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Plus de 100 millions d’emplois en danger dans le tourisme : ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise

Le secteur du tourisme est à l'arrêt quasi total avec la fermeture des frontières et le confinement dans de nombreux pays. L'OMT parle de « 100 à 120 millions d'emplois en danger », mais pour que les conséquences de la crise économique ne pèsent pas sur les travailleurs et les PME, il faudra exiger l'interdiction des licenciements, le maintien des salaires, et une allocation pour les plus précaires.

Philomène Rozan

13 mai 2020

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L’épidémie de coronavirus qui sévit depuis maintenant plusieurs mois a été accompagnée de mesures de confinement et la fermeture des frontières à échelle internationale. L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) indique ainsi que 100 % des destinations mondiales ont toujours des restrictions sur les voyages, et que 72 % ont totalement fermé leurs frontières au tourisme. Une suspension de l’activité touristique qui a pour conséquences un baisse des arrivées de 22% sur le premier trimestre et qui monte à 57 % sur le seul mois de mars, comme le souligne l’OMT dans son dernier baromètre. Le secteur indique une perte de 74 milliards d’euros sur le premier trimestre de l’année.

Et les scénarios pour la suite de l’année sont plutôt sombres, puisque l’OMT qui espérait fin mars une chute de 20 à 30% du nombre de touristes internationaux sur 2020 a finalement indiqué le 7 mai, que le recul serait plutôt de 60 à 80 %.. Ce qui pourrait impliquer une perte de 843 milliards à 1 111 milliards d ’euros de recettes d’exportation du tourisme.

En France, première destination touristique mondiale, l’impact est important. Olivier Sichel, le directeur adjoint de la Caisse des Dépôts, indique ainsi que « le tourisme, c’est deux millions d’emplois directs et indirects et 9% de notre produit intérieur brut ». A Nice ce sont 3 milliards de pertes qui sont comptabilisées, et en Ile-de-France le secteur du tourisme perd un milliard par mois depuis le début de la crise.

Le tourisme, une « priorité nationale » pour le gouvernement, le spectre de l’austérité pour les travailleurs

Érigée en « priorité nationale », la question du tourisme va être abordée jeudi 14 dans un comité interministériel du tourisme. Alors que Jean-Baptiste Lemoyne - secrétaire d’Etat aux affaires étrangères - explique que « nous rentrons dans les mois qui arrivent sur une période très importante pour les professionnels du tourisme. Juillet et août représentent 41 milliards d’€ de recettes générées par le tourisme domestique et 14 milliards d’€ par le tourisme international soit un total de 55 milliards. », la question qui est à l’ordre du jour ce jeudi est celle d’un plan de relance. Il viendra renforcer l’aide d’urgence très largement utilisée dans le secteur, comme le souligne une note de l’Observatoire de l’Economie du Tourisme début avril qui indique que les professionnels recourent au « chômage partiel (utilisé par 95% des acteurs interrogés et plus de 80 % de leurs employés), report de charges courantes et des dettes fiscales et sociales (87 %). 89 % utilisent les avoirs, 72 % le rebooking plutôt que le remboursement (29 %). » Le plan de soutien s’appuiera d’abord sur un renforcement des prêts garantis par l’Etat, la Caisse des dépôts et Consignations (CDC) va également investir 1,3 milliards d’euros dans les projets touristiques. Un autre des éléments centraux du plan, comme le souligne Les Echos serait d’élargir les émetteurs de chèques vacances.

Mais le terme de « priorité nationale » signifie aussi que les travailleurs du tourisme vont devoir payer la facture, à l’instar des secteurs de l’automobile et l’aéronautique qui sont aussi caractérisés comme tels par le gouvernement. En effet, c’est le signe que ce qui se profile pour les salariés du tourisme reste avant tout des plans de licenciement en parallèle du plan de relance : dans l’aéronautique, ce sont ainsi plusieurs milliers de salariés qui sont concernés par le spectre du chômage dans les entreprises Daher et Derichebourg, les premières à avoir communiqué sur des plans de restructuration. Air France KLM promet pour sa part 1 500 licenciements.

La préoccupation du gouvernement une fois de plus est donc celle du soutien à l’économie et aux entreprises. Lemoyne indiquait ainsi au Monde : « La France doit rester sur le podium  ».]

De son coté, L’OMT parle de «  la mise en danger de 100 à 120 millions d’emplois directs dans le tourisme » à échelle mondiale. A ce titre, le voyagiste allemand TUI qui a annoncé 8 000 emplois en moins, marque le début d’une vague d’austérité sans précédent.

Et dans un secteur où les contrats courts, saisonniers et précaires sont monnaies courantes, le chômage va venir frapper durement des milieux déjà paupérisés. « Nous voyons arriver énormément d’étudiants cherchant un emploi pour l’été, et des personnes qui ont vu leur CDD ou leur mission d’intérim ne pas être reconduits à cause de la crise » explique ainsi au Monde Stéphanie Delestre, présidente de la plate-forme d’emploi par intérim QAPA. La jeunesse et la main d’oeuvre précaire, premiers embauchés dans ce type de secteurs, seront donc les premiers à subir l’austérité.

C’est donc un effet boule de neige qui s’opère en matière de licenciements et de chômage à l’égard des classes populaires : les travailleurs qui payent déjà les pots cassés du début de la crise économique et qui cherchaient à survivre en se rabattant sur les emplois précaires du secteur du tourisme risqueraient de ne pas pouvoir travailler cet été, ou dans des conditions de travail très dégradées.

L’arrêt du tourisme risque de perdurer encore plusieurs mois, et les plus gros groupes du tourisme – à l’image de Disney- promettent des licenciements massifs. Dans ce contexte où les PME, nombreuses dans ce secteur, sont durement touchées par la crise et doivent en payer les pertes considérables, une allocation à hauteur du SMIC leur permettrait de vivre décemment. En parallèle, l’ensemble des salariés de ce secteur doivent pouvoir voir leurs salaires maintenus à 100% pour éviter de payer les pots cassés de la crise sanitaire, tandis que ceux qui ont été mis sur le banc de touche pour cette saison et qui sont sans revenus doivent également toucher une allocation. Et alors que beaucoup des travailleurs du tourisme sont aujourd’hui au chômage du fait de la baisse d’activités, interdire les licenciements apparait comme une nécessité impérieuse. Enfin, le partage du temps de travail permettrait de réduire drastiquement le chômage dans un secteur où le patronat joue sur la concurrence entre les travailleurs précaires et par la pression du chômage pour embaucher au moindre coût.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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