du combat mené par l’Unef de l’époque pour faire accéder les usagers des universités à la toute nouvelle sécurité sociale. Les étudiants n’étant pas en mesure de cotiser directement, ils paieraient une prime annuelle, et recevrait un financement complémentaire issu du budget de l’assurance maladie, c’est à dire de la part de salaire socialisé à travers les cotisations des travailleurs.

Depuis l’annonce du dessaisissement de la LMDE, les autorités vantent la reprise des dossiers étudiants par la CNAM comme une perspective positive pour leurs détenteurs, qui vont accéder à la qualité de service de cette institution. La réalité est toute autre. Non seulement il reste à voir dans la pratique comment se passera le transfert des près de un million de dossiers détenus par la LMDE, alors que 120 postes sur les 600 que comptait cette dernière vont être immédiatement supprimés. Mais, surtout, la véritable question à poser est celle du niveau de remboursement des soins. Sur ce terrain, aucune garantie n’a été donnée, et intégrer les étudiants au régime général revient en effet à leur faire supporter aussi la régression en cours depuis des années au sein de ce dernier.

Complémentaire santé : les grands appétits

Le régime étudiant est néanmoins lui aussi limité, y compris pour des besoins essentiels. Pour tout ce qui concerne la médecine spécialisée, et en particulier les soins dentaires et ophtalmologiques, impossible de compter sur la sécu pour se faire rembourser. Les mutuelles SMER comme la LMDE proposent donc de longue date des complémentaires santé, indispensables pour être correctement couvert mais inaccessible pour le budget de la plupart d’entre nous. A l’heure de démanteler La Mutuelle des étudiants, les appétits se sont éveillés parmi les capitalistes de ce secteur. L’Unef avait, dans un premier temps, écarté la perspective que de gros acteurs du monde des assurances puisse se saisir du gâteau, soit disant pour privilégier une solution « mutualiste ». Ce sera finalement Intériale, la mutuelle...des fonctionnaires de police, dirigée par l’ancien CRS Pascal Baubat. L’insulte faite à la tradition démocratique et combative du mouvement étudiant est d’autant plus forte que tout indique qu’Intériale sert ici de prête nom au groupe multinational Axa, qui considère avec envie les 150 000 dossiers de complémentaires santé issus de la LMDE.

L’accès aux soins, un combat étudiant et démocratique

La société dans laquelle nous vivons est traversée de scandales qui, pour être quotidiens, se banalisent jusqu’à devenir quasiment invisibles. Le fait que l’on soit devenus capables, et facilement, de produire des quantités phénoménales de médicaments et d’infrastructures de soins, mais pas d’assurer leur accès à l’ensemble de la population, fait partie de ces bizarrerie qui montre le caractère rétrograde de ce système. La santé est en effet, dans la logique capitaliste, une marchandise comme une autre. L’affaire qui touche la LMDE devrait donc inciter tous les jeunes à se repencher sur ce problème, en commençant par reprendre le chemin de la lutte pour un remboursement intégral des dépenses de santé, par la sécu elle même et sans aucune avance de frais. Pour en finir avec le renoncement aux soins, ceux-ci doivent être accessibles directement sur les universités, avec un service spécifique pour la protection maternelle et infantile.

Ces derniers mois, la direction de l’Unef avait dénoncé systématiquement comme calomnieuses toutes les fuites révélant les avantages qu’elle tire de sa gestion de la LMDE, en se posant en défenseure de cette dernière. La facilité avec laquelle elle accepte le dessaisissement pourrait donc paraître déconcertante, William Martinet (le président du syndicat étudiant) saluant même la « continuité de valeur » permise par la solution qui va se mettre en place. En réalité, les choses sont simples à comprendre. Le mécanisme à travers lequel l’accès aux soins des étudiants risque de reculer encore plus contient en effet un deal favorable à la caste bureaucratique qui chapeaute le mouvement syndical étudiant. Dessaisie, la LMDE ne sera pas dissoute, et recevra encore 5 millions d’euros par an de la CNAM pour assurer les affiliations et...des « activités de sensibilisation », c’est à dire justement le poste budgétaire qui a servi à tous les détournements des dernières années. Les classes dominantes et leur gouvernement reconnaissent par là les précieux services que leur rend cette couche de privilégiés, qui se posent comme représentants étudiants sans rendre de compte à personne, et a été essentielle pour faire passer les contre réformes comme la Loi de responsabilité des université et la loi Fioraso. La seule manière d’assurer un système d’accès aux soins qui couvre l’ensemble des besoins et soit géré efficacement consisterait donc à en placer la direction sous le contrôle des étudiants eux-même, à travers des responsables élus et révocables à tout moment.

02/06/2015.


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