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Pas de coalition pour Netanhyaou

Benyamin Netanyahou avait jusqu’à mercredi 23h59 pour construire une coalition de gouvernement, mais il a échoué dans sa tentative. Il aurait pu laisser le président choisir quelqu’un d’autre pour accomplir cette tâche. Mais, cerné par les affaires judiciaires, il a préféré provoquer la dissolution de la Knesset pour tenter de sauver sa tête. De nouvelles élections vont donc avoir lieu. Une période d’incertitude s’ouvre pour Israël… et pour son premier ministre.

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Crédit photo : POOL

Comment Netanhyaou a-t-il échoué ?

Il avait pourtant réussi à gagner les élections. Même s’il était au coude à coude avec les trois anciens généraux du parti Bleu et Blanc, avec 35 sièges pour chacune des formations, il comptait trouver ses alliés dans les rangs des différents partis d’extrême-droite et des intégristes religieux pour rester premier ministre. Il lui fallait pour atteindre cet objectif, dégager une coalition lui permettant d’atteindre une majorité de 61 députés sur 120. Il avait jusqu’au mercredi 23h59 pour le faire. En cas d’échec, il n’y avait que deux possibilités : soit le président nommerait un autre député pour former une coalition, soit de nouvelles élections seraient convoquées.

Mais plusieurs obstacles se sont dressés sur son chemin. Et tout d’abord, cette fois-ci, c’est son ancien ministre de la défense et directeur de cabinet, Avigdor Lieberman, qui lui a mis des bâtons dans les roues, provoquant, par cette attitude, la colère du dirigeant du Likoud. Lieberman a d’ailleurs claqué la porte du gouvernement en décembre dernier en réaction à ce qu’il appelle la « souplesse » de Netanyahou vis à vis de Gaza et des Palestiniens. Homme d’extrême droite, Liebermann souhaiterait plus d’intransigeance à l’égard des Palestiniens, quitte à aller jusqu’à la guerre. Il a d’ailleurs, par le passé, fait scandale par ses déclarations, notamment lors des manifestations palestiniennes de la grande marche du retour. Il avait par exemple déclaré en 2015 que les Arabes israéliens qui ne seraient pas fidèles à l’État israélien « méritaient de se faire décapiter à la hache » et que la peine de mort était appropriée pour toute personne qui dénonçait la politique israélienne à l’encontre des Palestiniens.

Mais Liebermann a en outre un deuxième sujet d’opposition au premier ministre sur lequel il se montre tout aussi obstiné. Représentant politique de l’extrême droite laïque il est aussi le leader des israéliens russophones. Deux sérieuses raisons pour qu’il défende avec acharnement l’exigence de faire participer les ultra-orthodoxes à l’effort de « défense » d’Israël. Ces derniers sont en effet exemptés de service militaire en raison de leurs interdits religieux tandis que les russophones participent grandement à la conscription... Lieberman n’en démord pas, les extrémistes religieux doivent participer à la conscription. Pour l’instant, ils n’y participent pas, malgré une loi votée en 2018.

Nétanhyaou est rattrapé par ses affaires judicaires

Mais, au-delà de ses divergences avec celui qu’il croyait un allié et qu’il considère désormais comme le principal responsable de son échec, ce sont très largement ses manœuvres pour échapper à la justice qui lui reviennent en boomerang. Comptant sur son statut de premier ministre et son pouvoir auprès de la Knesset, Netanhyaou s’est attelé à faire passer dans les plus brefs délais deux lois susceptibles de lui garantir l’impunité tant qu’il serait au pouvoir. La première surnommée « loi française », en référence à nos chers présidents, ministres, députés et sénateurs qui en bénéficient, aurait eu pour objet d’établir l’immunité pour les responsables politiques en exercice, et notamment les députés. La seconde, complémentaire, aurait consisté à limiter les pouvoirs de la Cour suprême afin qu’elle ne puisse plus invalider les lois votées par la Knesset, et, entre autres, bien sûr, celle sur l’immunité.

