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Une fonction publique hospitalière sous tension

Où est passé le service public hospitalier de psychiatrie ? L’humain oui, le profit non.

A l’heure où je vous parle, les services publics français (Hôpitaux, SNCF, Poste... etc.) vont mal. Très mal. Malheureusement cela ne date pas d’aujourd’hui. Nous assistons, depuis une quarantaine d’années, à une dégradation de ces services qui s’accélère. Dans un contexte global social dicté par des mesures bien ancrées dans un système capitaliste, la baisse des moyens humains, financiers et matériels, se fait chaque jour un peu plus forte, tant pour les usagers que pour les professionnel-le-s. Cela sous couvert de nécessité, dans un monde qui dépenserait trop.

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Ainsi, les principales mesures, appliquées à ces fins, sur l’ensemble des services publics, sont de nouvelles lois, des restructurations, réorganisations de services et du temps de travail : fusions, absorbions de services, d’établissements, d’institutions, baisse des effectifs. Les professionnel-le-s sont précarisé-e-s : on privilégie les recrutements en CCD ou intérim à la place des CDI et/ou du statut de fonctionnaire, augmentation des cadences et de la charges de travail, baisse des budgets et en particuliers publics et les budgets restant sont de plus en plus privatisés. Les conséquences principales sont l’augmentation de la maltraitance (envers les usagers) et de la malmenance (envers les travailleur-euse-s), tandis qu’en parallèle on a une augmentation des profits et des bénéfices pour les dirigeants.

Plus spécifiquement dans la fonction publique hospitalière, en ce moment, de nombreuses maternités de proximité, dans tout le pays, sont menacées de fermetures. Mais c’est avec la loi de santé 2016 que ce sont concrétisés ces objectifs capitalistes. Ainsi nous avons vu naître les groupements hospitaliers de territoire : G.H.T. Ils correspondent à « un nouveau mode de coopération entre les établissements publics de santé à l’échelle d’un territoire. La coopération autour d’un projet médical partagé doit permettre aux établissements de santé de soigner mieux et à moindre coût. »[1] Les G.H.T concernent à la fois les hôpitaux dits « généraux » (qui concernent essentiellement les soins somatiques c’est-à-dire non psychiatriques) et les hôpitaux psychiatriques, qui en Ile-de-France ne font pas partie des établissements appartenant à l’assistance publique. À l’arrivée de cette loi, plusieurs hôpitaux ont lutté (personnel-le-s et syndicats) afin d’empêcher leur intégration au sein d’un G.H.T, amenant des conséquences désastreuses, dues notamment à un nivellement par le bas. Dans certaines zones géographiques, les établissements publics de santé ont ainsi gagné la non mise en place au sein de G.H.T, comme à l’hôpital psychiatrique Ville Evrard en Ile-de-France. Hélas, l’Etat avait prévu une durée limitée et non une suppression de cette mise en place. Ce qui explique pourquoi, à ce jour, l’ensemble des hôpitaux généraux et psychiatriques devraient finalement être organisés territorialement en G.H.T.

Une lutte particulière dans les hôpitaux psychiatriques

À Paris, la lutte des principaux hôpitaux psychiatriques n’a pas pu être victorieuse mais a néanmoins limité la casse. Car la lutte aboutit toujours à quelque chose. Il s’agit, à mon avis, de la question principale du rapport de force. Cependant, en psychiatrie et en particulier concernant l’accueil en hospitalisation des malades psychiatriques, cela n’a cessé de se dégrader ces dernières années. À tel point qu’à certains endroits, la prise en charge est redevenue telle qu’elle était au Moyen-Age. Pour moi c’est un scandale et une véritable honte pour un pays développé comme la France. Cela a déclenché un mouvement de lutte dans le secteur de la santé mentale.

C’est dans ce contexte en 2018 que les salarié-e-s de l’hôpital psychiatrique de St Etienne du Rouvray ont mené une grève victorieuse, de deux mois et demie, avec une grève de la faim de plusieurs grévistes pendant les 18 derniers jours, avec l’appui des syndicats et du collectif Les blouses noires. De même, les salarié-e-s de l’hôpital psychiatrique, du Havre, Pierre-Janet ont mené cette année une grève victorieuse de 26 jours dont seize où ils ont occupé le toit de l’établissement (ce qui leur a donné leur surnom de « Perchés »). Actuellement, c’est l’hôpital psychiatrique Pinel, à Amiens, qui est en lutte : les salarié-e-s en sont à plus de 80 jours de grèves, d’actions et de relais pour maintenir un piquet de grève permanent devant l’hôpital. Ils ont le soutien de nombreux militants hors ou dans le secteur, tout comme le mien. Nous espérons que le conflit se terminera par une victoire. Toutes ces personnes, qui se battent en France pour une psychiatrie véritablement humaine, revendiquent plus de moyens : ouverture ou réouverture de services et de lits (car ces dernières années on a une diminution continue du nombre de places) ainsi que l’embauche de plus de personnel, avec un statut non précaire (car la plupart des services sont désormais en sous-effectif et en particulier de soignants, avec les conséquences naturelles sur la qualité du soin et de l’accompagnement).

