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Urgence à l'hôpital

Plan blanc, épuisement, colère : unissons nos forces avec la lutte des soignants le 15 octobre

Le plan blanc, déclenché entre autres dans les hôpitaux d'Île-de-France, ouvre la voie à des réquisitions de soignants, le recours à des bénévoles et au tri des patients malades pour libérer des lits en réanimation. Face à la situation dramatique dans la santé, mobilisons-nous le 15 octobre.

Anna Ky

8 octobre 2020

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Crédits photo : AURORE MESENGE / AFP

Jeudi matin, Aurélien Rousseau, directeur de l’Agence régionale de santé en Île-de-France, a demandé aux hôpitaux de la région parisienne de déclencher leur plan blanc :

Ce type de plan, inscrit dans la loi depuis 2004, est sensé permettre à l’hôpital de faire face à une situation sanitaire exceptionnelle. Il avait déjà été déclenché dans les régions du Grand-Est et de l’Île-de-France le 6 mars 2020, avant d’être étendu le 13 mars à l’ensemble du pays, face à la pandémie de coronavirus.

Que révèle le déclenchement du plan blanc sur la deuxième vague de Covid et l’état des hôpitaux ?

Cette mesure exceptionnelle déclenchée dans les hôpitaux parisiens est sensée permettre aux soignants de faire face à un afflux exceptionnel de patients. Le plan blanc permet notamment à la direction des hôpitaux de réquisitionner les travailleurs en repos. Et on connaît les méthodes auxquelles peut recourir le gouvernement pour obliger des travailleurs à bouts de nerfs à travailler. Au printemps 2019, alors qu’une vague de grève parcourait les hôpitaux et en particulier les services d’urgence, certains soignants avaient été tirés du lit par des gendarmes qui les avaient obligé à prendre leur service le lendemain : « Il est 1 heure du matin dans la nuit de mardi à mercredi dernier relations nous dans un article datant de juin 2019. La gendarmerie frappe à la porte du domicile de Marie, la réveillant ainsi que ses enfants. Objectif : lui faire parvenir une réquisition pour l’obliger à prendre six heures plus tard, malgré la fatigue accumulée, à 7h du matin, un poste aux urgences de l’hôpital de Lons-le-Saunier, dans le Jura. »

Ce plan permet aussi de recourir à l’aide d’associations, notamment à des bénévoles secouristes pour les soins légers. On se souvient également que les étudiants infirmiers s’étaient vu obliger de travailler parfois gratuitement pour faire face à la première vague épidémique.

Ce que permet le plan blanc également, c’est de déprogrammer les activités « qui ne sont pas des urgences », telles que des consultations mais également certaines interventions chirurgicales. Pour désengorger les services hospitaliers, ce plan pousse à renvoyer les malades chez dès que possible. En d’autres termes, faute de place et de personnels, les patients sont triés et répartis en fonction de leur pathologie mais également de leur âge.

En mars dernier, certains travailleurs de l’hôpital avaient dénoncé ce tri des malades, qui les obligeait parfois à choisir qui allait survivre ou non. « Il va falloir faire des choix sur nos critères d’admission, non seulement en réanimation, mais tout simplement dans une structure hospitalière, expliquait alors un médecin du service de réanimation de Colmar aux journalistes de Mediapart. Quand on intube une personne de 70 ans, et qu’il prend le dernier lit disponible, nous sommes dans l’angoisse de voir arriver une heure plus tard une personne de 50 ans en détresse respiratoire. »

Plus encore que l’évolution de la pandémie, le recours à de telles mesures révèle en creux l’état dramatique dans lequel se trouvent les hôpitaux, qui fonctionnaient à flux tendu avant même les premiers cas de Covid-19. Dans un appel intersyndical, les soignants de la région toulousaine le rappellent : « Depuis 20 ans ce sont plusieurs dizaines de milliers de lits qui ont été supprimés, 8000 sur les 2 dernières années. Les "12500 lits de réanimation" annoncés par le ministre de la santé sont un mythe : pas un lit n’a été créé, il s’agit de lits existants pouvant être transformés, mais à quel prix ? Il est intolérable que pour la seconde fois de nombreux patients souffrant d’autres pathologies, parfois graves, se voient refuser l’accès aux soins à l’hôpital. Selon les premières estimations plusieurs milliers en mourront et plusieurs dizaines de milliers subiront une dégradation de leur état de santé. »

