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En guerre contre Macron et son monde

« On se lève et on se bat » : un 8 mars historique en France

Le 8 mars 2020 a été une réussite historique, avec des marches rassemblant des dizaines de milliers de manifestant.es à l'échelle nationale. Ces manifestations très combatives prennent place dans un contexte d'un retour de la lutte des classes et des luttes féministes en France et dans le monde entier.

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Les puissants soulèvements populaires de ces derniers mois, que ce soit en Algérie, au Chili, au Liban, ou encore à Hong Kong ont souvent vu, en première ligne de la lutte contre des systèmes qui les oppriment, les répriment et les exploitent, des centaines de milliers de jeunes femmes. D’une certaine manière, ce retour de la lutte des classes avait été anticipé par l’apparition d’une nouvelle vague féministe à l’échelle internationale, portée notamment par les mobilisations « Ni Una Menos » (« pas une de moins ») contre les féminicides en Amérique Latine mais aussi, dans un moindre mesure, par les témoignages #MeToo qui ont mis sur le caractère structurel du sexisme sur devant de la scène.

Ainsi, dans de très nombreux pays, les manifestations de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ont été massives – par exemple au Chili, où plus d’un million de manifestantes ont défilé à Santiago, la capitale. En France, la solidarité internationale s’est exprimée dans les slogans et les chants, dont le désormais incontournable « El violador eres tu » (« le violeur c’est toi »), né au Chili et visant directement l’État.

C’est dans ce contexte que la journée a été une réussite historique en France, réunissant beaucoup plus de manifestant-es que le 8 mars dernier. À Paris, en 2019, c’étaient quelques centaines de personnes qui se réunissaient Place de la République. Cette année, ce sont 60 000 femmes et hommes qui ont défilé dans les rues. De la même manière, à Toulouse, la marche a rassemblé 10 000 personnes contre 2 500 l’an dernier ; à Montpellier, 3 000, contre 500 en 2019, etc.

Des femmes en guerre contre Macron et son monde

Dans le nouveau cycle international de lutte des classes, la France tient une place importante, et pour cause : après plus d’un an de lutte acharnée des Gilets jaunes, c’est une grève historique par sa durée qui été menée, en particulier à la SNCF et à la RATP. Cette grève a vu de nombreuses femmes émerger comme militantes de la grève autour de revendications politiques et féministes.

Si depuis son élection, le gouvernement Macron multiplie les coups de com’ pour faire croire à une politique féministe, de plus en plus de femmes ne s’y trompent pas. La réforme des retraites, dans laquelle les femmes seraient, selon Édouard Philippe, les « grandes gagnantes », a déclenché de nombreuses réponses de la part des travailleuses. La marche du 8 mars était ironiquement intitulée « marche des grandes gagnantes ». La chorégraphie des Rosie, « icône de toutes les travailleuses invisibles » qui chantent « à cause de Macron, grandes perdantes nous serons » a continué d’être un énorme succès dans de nombreuses villes.

De nombreuses grévistes de la SNCF et de la RATP, mais aussi des enseignantes, étaient présentes dans les cortèges et notamment dans les cortèges du collectif Du Pain et des Roses. Il y a en effet de clairs éléments de continuité entre la lutte contre la réforme des retraites et les manifestations du 8 mars. Comme nous l’écrivions à propos du cortège parisien, le recours il y a seulement quelques jours à l’article le plus anti-démocratique de la constitution a marqué et radicalisé la manifestation au son du slogan « On est là, on est là ! Contre le patriarcat, et contre le 49.3, même si Macron ne veut pas, nous on est là ! ». La solidarité avec les femmes grévistes s’est alors exprimée tout au long du parcours, faisant par exemple du passage devant la gare d’Austerlitz un point d’étape important, mettant les cheminotes à l’honneur.

De plus, comme nous l’écrivions dans le dernier numéro de RP Dimanche, le retour de la grève reconductible a également réactivé dans le mouvement féministe des débats sur les méthodes d’action que nous devons mettre en œuvre pour lutter contre le système capitaliste patriarcal, notamment sur la pertinence de la grève du travail salarié ou de la grève du travail domestique.

Un autre élément qui témoigne de l’opposition des manifestant.es au gouvernement, c’est l’indignation très large exprimée après la répression de la marche nocturne du 7 mars, ainsi que les propos de Schiappa (« on parle d’une manifestation de nuit, organisée par des groupes antifascistes, anticapitalistes, féministes qui ont décidé de faire une manif de nuit » et qui n’aurait pas respecté le trajet) qui ne passent pas. Comme l’exprimait une internaute : « Quelles images ! Ce soir, la police de Castaner, Macron et Lallement a violemment réprimé une marche féministe de nuit. Mais les femmes présentes à cette marche n’ont pas l’intention de se laisser faire ni de se laisser impressionner par cette pseudo-démonstration de force. Elles se lèvent. Elles prennent la rue. Et elles se battent. N’en déplaise aux puissants. »

« On se lève et on se bat »

L’ampleur de la colère contre ce système patriarcal et capitaliste s’exprime dans tous les domaines, et notamment celui du cinéma, pourtant très feutré et élitiste. La condamnation de Harvey Weinstein et les dénonciations du sacre de Polanski aux Césars expriment la profondeur du mouvement contre les violences de genre, qui atteint et bouscule les plus hautes sphères de la bourgeoisie.

Ce phénomène s’exprime dans le succès impressionnant de la tribune de Virginie Despentes, qui déclarait, au lendemain des Césars, « Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, les exactions de votre police, les césars, votre réforme des retraites. En prime, il vous faut le silence de victimes. » La formule « C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. » a eu un grand succès, notamment en étant reprise sur de nombreuses pancartes ce 8 mars, mais aussi en étant détournée en « On se lève et on se bat », exprimant un passage de la résignation à la contestation, plus seulement une volonté de faire entendre sa voix, mais une volonté de renverser ce système.

Quelle organisation pour gagner ?

Une dernière particularité de ce mouvement naissant en France, que l’on a vu manifester les 23 novembre dernier et ce 8 mars, c’est son indépendance vis-à-vis des diverses organisations féministes qui existent aujourd’hui. Des milliers de femmes, dont de nombreuses lycéennes et étudiantes, sont de plus en plus nombreuses à se mobiliser sur ces journées propres au mouvement féministe, mais aucune direction claire du mouvement n’a émergé. À titre d’exemple, le collectif Nous Toutes, dirigé par Caroline de Haas, est une figure importante de l’organisation des manifestations, mais n’a pas la main sur le mouvement. C’est là une force de cet embryon de mouvement féministe, qui se développe indépendamment des institutions, du gouvernement mais aussi des grands partis politiques traditionnels.

Mais pour gagner sur nos revendications, il s’agirait de se lier avec tous les secteurs qui luttent contre Macron et son monde – les Gilets jaunes, les grévistes, le mouvement ouvrier – à plus forte raison quand de plus en plus de féministes revendiquent la grève comme moyen d’action, se réappropriant ainsi une arme importante du mouvement ouvrier traditionnel. Pour mener la bataille jusqu’au bout, le mouvement féministe aura besoin d’organisations et de collectifs qui se fixent l’objectif de nous doter d’une stratégie pour vaincre ce système capitaliste et patriarcal et de tisser des alliances avec l’ensemble des secteurs qui se fixent le même objectif. Construire ce type de groupe, c’est l’objectif que se fixent les militantes du collectif féministe et révolutionnaire Du Pain et des Roses – Révolution Permanente.

Crédit photo : O Phil des Contrastes


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