Une telle intention de passage en force de la part du premier ministre, alors qu’il doit être entendu en octobre par les juges pour corruption, fraude et abus de confiance, a immédiatement mis vent debout l’opposition qui s’est momentanément unie contre lui. Allant du parti Hadash, parti d’extrême gauche juif et arabe au nouveau parti Bleu et Blanc des 3 anciens généraux de Tsahal, ils étaient entre 10 000 d’après la police et 80 000 d’après les organisateurs à se rassembler à Tel-Aviv contre « l’Erdoganisation » de l’État israélien

Les dirigeants du parti Bleu et Blanc, Benny Gantz et Yaïr Lapid - pourtant ouvertement contre la collaboration avec les partis arabes – ont été jusqu’à inviter à la tribune Ayman Odeh, dirigeant du parti Hadash, parti d’extrême gauche juif et arabe. Ils tentent ainsi de se présenter comme défenseurs de la Liberté et de la démocratie face à Netanyahou. Cette démonstration de force permet d’ancrer le parti Bleu et Blanc comme principal opposant au Likoud. C’est d’ailleurs la raison d’être de ce parti d’anciens généraux car au-delà de l’opposition à Netanyahou et à son manque de fermeté face aux « bandes armées » de Gaza, on ne peut pas dire qu’ils se démarquent par un programme clair. La présence de différentes forces de gauche assure une caution « gauche » à ce mouvement qui ne sera pas une solution pour Netanyahou.

Les obstacles se sont donc avérés insurmontables. Acculé, Netanhyaou a pourtant encore tenté de proposer aux travaillistes, ses ennemis jurés, de rejoindre sa coalition, promettant en échange d’arrêter son offensive législative. Ils ont refusé expliquant qu’ils ne seront « pas la bouée de sauvetage de Netanyahou ».
L’échec est donc consommé, la Knesset est dissoute et de nouvelles élections vont avoir lieu.

Les forces en présence pour cette nouvelle bagarre électorale

Lieberman souhaite probablement se débarrasser de « Bibi ». Au pouvoir depuis 2009, il est le premier ministre qui a été le plus longtemps à la tête de l’État israélien depuis sa création. Cela fait plus de 13 ans de Netanyahou, si l’on comptabilise son premier mandat entre 1996 et 1999.
Il semble plus proche de la fin qu’on aurait pu le penser et les affaires judiciaires accrochées à ses basques pourraient bien la précipiter.

Le président israélien, Réouven Rivlin, aurait d’ailleurs pu nommer une autre personne pour former une coalition. De nombreuses voix souhaitaient que ça soit Benny Gantz du parti Bleu et Blanc détenteur lui aussi de 35 sièges à la Knesset qui endosse ce rôle. Mais Lieberman avait annoncé qu’en cas de blocage il ne soutiendrait pas une autre candidature, mais une nouvelle élection. C’est chose faite. Le premier ministre israélien a eu beau fustiger son ancien ministre de la défense en déclarant : « Avigdor Liberman fait maintenant partie de la gauche ! On lui donne des voix de droite, mais lui ne donne pas sa voix pour un gouvernement de droite... Il fait tomber un gouvernement de droite », ça ne change pas la dure réalité pour lui.

Il est difficile d’imaginer que « Bibi » soit remplacé par un autre membre du Likoud. Le parti Bleu et Blanc espérait - même s’il n’y croyait pas trop - qu’en interne un putch ait lieu avec Gideon Saar qui est le principal opposant à Netanyahou au sein du Likoud, afin d’empêcher de nouvelles élections. Mais ce scénario n’a pas eu lieu. On peut imaginer, par contre, que malgré leurs différences programmatiques, Lieberman s’allie à une future majorité Bleu et Blanc, car sous leur fausse couleur centriste, les principaux leaders ont fait une campagne très à droite autour de Gaza et de la Palestine.

Netanyahou a donc tout fait pour se voir confier un nouveau mandat. Face à l’échec de sa tentative de coalition, il a préféré plonger l’État israélien dans une période d’instabilité politique plutôt que de laisser sa place car il sait très bien que c’est sa dernière chance. Un gouvernement formé par Gantz l’aurait écarté définitivement du pouvoir. Désormais il a un sursis de 4 mois pour partir à l’offensive et trouver le salut avant sa comparution devant les juges. Mais il se peut que cette stratégie ne fonctionne pas. Il n’est pas impossible que l’opposition le défasse dans les urnes dans le cas où le parti Bleu et Blanc obtiendrait un meilleur score qu’en avril. Il faudrait pour cela, au vu de la répartition actuelle des forces politiques israéliennes, qu’il parvienne à faire le grand écart entre Hadash et le parti d’extrême droite de Lieberman, Israel Beytenou, en passant par le parti travailliste. Une quadrature difficile à réaliser sans doute plus difficile que, pour Netanyahou, de faire l’union des droites, de l’extrême droite et des intégristes ultra-orthodoxes.

Quoiqu’il en soit, un nouveau compte à rebours s’est enclenché pour Netanyahou. Malheureusement pour les Palestiniens, le chemin le plus court pour lui pourrait être de faire en sorte de se rapprocher de Lieberman en lui concédant une position ouvertement plus agressive et guerrière dans les prochains mois.


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