Un mouvement de contestation dans un G.H.T

À Paris, en psychiatrie, il y a trois hôpitaux publics de santé mentale : GPS Perray-Vaucluse, Centre hospitalier St Anne (CHSA) et l’établissement public de santé mentale Maison Blanche (EPSM) sont passés ces dernières années en G.H.T. Sous couvert de mutualisation des moyens, cela a permis aux directions de baisser l’ensemble des moyens, déjà en baisse par le système de santé actuelle, par des restructurations. Ainsi l’offre de soin s’en trouve dégradée et le personnel est de plus en plus sous pression et épuisé, en particulier le personnel soignant. Le G.H.T regroupe donc trois établissements de santé mentale et 150 sites sur l’ensemble de son territoire. Mais depuis quelques temps, avec le GHT, par exemple, la direction des ressources humaines de l’EPSM Maison Blanche se retrouve à gérer de plus en plus de dossiers du personnel : que ce soit à l’embauche des nouveaux professionnel-le-s ou dans la gestion quotidienne. Ainsi les gestionnaires se trouvent débordé-e-s et prennent du retard : environs 3 mois en ce moment, ce qui pose problème dans la signature notamment des renouvellements de contrats. Des collègues se retrouvent alors à travailler sans contrat, ce qui n’est pas légal.

Dans les unités d’hospitalisations, faute d’un entretien des locaux suffisants nous pouvons assister à des fuites dans les toilettes des chambres d’isolement, les rendant inutilisables. Or, les demandes de réparations sont maintenant centralisées au CHSA. Cela allonge l’attente pour le commencement des travaux de même que la durée de l’intervention. Or, il est inconcevable humainement qu’un patient reste plusieurs jours en chambre d’isolement sans avoir un accès direct à des toilettes. L’obligeant a sans cesse à interpeller les soignant-e-s pour l’y accompagner. Ce type d’évènement, à mon sens, vient réinterroger la notion d’enfermement en psychiatrie. Quant à l’impact sur les services sociaux des patients, dans ces trois établissements, nous pouvons citer par exemple la durée moyenne d’hospitalisation qui chute pour mieux rapporter financièrement. Sauf que le temps social et le temps médical ne sont pas les mêmes, et un certain nombre de nos patient-e-s sont sans domicile fixe (SDF). Or, dans une ville telle que Paris, ces dernières années, le temps pour obtenir un hébergement et même dans le cadre de l’urgence s’accroit de plus en plus du fait d’une saturation des dispositifs d’hébergements d’urgence et d’insertion. Ainsi sous l’argumentaire qu’il ne faut pas que le patient soit hospitalisé trop longtemps, les assistant-e-s sociaux-ales comme moi, se voient contraint-e-s de voir sortir des patients à la rue, qui ne sont pas toujours en accord avec ces « projets de sortie » sur lesquels l’équipe médico-social est sensée travaillé dans le cadre notamment de la prévention des rechutes.

Cependant, un mouvement social de contestation dans ce G.H.T. est né ces derniers mois, au début de l’été, sur Paris. Effet, la direction de ce groupement prévoit une fusion de ces trois établissements pour janvier 2019 non plus sous le nom de G.H.T, mais de G.H.U : groupement hospitalo-universitaire. Qui dit fusion, dit restructuration car il ne devra y avoir plus qu’une seule entité administrative. Les services en double ne pourront plus exister et dans les trois établissements tout devra fonctionner de la même manière. Plus de différences possibles : il s’agit donc pour la direction de tout homogénéiser : congés annuels (CA), organisation du temps de travail, mais surtout de revoir le projet médical, social, l’ensemble de la coordination de l’action social…etc.

Or, cela ressemble bien à un plan social déguisé où tout sera nivelé par le bas sous l’argument économique. La direction du G.H.T sous couvert de faire du dialogue social (car le G.H.U. va amener pas mal de changements) a organisé des négociations, avec l’ensemble des organisations syndicales des trois hôpitaux, pour discuter de comment mettre en place le G.H.U, qui jusque-là n’ont abouti à rien. Les syndicats ont donc lancé une pétition en direction du personnel, une vers les usagers, et organisé des temps d’informations des employé-e-s pour nous sensibiliser aux conséquences du futur G.H.U. Et, surtout, ils ont lancé, en intersyndicale, un appel à la grève, dans les trois établissements, pour le 6 septembre avec une assemblée générale, où le vote a permis la reconduite de la grève pour le lundi 10 septembre, jour où la direction du G.H.T. appelle à une dernière négociation, et à une manifestation.

Cette journée a réuni dans la rue, selon les syndicats, 1000 personnes dans un esprit revendicatif, combatif et de convergence avec des délégations des Blouses noires, des Perchés et de Pinel en lutte. La manifestation, partie du CHSA (en passant faire du bruit sous les fenêtres de la direction) a terminé place de l’hôtel de ville de Paris, où une délégation intersyndicale a été reçue auprès de l’adjointe à la santé. En effet, quelques mois plus tôt l’administration municipale parisienne avait voté OUI pour la mise en place du G.H.U sur son territoire. En comptant les personnes assignées (pour maintenir le service minimum à l’hôpital) on peut quand même noter que 37% des salarié-e-s étaient grévistes le 6 septembre 2018.

Aujourd’hui 10 septembre s’est tenue une réunion de négociation. la direction nous propose un protocole en dessous des protocoles existants. Le mouvement continue et une nouvelle Assemblée Générale aura lieu demain à 13h à Saint-Anne. Pour ma part je resterai attentive, et présente, à la suite de ce mouvement car il en va du maintien de l’offre de soin de qualité et pour cela de la lutte contre la marchandisation des services publics et de leur déshumanisation. Et comme on dit en manifestation :

« Ah c’est con Macron ! L’humain n’est pas rentable ! Santé, social grève générale ! »

Crédit photo : Révolution Permanente


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