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Géopolitique et sport

PSG, Mondial 2022. Quand la crise au Qatar fait trembler le monde du football

La situation de crise diplomatique dans les pays du Golfe secoue le monde du football. Des hauts fonctionnaires de la FIFA aux chroniqueurs télé, une question tourne en boucle : quel impact aura la crise sur le football ? Quand sport et politique dévoilent de façon évidente leur rapport intrinsèque.

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Crédits photo : AFP

Pour le Qatar, l’investissement dans le sport comme « soft power »

La crise ouverte entre le Qatar d’un côté, l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, le Yémen, les Emirats Arabes Unis (EAU), l’Egypte et les Îles Maldives de l ‘autre marque t-elle l’échec de la stratégie du « soft power » de cette petite pétro-monarchie, hautement dépendante des impérialistes mais ayant eu, ces dernières années, des velléités d’émancipation, notamment en termes de politique étrangère, pour exister vis-à-vis de ses puissants voisins, à commencer par le royaume saoudien ? En effet, conscient de sa faiblesse militaire, le Qatar avait entrepris à la fin des années 2000 un vaste plan d’investissement, dans l’industrie et, surtout, le sport. Avec l’acquisition de clubs, de football ou autre, l’investissement massif pour développer Bein Sport et l’organisation de nombreux événements sportifs– le Qatar visait l’organisation de pas moins de 50 compétitions internantionales sur la période 2013-2030 – le pays entendait se placer sur la carte du monde, renégocier ses liens diplomatiques avec les grandes puissances occidentales et ainsi se prévenir de possibles menaces de la part de ses voisins.

 Le Qatar n’a ni les moyens ni la volonté de se constituer une armée suffisamment forte pour contrer les éventuelles menaces multiformes qui pèsent sur lui. Le ’hard power’ classique est hors de sa portée. Il a donc choisi délibérément de miser sur le ’soft power’, afin d’être un point reconnu de tous sur la carte du monde. 

Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, en 2012

Force est de constater que les effets de cette stratégie sont des plus contrastés. A peine aura-t-elle eu l’effet de retarder les conflits majeurs, mais avec l’ouverture de cette crise diplomatique extrêmement violente, le « soft power » qatarien est-il menacé ? Pas pour l’heure, puisqu’il demeure le plus puissant outil à disposition de l’émirat pour ne pas sombrer dans le conflit armé.

Le mondial 2022 menacé. Un dossier embarrassant qui revient sur la table pour la FIFA

Les conséquences d’une crise prolongée serait toutefois catastrophique pour le Qatar. En effet, d’un point de vue purement matériel, les besoins d’importation pour la construction des infrastructures du mondial 2022 sont colossaux. Etant donné que les liaisons terrestres et aériennes sont aujourd’hui coupées, il va s’en dire que la tâche s’annoncera de plus en plus ardue si les tensions diplomatiques restent à un niveau élevé.

L’autre grand perdant de cette crise demeure la FIFA. Alors que l’obtention du mondial par le Qatar a été entachée par des affaires de corruption – qui, soit dit en passant, n’est pas la seule casserole que traîne la FIFA -, l’organisation mondiale du football pouvait s’appuyer sur un argument de poids : le Qatar était, jusqu’ici, le pays le plus stable du Golfe, ce qui permettait d’éluder allégrement les soupçons de corruption, voire de reléguer au second plan le fait qu’une demi-douzaine de financeurs privés du terrorisme islamiste ayant pignon sur rue sont présents au Qatar ou bien encore la situation d’esclavage et les morts à la pelle d’ouvriers immigrés sur les chantiers du mondial. Immédiatement, la FIFA a pris contact avec les organisateurs pour mesurer l’ampleur de la crise… Et le Qatar le sait, il n’est pas impossible que l’organisation de l’événement sportif le plus médiatisé après les Jeux Olympiques – sur lesquels, par ailleurs, les Qataris lorgnent pour l’édition 2032 – lui file entre les doigts si le conflit s’enlise.

Le PSG pas encore menacé ? Cela dépend de la position de l’impérialisme français !

Une question épineuse fait surchauffer les rédactions françaises : La crise au Qatar peut avoir un impact négatif sur le Paris-Saint-Germain ? Pour l’heure, une seule conséquence immédiate : celle du sponsoring. En effet, la société Fly Emirates, d’origine émirati, est le principal sponsor du club, pour 25 millions d’euros par an. Alors que des re-négociation devait s’ouvrir (le contrat expire en 2018), la crise diplomatique entre EAU et Qatar devrait selon toute vraisemblance avoir un certain impact.

Depuis 2008, le Qatar a investi pas moins de 12 milliards d’euros en France et Sarkozy avait joué un rôle prépondérant dans l’investissement qatari au PSG. Il fait donc peu dire que la dimension politique de la présence du Qatar dans le sport français (et pas que) est primordiale. Or, le reproche officiel des pays ayant rompu diplomatiquement avec le Qatar se trouve être… le financement du terrorisme. C’est donc bel et bien cette question qui revient sur le devant de la scène, ce qui pourrait sur le long terme devenir encombrant pour les autorités françaises. Un changement de position vis-à-vis du Qatar par l’impérialisme français serait donc à même de faire changer la situation, même si cette hypothèse est aujourd’hui peu crédible tant les intérêts financiers sont importants, même si les pressions côté Washington, pourraient aller croissant. Et l’on sait à quel point les intérêts économiques de l’État français priment, en dernière instance, sur tout le reste…


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