Des soignants poussés à bout

A la dégradation continue des conditions de travail dans le secteur médico-social et au manque de moyens, s’ajoute un mépris total des soignants, pourtant portés en héros en blouse blanche pendant le confinement.

En juin dernier, Charlotte, aide-soignante volontaire dans le service Covid de son hôpital nous expliquait : « Depuis janvier nos salaires sont réduits, on est pris à la gorge. Et nous avons tous été très indulgents dans un contexte particulier, parce qu’il y avait le Covid, parce qu’il y avait des patients à soigner. Mais notre dernière fiche de paie est encore incomplète. Ils m’ont pris 300 euros de plus. J’ai une collègue qui se retrouve avec 900 euros net pour le mois. Elle ne touchera aucune aide, elle ne peut pas vivre ce mois-ci. La situation est dramatique. La moitié des agents, dans chaque service n’a pas été payé convenablement. »

Et face à cette situation dramatique et des salaires gelés depuis une décennie dans le secteur, le « Ségur de la santé » tant vanté par le gouvernement est arrivé comme un nouveau crachat à la figure des soignants. Une revalorisation salariale de seulement 180€ qui ne sera pas effective avant mars, et qui ne concerne pas l’ensemble des travailleurs de la santé. Et ce, en échangé de nouvelles attaques contre l’hôpital public, et notamment la possibilité par des accords locaux de généraliser et contractualiser les heures supplémentaires. Une logique qui vise à faire travailler toujours plus des hospitaliers à bout, qui enchaînent déjà les heures supplémentaires depuis des années, et qui voient leur charge de travail sans cesse augmentée.

« C’est très différent de mars, où tout le monde voulait aider, de nombreux soignants en ont marre, ils sont épuisés, la première vague les a cassés, on voit la lassitude », confie Stéphane Gaudry, hospitalier à Bobigny.

Le 15 octobre, une journée de mobilisation dans la santé pour cristalliser la colère

Face à cette situation dramatique, les organisations de soignants appellent à se mobiliser. Un appel commun à la journée du 15 octobre a été signé par la CGT-Santé, Sud-Santé, les urgentistes de l’Amuf, les infirmiers du SNPI, et les collectifs Inter-urgences et Inter-blocs.

« Les salarié-es toutes catégories confondues n’en peuvent plus de devoir supporter la dégradation de leurs conditions de travail sans aucune amélioration en vue, au contraire le management par la peur se systématise dans nos secteurs ! » peut-on lire dans ce communiqué unitaire.

Face à une situation qui ne cesse de se dégrader, les soignants revendiquent la formation et l’embauche massive de personnel, l’ouverture de nouveaux services dans tout le domaine médico-social, l’ouverture de lits, des augmentations de salaires et l’arrêt de la dérégulation du travail permise par le « Ségur de la santé », ainsi qu’une véritable sécurité sociale à la hauteur des besoins des soignants et de la population.

Rendez-vous est pris dans de nombreuses villes le 15 octobre pour sauver le système de santé. Car les soignants se battent pour de meilleures conditions de travail mais également pour l’ensemble de la société, pour un accès aux soins décents. Alors que les indicateurs d’une deuxième vague pandémique sont au rouge et que les lits de réanimations se remplissent chaque jour un peu plus, il est nécessaire que l’ensemble des secteurs du monde du travail se solidarisent avec les travailleurs de la santé. Face à la crise sanitaire et économique que le gouvernement et les patrons cherchent à nous faire payer, unissons nos forces pour le faire plier et refusons que notre santé, nos conditions de travail et nos vies soient une variable d’ajustement.


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