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#DoublePeine

« On demande aux victimes si elles ont joui » : témoignages glaçants sur le commissariat de Montpellier

Empêchées de porter plainte en raison de leur tenue, commentaires sur le fait qu’elles avaient bu et questions pour savoir si elles avaient joui : plusieurs témoignages de victimes d’agressions sexuelles ayant tenté de porter plainte au commissariat central de Montpellier relayés sur Twitter mettent en avant le comportement patriarcal de la police.

Matthias Lecourbe

1er octobre 2021

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Crédits photo : PASCAL GUYOT / AFP

Anna Toumazoff, militante féministe, a exposé dans une série de tweets le 28 septembre dernier plusieurs récits de victimes d’agressions sexuelles prises en charge par la police du commissariat central de Montpellier alors qu’elles voulaient déposer plainte.

« Au commissariat central de Montpellier, on explique aux victimes de viol qu’une personne qui a bu est forcément consentante » ; « On refuse de recevoir des victimes de viol en raison de leur tenue », « la seule réponse donnée est qu’elles l’ont bien cherché ». Tous les témoignages évoqués dans le fil de tweets et ceux ayant fleuri à travers le hashtag #DoublePeine vont dans le sens d’une banalisation et d’une justification des faits de la part des agents de police, parfois appelé victim blaming, et qui démontre le rôle patriarcal de l’institution policière où la parole des femmes est structurellement remise en question, niée, déformée pour culpabiliser celle qui tente d’obtenir Justice.

Face à l’écho de ces témoignages glaçants, la police nationale de l’Hérault a immédiatement nié les accusations de mauvais accueil des victimes en affirmant que toutes les victimes étaient accueillies, écoutées et orientées avec professionnalisme. Le préfet de l’Hérault a de façon conséquente à cette attitude de déni et de couverture des agents de police, qualifié les propos de dénonciation d’Anna Toumazoff de propos diffamatoires. La préfecture a d’ailleurs précisé qu’une plainte était envisagée par le Ministère de l’Intérieur contre la militante.

L’attitude de déni pur et simple de la part de la police nationale pourrait surprendre si elle n’était pas le reflet du patriarcat qui structure les institutions policières et judiciaires, peu important le nombre de lois censées réprimer les violences sexistes et sexuelles. De fait, l’objectif de la préfecture est d’empêcher que ne soit remis en question le rôle des commissariats dans la chaîne des violences patriarcales auquel doit faire face une femme qui tente de porter plainte.

À l’instar des résultats de l’enquête #PrendsMaPlainte publiée par NousToutes en 2021, qui montrent que 34 % seulement des victimes de violences sexuelles estiment avoir fait l’objet d’une bonne prise en charge en poste de police tandis que 67 % des enquêtées rapportent une banalisation des faits de violences sexuelles qu’elles étaient venues dénoncer. En parallèle, 56,6 % racontent un refus de la part de la police de prendre la plainte ou une tentative de les en dissuader, 55,2 % racontent une culpabilisation de la victime, 29,8% des moqueries, du sexisme ou des propos discriminants, voire une solidarité avec la personne mise en cause pour violences dans 26,2 % des cas.

Cette enquête a été menée par des militantes féministes en réponse à une annonce du Ministère de l’Intérieur faite au début 2021 proclamant que « 90% des femmes ayant porté plainte en 2020 pour des faits de violences conjugales étaient satisfaites de l’accueil en commissariats et gendarmeries ». Une annonce qui avait vocation à enterrer le vent de colère né de plusieurs féminicides comme celui de Chahinez, où les femmes avaient tenté de porter plainte sans succès à plusieurs reprises auparavant
Au-delà de la protection par la préfecture des policiers mis en cause par les témoignages relayés sur Twitter, c’est le rôle de l’institution judiciaire dans la perpétuation et la reproduction des violences sexistes et sexuelles que tente de préserver le préfet de Montpellier en menaçant la militante Anna Toumazoff.

Il n’y a rien à en attendre en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles de la part de ceux qui répriment nos mouvements sociaux et qui n’ont d’ailleurs pas hésité à violemment réprimer la marche nocturne du 8 mars 2020, parce que c’est le rôle de la police que de maintenir le statu quo dans une société inégalitaire, indépendamment de la formation des policiers aux questions de genre ou du nombre de femmes servant dans les brigades. Même si porter plainte peut être parfois une solution à titre individuel, seule la lutte féministe menée en toute indépendance de classe peut permettre l’émancipation des femmes et le développement de formes de justice progressistes.


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