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Xénophobie d’État

Nouvelles fissures en Macronie autour de la politique anti-migrants du gouvernement

Le gouvernement a envoyé ces derniers jours une consigne claire à ses députés concernant la proposition de loi sur le placement en rétention des migrants, qui a pour objectif l'alignement effectif sur le régime d'asile européen et son règlement de Dublin. La version, durcie et droitisée par le Sénat devait être adoptée telle quelle, ceci afin d'éviter une nouvelle navette parlementaire qui repousserait de quelques mois l'adoption effective de cette loi. 31 députés du groupe majoritaire ont cependant cosignés trois amendements qui visent à rétablir le texte d'origine.

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Credits photo : Ensemble-fdg

La ligne ultra droitière et répressive en matière de sécurité et d’immigration, de plus en plus assumée par le gouvernement et son ministre de l’intérieur, continue de créer des tensions et des fissures au sein de la majorité. Le refus des 31 députés En Marche d’appliquer la version modifiée et durcie par le Sénat de cette loi sur la rétention des migrants, et ce malgré la consigne claire de leur gouvernement, en est le reflet. Alors que le texte doit être discuté jeudi dans l’hémicycle, ces derniers ont en effet cosigné trois amendements qu’ils ont déposé lundi soir, visant à rétablir le texte d’origine : « Cet amendement a pour objectif de revenir au texte voté en première lecture à l’Assemblée Nationale », déclarent t-il.

Cette loi sur le placement en rétention des migrants a pour but, selon le rapporteur Jean-Luc Warsmann, député UDI, de « combler un vide juridique » et « la bonne application du régime d’asile européen ». Dans l’application de sa politique anti-migrants, qui vise à durcir les conditions d’accès au droit d’asile, faciliter les mesures de reconductions et les expulsions - et ce en criminalisant toujours plus les migrants à l’aide de mesures et de lois toujours plus liberticides et criminelles - le gouvernement s’est retrouvé face à quelques impasses.

Notamment dans sa volonté de s’aligner et de rendre effectif le règlement européen de Dublin, qui oblige les personnes « dublinées » à déposer leur dossier dans le premier pays européens où elles sont entrées et ont été enregistrées – souvent la Grèce ou l’Italie - leur refusant toute possibilité d’effectuer une demande d’asile ailleurs.

Aujourd’hui, cette règle européenne des « pays tiers » n’a pas de résonance juridique dans le droit français. En septembre dernier, la Cours de Cassation avait en effet estimé que les critères pour placer en rétention un demandeur d’asile « dubliné » étaient trop flous. Le projet de loi qui sera à nouveau examiné ce jeudi vise donc à préciser les critères, apporter une définition juridique qui permette de placer en rétention un demandeur d’asile soumis au règlement de Dublin, accordant de ce fait à l’État la possibilité d’enfermer davantage, plus facilement et en toute légalité des personnes « dublinées » en centre de rétention dans l’attente de la décision de justice concernant le renvoi vers l’État membre où ils ont d’abord été enregistrés. Ce projet de loi entérine toujours plus la logique de l’enfermement et sa banalisation prônée par Macron et Gérard Collomb, qui entend augmenter les capacités de rétention, promettant la création de 400 places d’ici la fin de l’année. Ce projet est de ce fait la porte ouverte à des enfermements arbitraires, le temps d’examiner la situation de chacun. « Cette nouvelle logique étendrait de façon inédite et disproportionnée l’enfermement des personnes en procédure "Dublin". Elles seraient privées de liberté uniquement pour déterminer l’État européen responsable de leur demande d’asile. » déclare la Cimade.

Déjà très réactionnaire et dans la lignée du tournant répressif en matière d’immigration, le projet de loi initialement validé par l’Assemblée Nationale a été musclé par le Sénat, majoritairement à droite, qui a notamment élargit les critères de placement en rétention – pour avoir dissimulé des « éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes d’asiles antérieures » un migrant pourra être enfermé ! - et raccourcis les délais de recours.

Face aux grognes que ce durcissement a suscité au sein de la majorité, Macron et son gouvernement sont restés sur leur ligne dure et la stratégie adoptée en ce début de quinquennat pour imposer leurs mesures anti sociales : il faut aller vite et fort ! Hors de question de ce fait que les députés votent des amendements et que le texte reparte pour une nouvelle navette, repoussant l’adoption définitive de ce dernier de plusieurs mois. Ainsi, face à ces nouvelles fractures qui s’expriment en interne, la réponse du gouvernement est celle qui est utilisée depuis le début du quinquennat face à sa difficulté de faire passer son projet de loi « Asile et Immigration » : faire de la pédagogie, rencontrer les députés d’En Marche, les convaincre du bien fondé de ce tournant de plus en plus répressif.

Ainsi, Gérard Collomb a rencontré lundi dernier un groupe de députés LREM pour les convaincre de voter tel quel le texte amendé par le Sénat. Affirmant même qu’il serait possible de ne pas utiliser les ajouts du Sénat et les gommer dans le futur projet de loi « Asile et immigration », qui arrivera au Parlement au Printemps. On voit jusqu’où le gouvernement est prêt à aller pour faire passer ses attaques xénophobes. Mais cette curieuse manière de fabriquer la loi n’a pas fait consensus au sein des députés LREM. Certains ont exprimé leur « cas de conscience », regrettant que leur si mal nommé « équilibre » trouvé lors de la première proposition de loi approuvé par l’Assemblée nationale « ai été remis en cause ».

S’ils avaient tout d’abord obtempéré, 31 d’entre eux ont donc rétro pédalé, proposant les amendements visant à rétablir le texte d’origine. Parmi les cosignataires, des députés qui avaient déjà publiquement protesté contre certaines mesures de la circulaire Collomb du 12 décembre, notamment celle permettant le contrôle des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. Ainsi, Sonia Krimi, qui avait alerté sur les « centres de rétention [qui] deviennent des centres de détention et sont indignes de notre République », a cosigné ces amendements.

Cette proposition d’amendement n’a en soi rien d’extraordinaire. Il arrive en effet souvent que la majorité modifie une proposition de loi. Cependant, la consigne du gouvernement était claire, et le choix des députés de ne pas la suivre témoigne des fractures internes que le tournant très droitier opéré par le gouvernement en matière d’immigration engendre. Sa politique anti-migrants, xénophobe et ultra-répressive, en décalage avec les promesses de progressisme sociétal et d’humanisme d’Emmanuel Macron, est de plus en plus critiquée, et promet probablement de futures lignes de fractures au sein de la majorité LREM sur le texte « Asile et immigration ». Des lignes de fractures « sur la gauche » au sein de la sphère macronienne, qui témoigne d’une des multiples contradiction du président des riches


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