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Des moyens pour l'educ

« On est dos au mur ». A Aubervilliers, le collège Makeba en grève face au manque d’AED

Au collège Makeba, à Aubervilliers, les enseignants et personnels de l’éducation nationale se sont tous mis en grève mardi matin. Ils dénoncent le manque de moyens humains qui les pousse à travailler dans des conditions dramatiques. Nous avons interviewé une professeure de l’établissement.

Nathan Deas

3 février 2021

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Révolution permanente : Ce matin, professeurs et personnels de l’éducation nationale ont tous exercé leur droit de retrait à Makeba, le collège où tu travailles, pour quelles raisons ?

Nous sommes partis d’un constat : les grosses difficultés que nous connaissons au niveau de la vie scolaire rendent notre travail difficilement praticable. Depuis la rentrée du 4 janvier, nous ne pouvons compter, en moyenne, que sur un ou deux surveillant(s) par jour pour 350 élèves, alors qu’ils devraient être au moins trois et que sur l’établissement nous sommes censés avoir trois postes et demi de surveillants. Cela pose d’énormes problèmes en terme de gestion des élèves, de sécurisation à l’entrée, d’organisation des flux dans les couloirs. Ces difficultés, elles ont déjà accouché de nouveaux incidents et la dynamique va en se dégradant puisque, quand de la rentrée de la Toussaint jusqu’aux vacances de Noël nous avions eu une dizaine d’incidents déclarés en dehors des cours, des cas de violence physique, de bagarres dans les cours de récréation, en à peine quatre semaines depuis la dernière rentrée, ce chiffre a doublé. Nous sommes passés d’une dizaine à une vingtaine d’incidents déclarés, et ce sans compter tous les incidents du quotidien qui ont lieu à l’intérieur des classes.

La semaine dernière, et ce à plusieurs reprises, nous avions observé qu’il n’y avait qu’un seul AED pour toute une journée ou demi-journée. Hier soir, nous avons appris qu’un nouveau surveillant était en arrêt maladie et que donc aujourd’hui, à nouveau, nous n’aurions qu’un seul surveillant pour tout le collège. L’ensemble du personnel enseignant et vie scolaire a alors décidé de mettre en place une réunion de crise ce matin avant l’ouverture du collège et de décider ensemble de se mettre en grève pour dénoncer ce manque de moyen et l’impossibilité de travailler dans ces conditions déplorables, à savoir un AED pour l’ensemble du collège.
Nous sommes en réalité dans l’urgence. Le risque c’est d’ouvrir un établissement sans aucun AED. A tout moment le collège pourrait alors partir en vrille et en terme de responsabilité morale, c’est très lourd à endosser. Nous travaillons quotidiennement dans des conditions qui ne sont pas acceptables. On nous met dos au mur.

Révolution Permanente : Après cette première journée de mobilisation, quelles suites comptez-vous donner au conflit ? Quelles sont vos revendications ?

Ce matin nous étions cent pour cent de gréviste. Nous avons d’ores et déjà décidé de reconduire la grève mercredi et jeudi, en attendant d’avoir des solutions. On est partis pour la reconduite de la grève jusqu’à l’obtention du remplacement des AED absents pour une longue durée.

Ce mardi, nous avons écrit un courrier adressé au rectorat pour mettre par écrit toutes nos revendications et dénoncer le manque de moyens humains, notamment en pleine crise sanitaire. Puisque ce sont sur les surveillants que reposent en grande partie le protocole sanitaire et son exécution : le port du masque, la distanciation entre les élèves et la limitation des brassages. Ces derniers jours, un nouveau protocole sanitaire plus strict nous a été envoyé. Par exemple, les recommandations en terme de distanciation sociale, notamment à la cantine, sont renforcées, puisque la distance préconisées est maintenant de deux mètres. Mais cela, il ne faut pas se leurrer sans les moyens humains que nous revendiquons, sera impossible à faire appliquer.

La question que nous posons, c’est peut-on continuer d’ouvrir les portes de notre établissement et accueillir les élèves sans pouvoir assurer leur intégrité et leur sécurité physique, sanitaire et morale ? La hiérarchie semble pour l’instant opposée à toute fermeture de l’établissement. Nous avons le sentiment que le message qu’elle nous renvoie, c’est qu’il faut attendre un incident très grave pour espérer une réaction, alors qu’on pourrait en amont trouver des solutions pour éviter d’en arriver à des problèmes lourds de conséquence.

D’autant plus que dans notre établissement il y a bien entendu le contexte sanitaire mais également une autre réalité très particulière. Depuis quelques semaines il y a des rixes inter quartiers qui se passent à l’extérieur du collège, mais nous ne sommes pas à l’abris que ces conflits traversent les portes de notre établissement et se rejouent à l’intérieur du collège s’il manque des surveillants. Au fond du couloir du premier étage, il pourrait très bien y avoir un règlement de compte pendant qu’un surveillant est posté à la grille pour gérer les entrées et sorties des élèves.

Ce que nous revendiquons c’est de traiter dans l’urgence les problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés, c’est-à-dire l’obtention du remplacement des AED absents, dont un temps plein en congé maladie depuis le 4 janvier. Dans l’immédiat ce que nous voulons ce sont ces remplacements-là : au moins d’un temps plein et de tous ceux qui ont des arrêts maladie supérieurs à une semaine. Il est impossible de faire fonctionner l’établissement avec un seul surveillant. Il y a une mise en danger des élèves et des personnels.

Révolution Permanente : Vous dénoncez le manque de moyen humain et les conditions dramatiques dans lesquelles les professeurs doivent enseigner. Ces dernières semaines, les personnels précaires de l’éducation nationale, et particulièrement les AED, se sont mobilisés pour revendiquer des embauches et une amélioration de leurs conditions de travail. Comment pensez-vous le lien entre leur mobilisation et la vôtre ?

Nous, en tant qu’enseignants, nous sommes bien évidemment solidaires avec nos AED et nous les soutenons. Notre grève fait justement écho à toutes les manifestations et mouvements de grève qu’il y a pu avoir dans les vies scolaires. A Makeba, nous travaillons en réseau d’éducation prioritaire renforcée, donc en Rep+. Nous sommes censés avoir les meilleures conditions pour pouvoir bien travailler avec le public qu’on accueille, mais ces conditions-là ne sont pas remplies. Les AED ne touchent pas la prime des réseaux d’éducation prioritaires alors qu’ils ont des temps pleins allant jusqu’à 41 h par semaine. Alors qu’ils font un boulot conséquent, ils voient tous les élèves contrairement à un enseignant qui a sa classe, et souvent pas les plus « faciles » : ils récupèrent les élèves exclus, retardataires. Leurs emplois sont précaires et ils ne sont pas reconnus à la juste valeur de ce qu’ils font qu’ils font. Clairement sur ce sujet, nous nous joignons à leur contestation. D’ailleurs aujourd’hui on a mis en place une caisse de grève et les premiers à en bénéficier seront les AED en grève.


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